Après un an de travaux, les 111 citoyens marseillais de la première Assemblée citoyenne du futur ont restitué leurs propositions à la municipalité. L’avenir dira si cette initiative démocratique inédite aboutira à des actions politiques concrètes sur le territoire.

Dissolution de l’Assemblée nationale, clivages poussés à leur paroxysme… Dans le contexte politique actuel, la restitution des travaux de l’Assemblée citoyenne du futur de Marseille, ce mardi 11 juin, est apparue comme une parenthèse démocratique un peu surréaliste.

« Consensus », « compromis », « écoute »… Ces mots résonnent dans les bouches de ces 111 citoyens marseillais. Ils ont tous les âges, viennent de tous les quartiers, et sont théoriquement représentatifs de tous les horizons sociaux et politiques de la ville.

D’ailleurs, c’est peut-être le contexte politique national qui a entraîné une telle salve d’applaudissements à la présentation des propositions « communes » que cette assemblée a produites. Le résultat d’un an de travaux et de débats citoyens autour de quatre enjeux locaux : l’eau, le tourisme et les loisirs durables, la démocratie participative et la nature en ville.

Des désaccords aux consensus

Certes, il ne s’agit pas des sujets les plus clivants de notre société. « Personne ne veut d’une ville polluée ou inégalitaire », estime Nina, 27 ans. Mais ils peuvent diviser à l’échelle locale, « en particulier sur la méthode, c’est ça qui clive », analyse la jeune femme.

En effet, certains membres de l’assemblée ont participé à des ZAD pour défendre des espaces verts de la bétonisation. D’autres sont justement des promoteurs immobiliers… Les plus jeunes, aux avis écologistes tranchés contre l’augmentation des croisiéristes ou des voyageurs aériens, ont dû confronter leurs idées avec celles des membres qui ont bâti leur carrière économique sur le tourisme à Marseille.

assemblée citoyenne du futur, L’Assemblée citoyenne du futur dévoile ses propositions pour Marseille, Made in Marseille
Maxime, Nina et Lucas se sont concentrés sur la question de la nature et de la ville

Comme Philippe, retraité, « plutôt sceptique. Je n’attendais rien et j’ai entendu des avis un peu absurdes ». Mais son ton change lorsqu’il évoque sa « surprise face à la qualité des propositions. Et cette initiative démocratique, qui n’avait jamais eu lieu ici ». Il admet même quelques « bonnes analyses ». Les experts multiples et variés qui ont accompagné les citoyens dans leurs réflexions y sont certainement pour quelque chose.

Pas de quoi oublier les échanges tendus et les désaccords qui ont régné au sein de l’assemblée durant un an. « Ça frittait fort avec Martine au début ! », se rappelle Juliette. L’entrepreneure immobilière des quartiers Nord a travaillé sur la question de l’eau. « Puis on s’est soudées au fur et à mesure autour de l’idée de produire un avis ensemble ». À ses côtés, Jérôme, peintre du centre-ville, qui a connu ses heures de militantisme radical, a appris « à fermer [sa] bouche et à écouter ceux qui sont moins à l’aise pour parler ».

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Juliette et Jérôme ont travaillé sur la question de l’eau à Marseille.

Référendums municipaux, régie publique de l’eau, campings communaux

Au final, l’Assemblée citoyenne du futur a produit un consensus sur plusieurs dizaines d’actions claires qu’elle souhaite voir mises en action à Marseille. On peut citer, sur le thème de la démocratie participative, la création d’une plateforme de participation citoyenne en ligne ou la création de référendums d’initiative citoyenne à l’échelle de la commune.

Concernant le tourisme, les 111 membres souhaitent limiter les locations de courte durée type Airbnb au profit du développement d’hébergement touristique tel que les auberges de jeunesse et campings municipaux. Ou encore, instaurer une taxe aux croisiéristes « qui consomment peu à Marseille et ne paient pas de taxe de séjour ».

Sur la gestion de l’eau potable, on note la volonté des citoyens de voir la gestion de ce service revenir en régie publique. Concernant la nature en ville, on retiendra leur proposition sur l’objectif « zéro artificialisation nette » pour stopper la bétonisation des sols. Ils souhaitent l’atteindre en 2029 sur le territoire, au lieu de 2050. Ou encore que « chaque élu s’engage à suivre une formation conséquente sur les enjeux liés au climat et à la biodiversité avant juin 2025 ».

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Des élus municipaux étaient présents pour écouter les propositions citoyennes.

La balle est dans le camp des élus

« Nos propositions font consensus à l’Assemblée citoyenne du futur, et doivent s’imposer à la gestion de la Ville ! » clame la jeune rapporteuse, Sarah, à la tribune, déclenchant des applaudissements unanimes. Mais les espoirs des citoyens sont plus nuancés concernant la traduction de leurs propositions en actions politiques concrètes.

« Je ne suis pas trop confiant sur ce qu’ils vont faire », lâche Maxime, benjamin de l’assemblée, qui passe bientôt son bac. « Il ne faut pas décevoir Maxime ! Sinon il ne faudra pas s’étonner de l’abstention des jeunes », lance une dame, qui semble plutôt faire partie des doyens, aux élus présents lors de cette restitution.

Parmi eux, Joël Canicave, président de la majorité municipale et adjoint au maire en charge des finances. « Nous allons engager des dossiers dès septembre sur chaque thématique, promet-il. Il y aura des traductions dans des délibérations au conseil municipal ». Il tempère toutefois les attentes en évoquant « la temporalité » politique comme administrative.

Les citoyens sont bien décidés à maintenir la pression sur les élus. « Nous avons déjà créé une association avec une trentaine de membres de l’assemblée », confie Chokri. « Elle jouera le rôle de vigie pour suivre l’application des mesures et maintenir la dynamique ». Notamment avec les prochaines assemblées citoyennes du futur, qui doivent se renouveler chaque année.

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