Dans son chai du Vieux-Port, la société We Wine s’apprête à mettre en bouteille sa première cuvée fabriquée à Marseille. Mais son cofondateur, Lionel Boillot, voit déjà plus loin. Il souhaite acquérir un terrain pour produire le premier vin bio 100% marseillais d’ici quelques années.
Au détour d’une petite ruelle du Vieux-Port, Lionel Boillot nous accueille au Chai de Mars, un chai urbain atypique de vinification et d’élevage. Dans cet entrepôt de 40 m2, six jarres sphériques en grès, deux cuves en inox, un pressoir et une grande pancarte bleue et blanche : « Le Chai de Mars : the proud and popular wine station ». Le lieu paraît modeste, mais il est une étape cruciale d’un projet un peu fou et assumé : produire le premier vin fait à Marseille dans sa globalité, des vignes à la mise en bouteille.
Cette aventure, c’est celle de Lionel Boillot, négociant en vin ayant vécu et travaillé en Chine pendant 23 ans, et de son ami et associé, Michel Assadourian, avec qui il crée la société We Wine ! en 2019. Tout juste revenu en Provence, Lionel, originaire du quartier d’Endoume, rêve de reprendre un domaine viticole dans la région.
Mais la crise sanitaire arrive et met à mal les vignerons qui ne peuvent plus exporter leurs bouteilles. L’entrepreneur a alors l’idée d’aider ses partenaires dans le Vaucluse, le Gard et la Drôme provençale : il leur propose de transformer leurs raisins en vin à l’identité marseillaise. L’objectif : élaborer à partir de ces mélanges des vins « décalés, bio et accessibles ».
Le premier vin de We Wine vinifié à Marseille sortira fin mai
En découlent les premières cuvées des « Vins de Mars » : « La baie des singes » en rouge et en blanc, et « On craint dégun » en rouge, blanc et rosé. 40 000 bouteilles ont été commercialisées, ornées d’étiquettes qui reprennent légendes et galéjades locales. La gamme est catégorisée vins de France, permettant « une plus grande liberté » et également « d’éviter que l’on soit comparés à nos voisins, explique Lionel Boillot. Si l’on était labellisés Coteaux d’Aix ou Varois, on ne serait pas Marseillais… nous, ce que l’on veut, c’est créer une expression de Marseille, et avoir notre propre identité ».
Avec l’acquisition du local en août 2021, le projet de We Wine est passé à la vitesse supérieure. C’est ici que l’équipe est en train de mettre au point le vin MARS, un rouge 100% syrah certifié AB. 3000 bouteilles de ce premier vin élevé et embouteillé à Marseille devraient être commercialisées à la fin du mois de mai, principalement destinées aux cavistes, hôtels et restaurateurs, au prix de 28 € la bouteille. « Ce sera déjà un aboutissement de sortir cette première cuvée produite à Marseille… mais ce n’est qu’un début, car ce n’est pas encore fait avec des raisins d’ici », concède Lionel Boillot.
Vers des vignes marseillaises
Une fois cette première étape accomplie, in fine, « l’ambition reste d’avoir cinq à dix hectares à Marseille afin de planter nos propres vignes ». Après un projet à Allauch tombé à l’eau pour la saison, We Wine s’est lancé à la recherche d’un terrain auprès de la municipalité marseillaise et de la Métropole.
« Ce n’est pas gagné, mais nous leur avons apporté plusieurs arguments intéressants, témoigne Lionel Boillot. Notamment celui que les vignes ne brûlent pas et constituent un rempart aux incendies. Et sur le plan éducatif, cela peut être très intéressant : on pourrait accueillir des classes et leur apprendre la fabrication du vin et du jus de raisin », imagine le négociant, qui mise aussi sur le côté ludique et pédagogique d’un vignoble urbain et à la rusticité de cette culture adaptée aux pentes et aux restanques.
Une démarche qui correspondrait au plan d’action d’agriculture urbaine de la Métropole et pourrait s’inscrire plus généralement dans la volonté des collectivités de faire revenir la production alimentaire en ville. Si la municipalité n’est pas favorable à son projet, Lionel compte sur des terres privées de paysans ou des terrains classés inconstructibles.
Mais en attendant de réaliser ce rêve fou, Lionel est en train de monter des ateliers œunotouristiques de dégustation de son vin, en accord avec les mets de la Laiterie Marseillaise (7e), les chocolats de Françoise (12e) et les tartinades de Timon et Sourrieu (4e). « Quand un touriste vient à Marseille, il ne pense à acheter que du savon et du pastis, lance Lionel Boillot. Alors qu’en réalité, il y a beaucoup d’autres produits à découvrir »… et pourquoi pas bientôt du vin d’ici ?
Informations pratiques
Vous pouvez retrouver les Vins de Mars aux adresses suivantes : les boutiques du Vin sobre (6e, 8e et 9e), le Comptoir des vins (8e), la Meulerie (2e), la Descente des Accoules (2e), Le bout du quai (2e), Massilia bar à tapas (2e)… et aux restaurants La Grotte (8e), L’Aromat (1er) et Madie les Galinettes (2e).
Compter 10 € les 75 cl pour On craint dégun, 16 € pour La baie des singes, 28 € pour MARS.