La future centrale osmotique du delta du Rhône doit être opérationnelle en 2023. Elle produira de l’électricité 100 % renouvelable à partir des eaux douces et salées. Cette nouvelle technologie pourrait couvrir deux fois la consommation des habitants de Marseille d’ici 2030.
D’un côté, une guerre en Ukraine qui, au-delà du drame humain, entraine une crise énergétique due à la dépendance européenne au gaz russe. De l’autre, le dernier rapport du Giec [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, ndlr] implore d‘agir radicalement et sous 3 ans pour endiguer la crise climatique. Notamment sur la question de la production d’énergie, premier secteur des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Ces deux actualités font la Une à travers la planète et poussent à une réflexion d’urgence sur la transition et l’indépendance énergétiques. Dans ce contexte, le nouveau projet de centrale osmotique sur le delta du Rhône prend tout son sens. Cette technologie, qui se base sur une réaction issue de la rencontre entre l’eau douce et l’eau salée, permet de produire une électricité 100 % renouvelable.
D’autant que cette centrale, qui serait le premier pilote industriel du type en France, pourrait être opérationnelle rapidement, d’ici à la fin de l’année 2023. C’est ce qu’assure le porteur du projet, la Compagnie nationale du Rhône (CNR), concessionnaire du fleuve pour la production d’hydroélectricité, le transport fluvial et les usages agricoles.
Le courant passe entre l’eau douce et l’eau salée
L’énergie osmotique est générée par une membrane spéciale séparant deux eaux de différente salinité. C’est pourquoi la centrale s’implantera dans le delta du Rhône, entre mer et fleuve.
Les tests sont déjà en cours dans différentes zones du delta pour déterminer l’endroit exact de l’implantation. Mais elle devrait se faire à l’Est de la Camargue, autour de l’embouchure du Grand-Rhône. « On cherche un lieu propice au plus proche de l’estuaire », précise Nicolas Heuzé, fondateur de Sweetch Energy.
La startup rennaise est à la manœuvre sur la partie technique du projet. Elle a signé un partenariat industriel avec la CNR, premier producteur d’énergie exclusivement renouvelable de France.
Le delta du Rhône pourrait produire deux fois la consommation des habitants de MarseilleNicolas Heuzé, fondateur de Sweetch Energy
La production d’énergie osmotique ne génère ni déchets, ni gaz à effet de serre. Mais surtout, contrairement à l’éolien ou au solaire, cette énergie renouvelable est indépendante des conditions météorologiques. Elle peut donc être produite en continu.
Nicolas Heuzé estime qu’à horizon 2030 le delta du Rhône pourrait générer « plus de 4 millions de mégawatt-heure (MWh) par an. Soit environ deux fois la consommation des habitants de Marseille ». Si ces projections se concrétisent, l’électricité osmotique pourrait couvrir les besoins de 80 % de la population des Bouches-du-Rhône en électricité décarbonée.
Une capacité impressionnante lorsqu’on la compare à un réacteur nucléaire, qui produit en moyenne 5,5 millions de MW par an.
« Une véritable rupture scientifique »
L’exploitation de ce phénomène est étudiée depuis plusieurs décennies. La Norvège et les Pays-Bas l’utilisent déjà commercialement. Mais la recherche publique française a dernièrement fait de grandes avancées dans le domaine, notamment sous la direction du professeur Lydéric Bocquet (CNRS / École Normale Supérieure).
« Les meilleurs cerveaux français se sont penchés sur le sujet et ont découvert des phénomènes physico-chimiques à l’échelle du nanomètre qui représentent une véritable rupture scientifique », explique Nicolas Heuzé. « De notre côté, nous en avons fait un produit industrialisable très compétitif ».
Une nouvelle option pour la transition énergétique mondiale
Il s’agit de la nouvelle membrane, technologie baptisée Inod, qui permet de générer « 20 fois plus d’énergie osmotique que les solutions antérieures, avec des matériaux biosourcés et locaux 5 à 10 % moins chers ». Et c’est là que « cette filière totalement nouvelle devient une véritable option pour la transition énergétique à l’échelle de la planète ».
Car selon lui, elle permettra de produire une électricité décarbonée « très compétitive. Moins chère que le nucléaire. Du même ordre de prix que le photovoltaïque ou l’éolien, en étant disponible en permanence ». Et comme toutes les nouvelles innovations, les performances devraient augmenter avec le temps.
« La France a de la chance d’être à la tête de cette nouvelle technologie », estime Nicolas Heuzé. Selon la Compagnie nationale du Rhône, chaque année, près de 30 000 TWh d’énergie osmotique sont libérés dans les estuaires de la planète « soit une capacité supérieure à la demande mondiale d’électricité ».