Inauguré ce mercredi en présence de la ministre de la Ville, Nadia Hai, le Café des femmes à Saint-Antoine permet aux marseillaises en situation d’isolement et de précarité de se rencontrer et d’échanger. Un lieu innovant, né de la coopération entre l’association des « femmes du Plan d’Aou en action » et l’ONG Banlieues Santé.
Il est midi à la cité du Plan d’Aou dans le quartier de Saint-Antoine, sur les hauteurs du 15e arrondissement de Marseille. Ce mercredi, après une matinée de déplacements dans différentes institutions de la cité phocéenne, la ministre chargée de la Ville, Nadia Hai, a rendez-vous au café. Mais pas n’importe lequel : il s’agit du Café des femmes, un nouveau lieu innovant dédié aux citoyennes en situation de précarité pour se ressourcer, échanger et se retrouver.
La ministre a aidé à financer le lieu dans le cadre de son dispositif Gilets Roses qui consacre deux millions d’euros pour soutenir les associations qui œuvrent pour les femmes dans leur quartier.
Elles sont une quarantaine à l’attendre pour inaugurer officiellement ce lieu qui a ouvert la semaine précédente, le 11 mars, en bordure du parc des terrasses du Verduron. « On est tellement contentes de vous voir », lance l’une d’entre elles.
Parmi les habitantes présentes, Souad Boukhechba, qui connait le quartier comme personne. Elle a co-fondé l’association des « Femmes du Plan d’Aou en action » en 1998 pour fournir une aide alimentaire aux femmes en situation précaire et à leurs enfants. Le Café des femmes est le fruit d’un « partenariat coup de cœur » entre cette association et l’ONG Banlieues Santé, qui lutte contre les inégalités de santé en France.
Quand les acteurs des quartiers se rencontrent
Souad incarne ce nouveau lieu avec enthousiasme et détermination. « Le Café des femmes s’adresse à toutes, qu’elles soient jeunes ou âgées, de tout Marseille », explique-t-elle avec un grand sourire communicatif. « Celle qui a un problème, on est là pour elle ! Celle qui a besoin de solidarité, on est là pour elle ! Nous souhaitons que lors de leur venue, les femmes se redécouvrent. »
Tout a commencé pendant le premier confinement, quand l’association commence à travailler avec Banlieues Santé pour livrer des colis alimentaires et des kits d’hygiènes à domicile aux personnes âgées isolées du 15e arrondissement. Puis des plateaux repas avec l’aide de Sodexo et l’association Vendredi 13. En tout, les bénévoles de l’équipe sont venus en aide à plus de 1 000 bénéficiaires durant cette période.
Le partenariat s’est poursuivi entre les deux structures, avant que naisse dans l’esprit de Souad l’idée d’un local qui concentrerait toutes ces ressources en un seul lieu. « De là, j’ai pensé qu’il fallait créer un endroit où on peut aider nos anciens et nos mères isolées, femmes battues… c’était important », explique Souad. « Puis Abdelaali El Badaoui, le fondateur de Banlieues Santé, m’a dit, ‘’j’ai déjà créé un premier Café des femmes à Paris, et j’ai envie de créer le deuxième avec toi !’’ »
« C’est leur lieu, leur cocon »
Le Café peut être défini comme un « tiers-lieu », où des femmes touchées par des parcours de vie compliqués, qui ont souvent connu les violences, la rue ou l’isolement, peuvent se reconstruire et retrouver de l’élan. Les habitantes peuvent y partager un café, échanger, participer à des ateliers de cuisine, de couture, d’estime de soi, de socioesthétique… ici, le bien-être et l’échange de savoirs deviennent des moteurs d’émancipation.
Un salon agréable et confortable, une décoration aux couleurs pastel, un petit salon de beauté, une cuisine… Avec pour but que lorsque les femmes viennent ici, « elles se sentent chez elles. Qu’elles se rencontrent, parlent entre elles, et là le café va vivre. C’est leur lieu, leur cocon, c’est là que ça va fleurir, c’est sûr ».
Un deuxième café en projet à Marseille
Le premier Café des femmes a ouvert en janvier 2021 à Paris, une adresse qui a déjà accompagné plus de 200 femmes en difficulté. « Le Café des femmes, c’est avant tout un parcours d’inclusion en trois étapes », explique Yassine Ennomany, coordinateur national des projets de Banlieues Santé.
« La première : reconquérir l’estime de soi à travers une vingtaine d’ateliers : socio-esthétiques, activité physique, coaching, sorties culturelles… Après, on va s’attaquer aux inégalités en écoutant les besoins des femmes et travailler avec des intervenants, sur les problématiques qu’elles peuvent rencontrer : l’accès au droit, le surendettement, le manque de moyens, l’alphabétisation… »
La dernière étape consiste à s’émanciper financièrement en repartant sur des bases solides. Pour « aller sereinement et durablement vers l’emploi ou l’entreprenariat », conclut Yassine. Dans le futur, un projet de coopérative est prévu pour associer tous ces savoir-faire afin que le café puisse un jour générer des revenus pour les femmes.
Un modèle qui vise à se dupliquer : à travers ce « co-portage » de projet avec une association locale, Banlieues Santé a envie de « voir ce modèle transformer la réponse sociale dans les quartiers par l’émancipation des femmes ». Les prochains Cafés des femmes devraient ouvrir à Plaisir dans les Yvelines, à Montereau en Seine-et-Marne, alors qu’un second est en projet à Marseille.