Pour freiner l’épidémie de Covid-19, l’État soutient financièrement le déploiement de capteurs de CO2 dans les écoles. Marseille aura équipé tous ses établissements à la fin de la semaine. Mais les spécialistes se saisissent de l’occasion pour pointer l’impact impressionnant de la qualité de l’air sur l’apprentissage.
Les capteurs de CO2 se révèlent de précieux indicateurs face au Covid-19, pour alerter lorsque le renouvellement de l’air d’une salle est nécessaire. En particulier dans les établissements scolaires, alors que le maintien des cours est un enjeu autant pédagogique qu’économique. Le gouvernement a débloqué une enveloppe de 20 millions d’euros en octobre 2021 pour aider les collectivités à équiper les écoles avec ces petits boîtiers.
La Ville de Marseille s’est saisi de ce fonds pour doter de capteurs « l’ensemble des 470 écoles de la commune », nous explique Pierre Huguet. L’adjoint en charge de l’éducation et des cantines précise que « chaque boîtier coûte 150 euros, dont 50 euros sont pris en charge par l’État ». Il affirme que « toutes les écoles de la ville seront équipées à la fin de la semaine ».
Toutefois, l’organisme de surveillance de la qualité de l’air en Provence-Alpes-Côte d’Azur, Atmosud, invite les pouvoirs publics et l’Éducation nationale à ne pas oublier la mission première de ces capteurs : mesurer la qualité de l’air.
« On pointe la pédagogie des professeurs alors que le dioxyde de carbone est un facteur équivalent »
Suite à une conférence de presse en début de semaine, le directeur d’Atmosud, Dominique Robin, a tenu à rappeler les conséquences du niveau de CO2 sur l’apprentissage. « Laurent Jeannin, chercheur à l’université de Cergy-Pontoise, a présenté des travaux dans ce sens. C’est édifiant ».
Selon lui, la concentration de CO2 impacte directement les capacités cognitives des élèves : « chute d’attention, de concentration, somnolence et maux de tête… ». Des effets sous-estimés d’après le directeur d’Atmosud : « Quand on compare le niveau des classes, on pointe la pédagogie des professeurs alors que le niveau de dioxyde de carbone est un facteur équivalent », assure-t-il.
Il s’appuie notamment sur le test d’évaluation scolaire international Pisa : « le taux de CO2 joue sur la réussite des élèves. C’est donc un facteur important de la réussite scolaire ».
80 % des écoles ne sont pas équipées de ventilation mécanique
Les capacités cognitives diminuent lorsque le dioxyde de carbone atteint 1 500 ppm (parties par million) dans l’air, avancent les spécialistes. Dans une salle de classe mal ventilée, l’air est saturé « au bout de 15 minutes ».
« Il faudrait un renouvellement d’air de 25 m³ par heure pour de bonnes conditions d’apprentissage », estime Dominique Robin. Mais le directeur d’Atmosud rappelle que « seules 20 % des écoles sont équipées de ventilation mécanique » en France.
Des capteurs Modul’Air made in Marseille
Il espère que la généralisation des capteurs de CO2 entrainera une prise de conscience des pouvoirs publics sur l’importance de la qualité de l’air dans l’acquisition des connaissances. Pour cela, Atmosud a développé des outils pédagogiques « que l’on va envoyer à toutes les écoles et communes de la région ».
L’organisme propose un accompagnement pour les établissements scolaires et les collectivités qui s’équipent de capteurs. « Autant sur l’aspect financier d’une telle démarche que sur l’expertise pour analyser et partager les données ». Mais aussi un accompagnement pédagogique pour les élèves et professeurs, via des ateliers et interventions en classe. « Pour faire sens, entraîner une culture et une dynamique de progrès sur la qualité de l’air ».
Atmosud a également aidé au développement du projet citoyen de vigilance sur la pollution atmosphérique AirCarto. Nous vous parlions ici de ces géographes, scientifiques et militants environnementaux ayant développé leurs propres capteurs multi polluants faits maison. L’association s’est transformée en société pour produire ces boîtiers « Modul’Air » au QG des éco-acteurs à Marseille.
Avec l’entremise d’Atmosud, la mairie de Gemenos a commandé 30 de ces capteurs pour ses écoles, ainsi qu’un accompagnement pédagogique. Dominique Robin espère que d’autres collectivités suivront.
« Le Covid va passer, mais la question du CO2 va rester »
Face à la crise sanitaire, les capteurs de CO2 se multiplient dans les établissements scolaires. « Même si on n’a pas été associés au déploiement mené par la Ville de Marseille, c’est un prétexte intéressant pour nous. On peut s’appuyer dessus pour donner de la profondeur à la question de la qualité de l’air à l’école ».
L’adjoint municipal en charge de l’éducation, Pierre Huguet, assure en effet « qu’au-delà du Covid, une réflexion plus large est menée sur la qualité de l’air. On pourrait faire appel à Atmosud sur l’aspect pédagogique. Mais ça concerne aussi le bâti avec le plan de rénovation des écoles. Mon homologue sur la question, Pierre-Marie Ganozzi s’en est saisi ».
De quoi se projeter sur un avenir où les pouvoirs publics prennent en compte la qualité de l’air dans la réussite scolaire ? « Le Covid va passer, mais la question du CO2 va rester », conclut Dominique Robin.