Sophie Ferjani nous a reçus dans son concept-store La Sélection à Marseille. La décoratrice d’intérieur revient sur son installation dans la cité phocéenne et sur ses projets, avec l’ouverture cet été d’un nouvel espace.
C’est un petit rayon de soleil qui passe le plus clair de son temps à illuminer les espaces, à faire rayonner chaque pièce de votre maison. Au milieu de « La Sélection », son concept-store, rue de La République, à Marseille, Sophie Ferjani ne passe pas inaperçue.
À l’écran, comme dans la vie, une certaine douceur émane de la décoratrice d’intérieur à la chevelure rousse. Sophie Ferjani s’est fait un nom dans l’émission « Maison à vendre », diffusée sur M6, aux côtés du trublion Stéphane Plaza. « Entre nous, ça a matché tout de suite », se souvient-elle.
C’était il y a 15 ans. À l’époque, Sophie vient de créer sa petite entreprise, partage ses conseils sur un blog, poste des photos de rénovations… pour se faire connaître. Les ancêtres de nos réseaux sociaux actuels remplissent leur rôle, si bien qu’elle se fait remarquer dans le monde très fermé de la décoration d’intérieur, et semble parfaitement correspondre au profil recherché pour ce nouveau programme télévisé novateur.
La jeune entrepreneuse y voit une formidable opportunité de mettre en lumière ce qu’elle sait faire de mieux. « Je me revois encore le jour du casting, raconte la diplômée en arts appliqués. Je me suis énervée sur le cadreur en lui disant : « ça ne vous intéresse pas ce que je raconte », parce qu’il ne filmait pas ce que je montrais, alors que pour moi il n’y a rien de plus beau que l’art appliqué et montrer son travail. C’était tout le décalage. Moi, je venais pour un travail. La production cherchait une image ». La sienne séduit incontestablement.
« Marseille, c’est chez moi, je m’y sens à ma place »
Ces dernières années, la petite reine des astuces et des bons plans déco’ partage son temps entre Paris et Marseille, où elle a définitivement posé ses valises pleines d’idées inspirantes. Un rêve de longue date nourri au fil des années par des périodes de vacances entre Marseille, Aix et Cassis. Toujours courtes. Bien trop courtes.
De retour dans la tumultueuse capitale, l’appel du Sud se fait de plus en plus présent, et avec lui un projet. « On s’est toujours dit avec mon mari, qui vient de la grande distribution, qu’on allait réunir nos savoir-faire, nos forces pour créer une boutique. Nous avions étudié la faisabilité de cette entreprise à Paris, depuis une douzaine d’années déjà, mais elle n’a jamais pu voir le jour, les loyers étaient toujours trop élevés », explique la chef d’entreprise, bien décidé à s’installer dans la cité phocéenne, avec laquelle elle entretient une relation particulière.
« Je ne sais pas comment dire, mais je m’y suis toujours sentie comme chez moi ici. C’est vraiment une histoire d’amour avec cette ville que je ne sais pas expliquer. Il y a parfois des lieux dans lesquels on se promène et on se dit « c’est chez moi ». Eh bien Marseille, c’est chez moi, je m’y sens à ma place », confie cette native des Pays-de-la-Loire.
« Je suis avant tout architecte d’intérieur avant d’être décoratrice »
Pour rendre le grand départ concret, Sophie répand la nouvelle autour d’elle. « Je ne supporte pas l’échec. Alors en le disant, on ne pouvait pas revenir en arrière ». Le « check » tapé avec son mari, le pacte est scellé. Après 20 ans passés à Paris, la quarantaine sonne. Une nouvelle page de son histoire s’ouvre ainsi dans la deuxième ville de France.
Dans son imaginaire, les Goudes s’imposaient comme un petit paradis sur terre. « On y allait en vacances, c’était isolé. C’était mon idéal de vie », dit-elle, regrettant l’intimité d’antan d’un quartier aujourd’hui très prisé et surfréquenté.
Déterminée, elle déniche une maison près de l’Estaque. Pas exactement les pieds dans l’eau, mais avec vue sur mer. Elle rénove cette ancienne bâtisse datant de 1880. « Je suis avant tout architecte d’intérieur avant d’être décoratrice, nous dit-elle. Mon métier, c’est d’abord d’écouter la maison, son histoire, s’en inspirer, de respecter le lieu où l’on vit. Pour moi, c’est la règle numéro 1. J’aime dire qu’à telle époque on décorait d’une certaine manière, pourquoi on choisissait certaines teintes… On se rend compte d’ailleurs que c’était bien plus coloré que ce qu’on ose faire aujourd’hui ».
