C’est dans sa cuisine du quartier de La Rose que William Lellouche a réalisé sa première recette de harissa originale. Fabriquée de manière 100 % artisanale et distribuée dans de nombreuses épiceries fines à travers toute la France, la jeune marque marseillaise Tava Hada Pilpelta sera utilisée dans la célèbre émission culinaire Top Chef. Portrait.
William Lellouche n’aime pas trop parler de lui. Le Marseillais est un « chouia » timide. Mais lorsqu’il s’agit de conter son produit, là on ne l’arrête plus, tant il a de choses à raconter, car « il n’était absolument pas prévu que cette harissa termine dans vos assiettes », plaisante William.
La naissance de Tava Hada Pilpelta ressemble à une histoire d’amour, à la fois piquante et enflammée, parfois compliquée, mais tellement relevée. C’est dans sa petite cuisine dans le quartier de La Rose, à Marseille, que William prépare sa toute première harissa artisanale, cette fameuse purée de piments rouges originaire de Tunisie, agrémentée d’ail et d’épices. « J’avais fait cette harissa par pur plaisir personnel, parce que je ne trouvais pas dans le commerce une harissa qui réponde à mes attentes. J’avais un manque, un vrai besoin », explique l’entrepreneur qui adore se mettre aux fourneaux.
Ce jour-là, sa recette très spéciale ne manque pas d’aiguiser les sens et de ramener aux souvenirs de cette « fameuse harissa de nos grand-mères au goût si particulier. C’est ça que j’aime ». C’est là qu’il se dit qu’il tient peut-être un bon filon. Il décide de se lancer le défi de la commercialiser, il y a deux ans, juste avant le début de la crise sanitaire. Un pari audacieux, même un peu fou, « car tout le monde a déjà goûté de la harissa ».
Authenticité et savoir-faire
C’est sans compter sur sa volonté de lui offrir un goût d’authenticité, celui de la ville de Gabès en Tunisie, mais pas seulement. « Pour moi, c’est un produit qui peut être plus noble, plus fin et très qualitatif ». William revisite alors la recette traditionnelle tunisienne pour y ajouter une forte dose de puissance tout en y associant ses multiples racines. De parents nés en Algérie française, ce Français de confession juive baigne dans les saveurs méditerranéennes depuis toujours. Un mélange des cultures qu’il affectionne et qui contribue à créer le liant de ses préparations.
Pour faire la différence, William mise « volontairement » sur des piments puissants. S’il utilise le piment de Tunisie comme dans la recette ancestrale, le sien « est fumé au bois d’olivier. Je travaille aussi avec d’autres variétés, comme le Habanero, connu pour sa note citronnée, à la fois fort et fruité, ou le piment oiseau. Des piments marocains ou du Kenya aussi ».
Certains sont classés à 10°, le plus haut degré sur l’échelle de Scoville [inventée en 1912, elle mesure la force des piments, ndlr], mais leur explosivité est atténuée par l’ail violet « plus doux à travailler, épluché gousse par gousse », et « mélangé le jour même de la production pour éviter la fermentation, l’oxydation, etc. Les épices sont aussi moulues le jour même de la production. Je travaille vraiment les graines et je les fais chauffer pour gagner un maximum de saveurs. Je n’ai vraiment pas lésiné sur la qualité des ingrédients et chacun d’entre eux est préparé individuellement ».
Un process 100 % artisanal qui lui permet « d’arriver à un produit différent des autres, car cette harissa n’est pas non plus diluée, mais pure et concentrée, le tout additionné d’huile d’olive bien sûr ». Elle peut avoir de multiples usages : à savourer en condiment, pour agrémenter des plats, mais surtout en fond de sauce « la première utilité de la harissa » estime William.
Faire d’un produit populaire et ordinaire, un « grand cru »
Le confinement s’avère une période propice pour analyser le marché, les tendances, la clientèle, se familiariser avec le métier de chef d’entreprise, et commencer à envoyer les premiers pots « à des personnes susceptibles d’apprécier le produit ». Cette stratégie d’influence fonctionne. Le journaliste et critique gastronomique François-Régis Gaudry est séduit par cette recette qu’il qualifie « d’une complexité subtile et d’un grand équilibre ! Un très grand cru de harissa ».
Il mitonne un dossier spécial dans son émission Très très bon, sur Paris Première sur la harissa Tava Hada Pilpelta, qui signifie en araméen « mieux vaut un seul piment piquant qu’un grand panier de courges ». Un clin d’œil à une phrase du Talmud. Puis, le chroniqueur vient rencontrer William Lellouche dans la cité phocéenne pour Le Marché de F.R. Gaudry, son émission sur France Inter.
Un formidable coup de projecteur qui met aussi en lumière un savoir-faire. William passe ensuite de sa cuisine au Carburateur. Cette structure installée dans les quartiers Nord accueille et accompagne les jeunes entreprises et les porteurs de projets dans un cadre adapté. Et ça carbure, car bientôt la harissa made in Marseille fait son apparition dans les étals d’épicerie fine à travers toute la France, dans les boutiques spécialisées pour contenter une clientèle en quête de nouveautés, ou paysannes « parce qu’elles apportent de la valeur ajoutée à mon produit en expliquant la démarche », explique William.
Harissa à la rose, tomates séchées pimentées, crème de citron confit à la harissa…
La gamme s’élargit avec d’autres compositions. D’abord la crème de citron confit à la harissa, « car nous voulions créer une version « tartinable » de cet agrume. On utilise des citrons bio que l’on fait directement confire dans notre harissa ». Viennent ensuite la noix de cajou à la harissa, la crème de tomates séchées pimentée, la harissa à la rose « avec de véritables boutons de roses d’Ispahan », la tapenade d’olives noires pimentée, l’huile d’olive pimentée, et même la boutargue à la harissa. « L’un et l’autre sont des incontournables de la côte méditerranéenne, leur association était finalement inévitable ».
Lauréat du programme Entrepreneuriat pour tous, porté par BPI France à destination des quartiers prioritaires de la ville (QPV), Tava Hada Pilpelta bénéficie d’outils d’accompagnement pour accroître sa croissance, et « gagne en crédit et en visibilité, ce qui va m’aider dans mon développement », poursuit le fondateur, qui travaille désormais avec deux personnes en Contrat Initiative Emploi (CIE), dispositif d’aide à l’insertion professionnelle, et un jeune en contrat d’apprentissage. Sans oublier sa femme, à ses côtés à chaque étape. « C’est à elle que je dois tout », exprime William Lellouche avec émotion.
Conquérir le cœur des chefs étoilés
William Lellouche ambitionne aujourd’hui de conquérir le cœur de chefs étoilés et que son produit phare viennent twister les plats des bonnes tables de l’Hexagone et d’Europe. Une manière aussi pour lui de casser le stéréotype selon lequel un produit serait associé à une communauté et à une clientèle particulière.
Son rêve ? Que sa harissa donne un bon coup de fouet, pourquoi pas, au cassoulet… et d’autres spécialités régionales. De quoi donner quelques idées originales aux nouveaux candidats de Top Chef. En effet, la marque marseillaise s’est fait une place de choix dans la célèbre émission culinaire, dont la nouvelle saison débute aujourd’hui. Une opportunité pour Tava Hada Pilpelta d’enflammer le petit monde de la gastronomie.