Les marins-pompiers de Marseille traquent depuis plusieurs mois l’évolution de l’épidémie de Covid-19 en analysant les eaux usées. Cette technique unique en France va se déployer dans les prochains jours dans différentes métropoles de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Une cartographie régionale des eaux usées en partenariat avec l’ARS et le bataillon des marins-pompiers a été développée à cet effet.

Comme nous l’écrivions début octobre, le Bataillon des marins-pompiers de Marseille a déployé une technique inédite en France dans le cadre de la lutte contre la Covid-19. Grâce à l’analyse des eaux usées, ils peuvent détecter le virus « six jours avant les premiers symptômes physiques » et ainsi anticiper les évolutions de l’épidémie à plus grande échelle.

Un avantage conséquent qui permet de déterminer dans quelle ville, métropole ou département, le virus reprend et de tester ces zones. Mercredi 2 décembre, Renaud Muselier, président de la Région Sud, Christine Juste, adjointe déléguée à la santé représentant la maire de Marseille, Anne-Claude Petit, conseillère régionale, vice-Présidente de la Commission « Croissance verte, Transition énergétique, Énergie et Déchets » et Olivier Coulon, ingénieur santé-environnement à l’ARS, ont assisté à un prélèvement à proximité de l’Hôtel de Région, sous la houlette du contre-amiral Patrick Augier, commandant du Bataillon de Marins-Pompiers de Marseille (BMBP). L’occasion de revenir sur le mode d’emploi et l’efficacité de cet outil.

, L’analyse des eaux usées cartographiée pour anticiper l’évolution de la Covid dans la région, Made in Marseille

Depuis le début de l’épidémie, le Bataillon des marins-pompiers a renforcé sa capacité à mesurer le virus dans l’environnement. D’abord sur les surfaces, pour protéger les victimes transportées à bord des VSAV et s’assurer que leurs protocoles de désinfection soient « toujours les plus parfaits, explique le contre amiral Patrick Augier. Une fois qu’on a détenu cette capacité, on s’est aperçu que le virus continuait de circuler au mois de juin par exemple. Parce que tous les jours, nous transportons des possibles Covid dans nos ambulances, nous avons donc adapté nos techniques de mesure du virus dans l’environnement à la mesure dans les eaux usées ». 

Ainsi, dès la fin du mois de juin, les marins-pompiers avaient un temps d’avance sur la circulation du virus. « 5 à 6 jours de préavis sur une remontée de l’épidémie et du taux de positivité ». Un constat très net à la fin juillet« parce que dès le 23 juillet on a vu apparaître des pics dans les eaux usées, ce qui nous a permis de donner l’alerte », poursuit Patrick Augier.


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Une cartographie pour cibler le virus

En collaboration avec l’ARS, le BPMP a par la suite affiné son expertise. Leur technique leur a permis de découper la ville en une dizaine de secteurs, permettant d’identifier les zones où circule le virus. « C’est une méthode robuste, donc sûre explique l’officier ingénieur-biochimiste Alexandre Lacoste, de la Cellule Comète (Covid Marseille environnemental testing expertise). On ne fait pas de la prévision. Lorsqu’on voit que ça monte, on sait que le niveau de positivité va remonter, quand ça baisse, le niveau de positivité baisse aussi. Donc, on ne peut pas avoir de surprises ».

Pour exemple, comme le montre la cartographie ci-dessous, après une forte évolution durant huit semaines, symbolisée par les marqueurs rouges, la tendance est aujourd’hui à la baisse (en jaune sur la carte). « On va dire que cette semaine-là est plutôt tranquille, et qu’en semaine 49 on a bien démarré, on est bien », poursuit le spécialiste. Au regard des résultats, le BPMP adapte ses interventions : « On va faire plus de tests dans les zones rouges ou oranges que dans les zones vertes parce que le virus circule moins ». 

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Deux prélèvements sont effectués systématiquement chaque jour à la station Géolide (près du stade Vélodrome), avec le Seramm, qui « collectent les eaux usées du million d’habitants de l’agglomération marseillaise » et pour lesquels les résultats sont obtenus en 24 heures.

