Et si l’huître se faisait une place entre les taureaux et les flamants roses sur les cartes postales camarguaises ? C’est le vœu de l’ostréicultrice Maria Nieves Castejon, à Port-Saint-Louis-du-Rhône, dont les coquillages biologiques séduisent les plus grandes tables.
La « Perle de Camargue ». C’est ainsi que l’ostréicultrice Maria Nieves Castejon a baptisé l’huître qu’elle élève au large de Port-Saint-Louis-du-Rhône. A-t-on déjà trouvé les petites billes de nacre à l’intérieur ? « Les clients ne nous l’ont jamais signalé en tout cas ! », rit-elle. « Les perles, ce sont nos huîtres. Les meilleures du monde ! », lance-t-elle, roulant les R dans un accent chantant qui trahit son origine.
Cette institutrice espagnole a débarqué en France à 25 ans, pour rejoindre son mari, mytiliculteur local. « Nous élevons des moules depuis 1995. Mais il a fallu se diversifier pour faire face à la mondialisation qui a durement touché notre secteur ». Ironie du sort, l’Espagne est devenue une rude concurrente dans le domaine.
En 2014, l’entreprise familiale Camargue Coquillages se lance donc dans l’ostréiculture. Huit ans plus tard, ses huîtres généreuses, charnues et biologiques, sont servies sur les tables de chefs étoilés : « Le Petit Nice de Gérald Passedat à Marseille, Le Mirazur à Menton, Jérôme Nutile à Nîmes », liste Daniel, le fils, en train de reprendre les rênes de l’exploitation. « Même à Paris, où Florian Barbarot de Top Chef va bientôt ouvrir son restaurant gastronomique ».
« Que lorsqu’on pense Camargue, on pense huîtres »
Il espère que cette vitrine fera entrer les coquillage sur la liste des produits dits « du terroir ». Car lorsqu’on parle Camargue, « on pense surtout aux taureaux, aux flamands roses, aux salins ou au rizières ».
Pourtant, « il y a toujours eu des huitres à l’état sauvage ici », assure Maria Nieves. « Mais on a préféré cultiver les moules avant tout ». Daniel souhaite « vraiment que lorsqu’on pense Camargue, on pense huître. De la même manière que les autres produits liés depuis toujours au territoire ».
Sa mère approuve, en chargeant des caisses sur son bateau, devant son hangar de la zone des métiers de la mer de Port-Saint-Louis-du-Rhône. « Ici, c’est une sorte de port de coworking pour les ostréiculteurs et mytiliculteurs. On a un beau bureau, avec vue sur la Camargue ».
Le Rhône, fleuve nourricier des coquillages
Il faut à peine une dizaine de minutes de navigation, en ayant croisé flamants roses et cygnes sauvages, pour atteindre le parc conchylicole de l’anse de Carteau. En plein dans l’embouchure du Rhône « qui apporte une eau douce chargée de sédiments et donne une eau saumâtre. Le plancton se développe donc très bien. Et nos huîtres aussi puissent qu’elles s’en nourrissent ».
Toutefois, en plein milieu du golfe de Fos-sur-Mer, un paradoxe saute aux yeux : cette zone, littéralement collée au Parc régional de la Camargue et classée Natura 2000 est cernée par les infrastructures industrielles, portuaires et pétrochimiques.
L’ostréiculture assure que « la courantologie et le mistral protègent la qualité biologique de l’eau », qu’elle qualifie même « d’une des meilleures de France. On n’a jamais eu d’arrêts biologiques, contrairement à beaucoup d’autres secteurs ». Elle appuie ce constat sur des analyses « hebdomadaires des laboratoires de l’Ifremer et du Département ».
Des huîtres « nées à la mer et naturelles », une évidence rare
D’autres analyses « très pointues », sur la chair des huîtres permettent la certification « aquaculture biologique », que Camargue coquillages est la « seule entreprise de la région à avoir ». Elle doit remplir d’autres critères pour jouir du label, comme la densité d’huîtres sur chaque corde, « limitée à 80 chez nous, contre 130 ailleurs ».
Mais le plus important pour distinguer les huîtres biologiques, c’est qu’elle sont « nées à la mer, et naturelles ». Contrairement aux coquillages les plus répandus sur les étals, les huîtres triploïdes, créés artificiellement en laboratoire pour être stériles.
« Alors que les nôtres produisent cette substance laiteuse au début de la ponte », explique Daniel en montrant un dépôt blanchâtre sur la chair d’un coquillage ouvert. Ce que beaucoup de ses concurrents considèrent comme un repoussoir commercial est pour lui un argument marketing : « c’est la meilleure preuve pour nos clients qu’ils mangent une huître naturelle ».
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