Adoptée par le Sénat en juin dernier, la proposition de loi contre l’ultra fast-fashion pour freiner l’essor de Shein et Temu envisage de flécher le financement du recyclage textile en France afin d’encourager la réindustrialisation.

La sénatrice de l’Oise Sylvie Valente Le Hir (apparentée LR), rapporteur de la loi anti fast-fashion adoptée par le Sénat le 10 juin dernier pour freiner l’expansion de Shein en France, est en stage d’immersion à Marseille.

Du 8 au 9 septembre, la parlementaire a ainsi découvert un panel de solutions de mode durable et locale, encadrée par Jocelyn Meire, président du syndicat Mode in Sud.

Après une visite de l’entreprise familiale de tri de vêtements de seconde main Magreg, Sylvie Valente Le Hir fait une halte au sein de l’atelier-boutique Espigas du cours Jean Ballard (1er).

Une plongée dans l’entreprise Espigas

Le fondateur, Olivier Perret, l’accueille avec sa paire d’espadrilles beige aux pieds, conçues et assemblées à Marseille depuis 10 ans avec des personnes en situation de handicap salariées dans un Établissement et service d’accompagnement par le travail (ESAT). « On a réussi à constituer une équipe soudée même si ce n’était pas simple la première année », confie le Marseillais.

En une décennie, les fondateurs ont stabilisé leurs ventes, autour de 2 500 paires par an, réalisées à 85% en boutique contre 15% sur internet malgré un « désintérêt progressif des clients pour le commerce physique depuis le Covid », souligne Olivier.

L’année dernière, le couple a aussi créé sa marque de sacs Canal 16 Lab, confectionnés en recyclant des matériaux marins comme des radeaux de survie. Les 20 tonnes de « déchets » marins disponibles à Marseille les poussent désormais à vouloir industrialiser le modèle dans la région.

fast-fashion, Comment la loi contre l’ultra fast-fashion peut aider la production locale ?, Made in Marseille
Visite de Sylvie Valente le Hir et Jocelyn Meire au sein de la boutique Espigas.

Financer le recyclage du textile en France

Mais le couple se heurte au manque de machines et de compétences sur le territoire, malgré la présence d’ateliers comme Fil Rouge. « On ne pensait pas être arrivés à un tel niveau de désindustrialisation », regrette le Marseillais.

Sur ce point, la sénatrice se défend en rappelant que le Sénat a ajouté un amendement au texte de l’Assemblée nationale concernant « le fléchage de l’éco-contribution sur le recyclage textile en France » et non dans des pays étrangers comme l’avaient voté les députés en mars 2024. L’objectif étant de « réinventer un tissu industriel fort » en finançant des projets de recyclage comme ceux de la famille Perret.

Olivier évoque aussi la concurrence trop rude avec les pays hors Union européenne, non assujettis aux 20% de TVA comme la production française. Cette question devrait d’ailleurs être abordée à l’automne par le Parlement européen avant de revenir sur les bancs de l’Assemblée nationale.

« Je ne voudrais pas qu’on reporte », glisse tout haut Sylvie Valente le Hir, alors que le gouvernement de François Bayrou vient de tomber.

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Remettre la mode à la mode

Mais les freins à cette réindustrialisation du made in France ne viennent pas uniquement de l’étranger. Les employeurs peinent à recruter car les formations ne font plus rêver. « On n’est plus à la mode », sourit tristement Olivier.

Même constat de Jocelyn Meire, président du syndicat de Mode in Sud, qui dirige par ailleurs la Fask Academy, une école de confection textile dans le nord de Marseille, et qui se bat depuis plusieurs années pour attirer les élèves décrocheurs dans les filets de la mode.

Pour lui, la Slow fashion week de juin dernier à Marseille, a une fois de plus mis la lumière sur la ville. Mais ça ne suffit pas à faire vivre tout un écosystème. « Maintenant il faut une réelle volonté politique avec des investissements », conclut Jocelyn Meire.

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