10 000 références habillent le concept-store
Et les couleurs, Sophie adore ça. Chez elle, quasiment pas de blanc, mais des pièces aux couleurs franches. « Pour moi, c’est comme des petits bonbons. C’est ce qui nous amène de la douceur et du bonheur au quotidien. Je trouve que c’est réconfortant ». C’est tout cet univers qu’elle a voulu recréer avec son concept-store. Imaginé comme un grand appartement, il recèle « d’un peu tout ce que je ne peux pas mettre chez moi », blague-t-elle, assise sur le canapé visible en vitrine de sa boutique.
Ici, c’est comme à la maison, à un point tel que le tutoiement chatouille les lèvres des clients qui poussent la porte de ce monde à part, à l’image de sa créatrice. « Je le dis avec beaucoup d’humilité, mais le concept c’est Sophie, sourit-elle. À la télévision, les gens ont découvert ce que j’aimais, mon affinité avec les matières authentiques, avec la couleur, les astuces, comme les peintures en résine qu’on va accrocher sans décaper, les accessoires qui changent tout, les coussins, les belles choses… et beau ne veut pas dire cher. Et tout ça, vous pouvez le retrouver dans le magasin », aux 10 000 références. « Il faudrait qu’un produit en chasse un autre, mais je ne sais pas faire ça », lâche-t-elle, toujours avec le sourire.
Des coups de coeur aux coups de gueule
En s’installant à Marseille, Sophie avait à cœur de « désacraliser la décoration, car j’avais le sentiment qu’il manquait cette offre à Marseille. Il y en a pour tous les prix, pour tous les goûts, ou presque, car ça reste quand même mon style. C’est pour ça que ça s’appelle « La Sélection » parce que je vais référencer mes coups de cœur, mes petits produits chéris, et j’offre un bon moment, une rencontre, des échanges. C’est vraiment un magasin où l’on peut flâner, prendre son temps, discuter. On reconnaît les conseillères qui nous ont renseignés et on les appelle par leur prénom. Au début, on vient voir Sophie et après on revient voir Virginie. Ici on crée du lien ». On vient voir aussi les architectes d’intérieurs, car le cabinet-conseil est installé au sein de la boutique.
La vie du magasin est rythmée par des collections capsules « avec un thème fort », généralement disposées à l’entrée. Elles changent toutes les 3 semaines à un mois. « Ça nous oblige à être en recherche perpétuelle, rester au fait des tendances sans être trop précurseurs non plus. Il faut faire attention au décalage, et être en phase avec les clients. Les Marseillais y sont sensibles ». Parfois, la capsule peut être un moyen d’expression « parce qu’on a envie de pousser un coup de gueule, aborder le « zéro déchet », l’authenticité, les essentiels en cuisine…».
Un nouvel espace de 140 m2 dédié à l’architecture d’intérieur
La cité phocéenne représentait également un petit challenge pour Sophie qui n’a pas pour habitude d’aller « là où c’est facile, mais là où il y a un défi. C’est aussi pour ça qu’on s’est installé rue de la République », confie-t-elle, enthousiaste et surtout « hyper fière » ; car 5 ans plus tard, Sophie sait qu’elle ne s’est pas trompée en choisissant de miser sur Marseille.
« On voit bien que ça prend de l’ampleur et on aimerait s’étendre, car il y a des demandes qu’on ne peut pas prendre actuellement. Et puis les gens ne comprennent pas toujours qu’on fait de l’architecture d’intérieur alors qu’on vend aussi nos idées. On met au point des « dossiers créa » à l’occasion de consultations de deux heures, où vous pouvez sortir de votre tête toutes vos idées. Vous repartez avec des plans, des croquis… On travaille aussi sur des dossiers complets en fonction du projet. On n’est pas maître d’œuvre, mais on peut accompagner le client ».
Désormais, il pourra venir dans un lieu dédié, puisque dans quelques semaines, Sophie proposera une nouvelle offre en ouvrant un cabinet d’architecture attenant à « La Sélection ». 140 m2 avec 5 postes « d’archi », une matériauthèque à l’entrée pour présenter les échantillons matières et « tout ce qui a du sens par rapport à notre métier ». Dans le fond, un espace ateliers ouvrant sur le passage Lorette, pour reprendre les rencontres une fois par semaine, autour de thématiques spécifiques, à l’arrêt depuis la crise sanitaire.
Plus tard, pour compléter son univers, elle « rêve » de transformer l’ancienne menuiserie en FabLab, ressourcerie ou encore en recyclerie. Et avec Sophie, semble-t-il, les rêves deviennent réalité. Si la décoratrice d’intérieur préfère y aller « piano, piano », son avenir, elle l’imagine toujours aussi coloré, teintée de douceur, et de « mercis » et de petits bonbons. Et surtout en exerçant pour longtemps encore « non pas un métier, mais une véritable passion ».