La Ville de Marseille renouvelle la présence des opérateurs privés de trottinettes électriques en libre service jusqu’en 2027. Ce moyen de transport apparu en 2019 séduit les usagers. Mais pose des questions de sécurité, de nuisances et de pollution.
Dans une ville où les transports en commun ont encore mauvaise réputation, les 1500 trottinettes électriques en libre service ont un succès incontestable auprès des Marseillais. Depuis leur arrivée en 2019, les opérateurs privés se battent pour accéder à ce marché dans la cité phocéenne.
« En septembre 2025, nous avons enregistré 40% de trajets supplémentaires par rapport à septembre 2024, qui était déjà à + 40% par rapport à 2023. C’est en constante augmentation dans une ville qui a une très forte demande », confie Cédric Merlaud, directeur des affaires publiques de l’opérateur VOI.
Son seul concurrent à Marseille, la société Lime, première à avoir déployé sa flotte dans la ville en 2019, témoigne du même engouement avec « un doublement de l’utilisation des trottinettes depuis notre arrivée ». Les deux opérateurs se réjouissent donc que leur marché, régi par un appel à manifestation d’intérêt de la municipalité datant de 2023, soit reconduit jusqu’en 2027.
La micro-mobilité pour compenser les transports en commun ?
Si Paris a interdit les trottinettes en libre service depuis trois ans, Marseille y voit « une mobilité décarbonée en alternative à la voiture. Une compensation des transports en commun qui ne sont pas au niveau », argue Marie Batoux.
L’adjointe au maire en charge de la mobilité estime que « les chiffres édifiants d’usagers et d’abonnés montrent que ce système fonctionne et rencontre un vrai public ». L’élue (divers gauche) note que le service métropolitain de vélos électriques en libre service (Levélo), malgré son succès et son faible prix, n’est pas encore dimensionné pour absorber toute la demande.
Les opérateurs de trottinettes et vélos électriques ne manquent pas de valoriser leur utilité pour les Marseillais. « 70% des usagers l’utilisent pour leurs trajets domicile-travail/études et 66% le combinent avec les transports en commun RTM. 90% des utilisateurs déclarent réduire leur dépendance à la voiture grâce à Lime », clame la société.
Les nuisances du stationnement en baisse
Toutefois, l’omniprésence des trottinettes apporte aussi son lot de problèmes. À commencer par le stationnement anarchique, l’encombrement des trottoirs et les véhicules tombés à terre dans l’espace public.
Un sujet critiqué depuis leur arrivée à Marseille. Mais qui a presque disparu avec des avancées technologiques obligeant les usagers à garer les engins dans des stations de parcage délimitées, créées en accord avec la mairie.
Pour améliorer encore la situation, l’opérateur Voi va déployer des racks de stationnement sur des endroits sensibles, en pente par exemple. Ces dispositifs, ouverts aux véhicules du concurrent Lime, permettront d’accrocher les trottinettes et éviter qu’elles ne tombent hors de leur zone.
Trottinettes à l’eau : un fléau écologique au centre de l’attention
Peut-être ces racks vont-ils réduire un autre fléau de ces véhicules en libre service : leurs jets dans l’eau. Ils représentent le principal déchet remonté lors des nettoyages du Vieux-Port, de la rade du Mucem, ou de la Corniche, organisés par les associations environnementales et les sociétés nautiques.
« Un désastre environnemental », décrit Jérôme Ziolkowski, président de 1 Déchet par Jour. « Les batteries en lithium-ion n’aiment pas du tout l’eau et sont très toxiques et chargées en métaux lourds. On estime qu’une batterie peut polluer jusqu’à 10 millions de litres d’eau. Les associations en pêchent une trentaine par mois ».
Cette pratique ne semble pas venir d’usagers qui seraient identifiés facilement. « Ça ressemble à un sport d’imbéciles qui vont prendre des véhicules stationnés pour les jeter à l’eau », déplore Jérôme Ziolkowski.
Pour limiter les dégâts, les opérateurs ont fait disparaitre des stations autour du Vieux-Port et trop près du littoral. L’alourdissement des trottinettes, passant de quelques kilos à plus de 30 aujourd’hui, peut aussi expliquer la baisse du nombre de véhicules retrouvés dans l’eau ces derniers temps.
Depuis peu, les deux sociétés privées de micro-mobilité prennent leur part de responsabilités. Elles dédommagent financièrement les actions des associations. En particulier la Société Nautique Corniche (SNC) pour ses nettoyages mensuels du littoral. Un nouveau partenariat avec soutien financier est en cours d’élaboration avec 1 Déchet par Jour.
L’accidentologie interroge
Peu visibles, très agiles, rapides et sans aucune protection, ces véhicules peuvent être accidentogènes. En témoigne ce médecin urgentiste de la Timone : « Les nombreux accidents semblent bénins mais il y a souvent des traumatismes internes graves. Le crâne, la rate, l’appareil urinaire… Maintenant, quand on nous annonce un accident de trottinette, on sait que ça va être grave et qu’il faut tout vérifier ».
La rédaction a pris connaissance d’accidents de trottinettes à Marseille ayant conduit à une jambe cassée, jusqu’à une amputation et un comas aux conséquences irréversibles. Mais ni les Hôpitaux de Marseille, ni le Bataillon des marins-pompiers, ni l’Agence régionale de santé, ne sont en mesure de communiquer des chiffres sur l’accidentologie de ce mode de transport.
Seule la préfecture de police nous indique un décès à Marseille en 2025, sur les 21 survenus sur la route. « Ce drame concerne une trottinette personnelle, qui va beaucoup plus vite que les trottinettes de notre flotte », recadre Cédric Merlaud pour Voi.
En effet les véhicules électriques des opérateurs sont bridés entre 20 et 25 km/h. Et entre 6 et 10 km/h dans les zones piétonnes fréquentées, qui doivent s’étendre prochainement, notamment autour du Vieux-Port. Les actions de sensibilisation des usagers s’intensifient également. Comme le remboursement de 1 euro lorsqu’un casque est porté.
Rendez-vous est pris en 2027 pour voir si les améliorations des opérateurs encourageront à renouveler encore la présence des trottinettes à Marseille.