C’est une nouvelle fantastique pour la culture à Marseille mais aussi pour la requalification de la partie haute de la Canebière ! La ville de Marseille et le Conseil général des Bouches du Rhône ont entrepris la rénovation de l’une des plus belles façades de la Canebière, celle de la librairie Tacussel et ses drôles de livres moulés dans la pierre. En réalité, la librairie n’est plus depuis un moment déjà. Elle a été rachetée par le théâtre du Gymnase qui prévoit d’en faire son entrée principale sur la Canebière.
Car, jusqu’à présent l’accès au théâtre se fait par la petite rue du Théâtre français située à l’angle de la Canebière, deux boutiques après l’ancienne librairie. Et la direction du théâtre, un peu trop à l’étroit dans ses murs souhaite depuis plusieurs années s’agrandir. C’est chose faite aujourd’hui, puisque le théâtre du Gymnase rénové devrait ouvrir ses portes au public en 2015.
Au programme, plus de confort pour les spectateurs notamment grâce à un meilleur emplacement pour les personnes à mobilité réduite, un nouveau guichet donnant directement sur la Canebière avec un petit bar et des bureaux pour le personnel du théâtre, ainsi qu’un bar du théâtre à la place de l’ancienne brasserie du même nom à l’angle de la Canebière.
Made in Marseille a rencontré le directeur du théâtre, Dominique Bluzet, pour en savoir un peu sur ce projet qui est avant tout un projet pour tout le quartier « Haut Canebière ».
Interview le 8 décembre 2014
Made in Marseille : Bonjour, pouvez-vous nous expliquer pourquoi vous avez souhaité rénover le théâtre du Gymnase ?
Dominique Bluzet : La dernière restauration date des années 84-85 et le théâtre nécessitait des améliorations. Le Gymnase est le plus vieux théâtre de Marseille. C’est un théâtre à l’italienne mais aussi un théâtre de la mémoire. La plupart des gens qui ont 50 ans aujourd’hui ont découvert le théâtre au Gymnase quand ils étaient jeunes. Mais ce projet est avant tout un projet de quartier qui va au delà du théâtre. Il faut savoir qu’au milieu des années 80, le quartier a connu une période de profonde mutation. A la fin des années 80, de nombreux efforts sont entrepris par les collectivités et beaucoup d’argent public est investi pour améliorer le quartier, comme la construction de la fac sur la Canebière. Et pourtant, ça ne décolle pas…
Mais le problème est beaucoup plus complexe, car la Canebière constitue depuis longtemps une frontière. Une frontière Est-Ouest et une frontière Nord-Sud. Le haut de la Canebière est resté coincé dans l’idée que finalement la grande époque de la Canebière qui se situe entre 1850 – 1950, c’est quelque chose qui ne pouvait pas revenir. Les Marseillais l’ont cru longtemps mais ce n’est pas possible. Et du coup, ils n’ont pas cherché comment donner un nouvel élan au quartier mais comment ralentir la paupérisation. Alors que le problème est identitaire.
Quelle est l’identité de ce quartier ?
Ce quartier n’a pas d’identité, c’est bien ça le problème. Et le Gymnase, on peut le considérer comme un survivant… ou comme un objet de développement ! En réalité, personne n’a jamais pensé que le théâtre en lui même pouvait être une solution aux difficultés du quartier. Moi, je me suis battu pour ce quartier et pur ce théâtre. D’ailleurs, on en a fait le théâtre le plus fréquenté de la ville. Et on lui a rendu sa dimension métropolitaine en l’associant au Grand Théâtre de Provence situé à Aix. Aujourd’hui, cet ensemble constitue la première structure de théâtre vivant en France.
Mais alors, quelles sont les difficultés pour ce théâtre ?
Son quartier. Vous savez, un jour en faisant le tour du pâté de maison, Canebière, rue Thiers, cours Lieutaud. J’ai fait le constat suivant, le quartier n’a pas d’identité car il est coincé entre la Plaine, Noailles et Belsunce. Mais, il comprend tout de même trois théâtre (Gymnase, Odéon, Bernardine), un lycée, une fac, deux bibliothèques, un centre d’informations jeunesse… En fait, personne ne s’est rendu compte qu’on avait là comme un petit quartier latin !
Avec tous ces atouts, comment peut-on rendre ce lieu-quartier attractif ?
Vous savez, je vais vous dire. Il n’y a qu’à comparer avec la Criée. Les gens aiment quand un lieu est à plat, c’est moins fatiguant que le haut de la Canebière. Et puis quand vous sortez du théâtre, c’est le Vieux-Port, c’est beau. Il y a des bars et des restaurants. Nous, on n’a pas tout ça ! Donc récupérer la librairie Tacussel, c’est la première étape de réenchantement du quartier du Gymnase. L’inauguration de la nouvelle entrée sur la Canebière aura lieu le 15 janvier.
L’ancienne librairie Tacussel en chantier le 8 décembre 2014
Comment va s’organiser cette nouvelle entrée ?
On aura deux entrées, car on préserve celle actuelle côté rue du théâtre français, mais dans la journée seule Tacussel sera ouverte. Elle est d’ailleurs actuellement en travaux et un gros effort est fait sur les matériaux, l’éclairage, les services, avec un bar juste après la billetterie et avant d’entrer dans la salle de spectacle.
L’entrée actuelle dans la rue du théâtre français
Comment va se poursuivre ce réenchantement ?
La deuxième étape, c’est les Bernardines. Dès l’année prochaine, l’esplanade sera réaménagée et remise en valeur. Ensuite, nous rénoverons le bar du théâtre qui fait l’angle avec la Canebière. Nous le transformerons en bar culturel pour tout le quartier. Et nous voulons en faire autant avec les restaurants alentours. Il faut une meilleure harmonisation des services. Les équipements culturels sont ici le fer de lance du développement du quartier. C’est là sa véritable identité…
La brasserie fait l’angle entre Canebière et rue du théâtre français
Les travaux de restauration de la façade Tacussel par le céramiste aixois, Vincent Buffile fin novembre
Aujourd’hui terminée
Pour la petite histoire retrouvée sur le site du ministère de la Culture ici : « Le magasin de la Canebière serait dû aux architectes F. Mouren et H. Malgaud, et daterait des années 30. La façade aurait été réalisée au début des années 1960 ; la devanture a conservé complet son décor d’origine : les dos d’ouvrages factices sont l’œuvre de Jean Amado, les carreaux de céramique émaillés noirs de Frédéric Sourdive. Au-dessus de l’entrée, la partie centrale décorée de vagues en fer forgé et d’une étoile centrale occupée par une cigale, est également ancienne. Il en est de même des vitrines de part et d’autre de la porte d’entrée« .
Informations pratiques
Théâtre du Gymnase
4 Rue du Théâtre-Français 13001 Marseille
T. 04 91 24 35 24
Accès et transports ici