Le projet est désormais de cibler des quartiers, des établissements… « Le plan de bataille est déjà en place, car l’objectif est de découper cette carte en 40 zones. Là, on va carrément pouvoir prendre des foyers, des cibles, et permettre à la Ville de Marseille de déterminer où mettre ses stands de dépistage ». 

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Six nouveaux sites tests dans la région

Avec l’expérience acquise ces derniers mois dans la cité phocéenne, le dispositif va désormais s’étendre dans différents bassins de vie de la région Sud. Six sites tests que sont Briançon (Hautes-Alpes), Digne-les-Bains (Alpes-de-Haute Provence), Avignon (Vaucluse), Nice (Alpes-Maritimes) et Toulon (Var) vont pouvoir utiliser cette technologie pour mieux anticiper et lutter contre la maladie.

Afin de mieux appréhender le déconfinement, la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur a développé une cartographie régionale des eaux usées, en partenariat avec l’Agence Régionale de Santé, le Bataillon de Marins-Pompiers de Marseille, les Métropoles et les Etablissements Publics de Coopération Intercommunales. « C’est très important, parce que ça permet de voir une semaine avant, une évolution sur les clusters, les créations de foyer et on va immédiatement les tester, déclare Renaud Muselier. Quand je vois qu’aujourd’hui le gouvernement a pris la décision qui est de dépister massivement dans toute les métropoles, avec les eaux usées, ils auront une semaine d’avance sur les résultats. C’est moins cher et c’est plus efficace ».

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Le contre amiral, Patrick Augier, commandant du Bataillon de Marins-Pompiers de Marseille (BMBP). Renaud Muselier, président de la région Sud, et Christine Juste, adjointe à la Ville de Marseille, déléguée à la santé et l’environnement.

« Marseille est exemplaire dans la lutte contre la Covid »

Pour ce déploiement sur le territoire Sud, la Région va engager 50 000 euros par mois, et s’appuiera sur les collectivités territoriales, les Métropoles et EPCI. « Il y a des endroits où c’est partagé par exemple avec la Ville de Marseille, pour Nice c’est partagé avec la métropole… Il y a des statuts juridiques différents donc c’est un peu compliqué sur le plan juridique alors que c’est très facile sur le plan technique », poursuit le président de la Région Sud, qui attend l’autorisation du ministère de la Santé pour les tests salivaires antigéniques « et d’autres tests qui nous permettront d’avoir les résultats tout de suite et de réagir en amont, et pour les traitements si nécessaire ».

A l’heure actuelle, la Ville de Marseille a engagé 40 millions d’euros dans la lutte contre la Covid-19, et permis au Bataillon des marins-pompiers de mettre en œuvre leur technique. Une fierté pour Christine Juste : « On peut dire que la ville de Marseille est exemplaire dans la lutte contre la Covid. La technicité de notre bataillon est reconnue. Une fois que cette crise sera derrière nous, car les marins-pompiers sont très mobilisés, j’entends bien utiliser leur savoir-faire sur d’autres thèmes, comme la lutte contre les pollutions. Ils ont des équipements très performants ». 

🔎  La cellule Comète dotée de 10 personnes au départ tourne désormais avec une équipe de 50. « C’est une cellule à géométrie variable. On s’adapte. On a des personnes qui vont relever les égouts pour les Ehpad, d’autres qui vont s’occuper des crèches et des écoles de la ville de Marseille pour faire la sécurisation, il y a des gens qui font du testing humain, on a une convention à l’Ihu pour ça. On a des gens qui font aussi le relevé des eaux et tout ce qui est analyses derrière », explique Alexandre Lacoste. Celles-ci varient de 45 minutes, pour les écoles, les crèches, à 24 h maximum, sans aller au-delà. « On est capable aussi de sortir des analyses en 3 heures. Le plus long c’est d’obtenir les échantillons ».
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