Le grand débat sur la zone industrielle de Fos-Berre s’est achevé ce 8 juillet avec un sentiment ambivalent des participants, entre satisfaction et amertume. Si le contournement de Martigues-Port-de-Bouc est une avancée notable, il reste de nombreuses incertitudes.

La salle était comble ce 8 juillet en soirée à Berre l’Étang, malgré l’incendie qui sévissait à une quinzaine de kilomètres, entre les Pennes-Mirabeau et le nord de Marseille. Habitants, militants politiques, industriels, associations et élus ont assisté au dernier débat de la grande concertation publique sur l’avenir du golfe Fos-Berre.

Cette zone représente aujourd’hui 25% des émissions industrielles françaises et 40% des émissions régionales. Or, selon les engagements de la France auprès de l’Europe, les industries doivent réduire de 55% leurs émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 pour viser la neutralité carbone en 2050.

Les industriels historiques, tels que LyonDellBasell, Arcelor Mittal, Kem One ou Marcegaglia (ex-Ascométal), sont donc en ordre de marche pour décarboner leurs outils de production, en investissant des millions d’euros dans des fours électriques et des composants moins polluants.

En parallèle, de nouveaux industriels entendent profiter de ce vent de décarbonation. De la production d’hydrogène (H2V) aux carburants SAF pour le maritime ou l’aviation (Neocarb) jusqu’à la fabrication de panneaux solaires (Carbon) et de fermes éoliennes (Deos), la zone concentre plus de 50 projets axés sur la transition énergétique.

Trois mois de débats publics

La Commission nationale du débat public (CNDP) a mis en place une carte interactive pour offrir une vision globale, consultable sur le site internet. L’ancien préfet des Bouches-du-Rhône, Christophe Mirmand, a saisi ce tiers indépendant pour dialoguer avec les habitants et associations après les vives contestations autour du projet de ligne électrique de RTE entre Jonquières-Saint-Vincent et Fos-sur-Mer.

Entre le 2 avril et le 13 juillet, l’organisme a ainsi mené une grande concertation sur tout le bassin ouest de la métropole. Durant trois mois et demi, 15 réunions se sont enchaînées avec « une très forte participation du public », note Marc Papinutti, président de la CNDP. 

Lors de cette réunion de synthèse, les industriels se sont félicités d’une meilleure compréhension de leurs enjeux par les participants. Ils s’accordent sur la nécessaire décarbonation. Mais aussi sur la préservation des emplois industriels et l’opportunité que représentent les 10 000 emplois directs et 60 000 indirects espérés en 10 ans sur la zone. 

Le contournement de Martigues-Port-de-Bouc validé

Mais comment absorber ces nouvelles activités sans créer de nouvelles infrastructures routières alors que la RN568 est totalement saturée ? Les maires des communes, industriels et habitants demandaient depuis 50 ans un axe routier de 7,7 km pour contourner Martigues et Port-de-Bouc afin de fluidifier le trafic.

débat, Le grand débat de la zone industrielle Fos-Berre finit sur beaucoup d’interrogations, Made in Marseille

Le 30 juin, l’État s’est ainsi décidé à signer un protocole de financement de 210 millions d’euros avec la Région Sud et la Métropole Aix-Marseille-Provence, pour rassurer les futurs projets industriels. Cette enveloppe permettra aussi d’engager des études pour la liaison Fos-Salon, également attendue depuis des années.

« La vraie réalisation de ce débat est le contournement de Martigues-Port-de-Bouc », affirme une représentante du PCF 13, fédération du Parti communiste des Bouches-du-Rhône. Mais, comme elle, d’autres participants se montrent déçus que d’autres projets ne soient pas entérinés. « Sur la ligne THT, nous n’avons aucun résultat, vraiment », claironne un chercheur.

débat, Le grand débat de la zone industrielle Fos-Berre finit sur beaucoup d’interrogations, Made in Marseille
De gauche à droite. Renaud Muselier, président Région Sud, Christophe Castaner, président du conseil de surveillance du GPMM, et Georges-François Leclerc, préfet, signent le protocole de financement le 30 juin.

La ligne RTE électrise encore le débat

« On n’a pas résolu le problème de la ligne à une semaine de la fin du débat !, s’étouffe un membre du collectif Stop THT 13/30. Nous voulons la décarbonation et la ligne pour garder les emplois. Mais pas de la façon dont c’est fait. Les effets cumulés ne sont toujours pas présentés ».

Les participants n’avaient, en effet, pas accès à l’analyse des effets cumulés sur l’environnement de ces nouveaux projets, avant le soir-même de la dernière concertation. Ce document que nous avons consulté évalue notamment la consommation des besoins en électricité qui représenterait 3 410 MW en 2035.

La ligne sera-t-elle aérienne comme le veut RTE ou souterraine comme le souhaitent les collectifs et associations ? La question reste entière. La première solution est plus rapide et moins chère, mais elle dénaturerait le paysage, selon les associations. Alors que la deuxième solution est plus lente, plus onéreuse, mais permettrait de sauver l’agri-tourisme du côté d’Arles et de la zone de la Crau.

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Dernier débat de la grande concertation de Fos-Berre à Berre l’Etang. © CNDP

« L’alimentation électrique arrivera en temps voulu »

Le préfet Georges-François Leclerc devrait prendre une décision dans les prochaines semaines pour valider le tracé, alors que le fuseau de moindre impact (FMI) est acté depuis septembre dernier. Le haut fonctionnaire n’était toutefois pas présent, accaparé par l’incendie des Pennes-Mirabeau.

Mais le nouveau sous-préfet d’Istres, Christophe Borgus, répond à sa place : « Le préfet a écouté et entendu les agriculteurs, riverains, acteurs du tourisme, mais il veut aussi rassurer les industriels sur le fait que l’alimentation électrique arrivera en temps voulu, quel que soit le tracé de la ligne THT ».

De leur côté, les industriels regroupés dans le réseau Provence Fabrique des Possibles attendent un calendrier et des garanties claires depuis deux ans. Dans une tribune fin juin, ils préviennent que « sans décisions concrètes rapides, la France s’apprête à perdre 20 milliards d’euros d’investissement et plus de 60 000 emplois ». Mais jusqu’à quand seront-ils prêts à attendre ?

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