Fait insolite lié à la Révolution française : Marseille a été officiellement renommée « Ville-sans-nom » durant un mois en 1794. Une punition de la Convention jacobine au pouvoir, alors que la cité phocéenne soutenait le mouvement girondin.
14 juillet. En ce jour de fête nationale, célébrant la prise de la Bastille, et la Révolution française qui a suivi, Made in Marseille vous propose de redécouvrir un fait historique insolite lié à cette période. En effet, durant un mois, du 6 janvier au 12 février 1794, elle a officiellement été baptisée « Ville-sans-nom ».
« Révolution toponymique »
Pour quelle raison ? La « révolution toponymique » menée par les jacobins, un club de révolutionnaires qui s’est constitué pendant la Révolution française.
Celle-ci débute le 21 septembre 1792 dès la proclamation de la Ire République, juste après la chute de la monarchie le 10 août précédent. C’est auprès de la Convention nationale, la nouvelle assemblée donc, que certaines communes annoncent vouloir changer de nom. Elles veulent se détacher de la féodalité et de la royauté pour un nom plus républicain.
L’historien Xavier Maréchaux, dans la revue Napoleonica, précise que ce changement s’effectue « moins pour se débarrasser d’une dénomination encombrante que pour marquer leur soutien envers la Révolution ».
C’est à ce moment-là que des villes comme Bourg-la-Reine (Hauts-de-Seine) ou Port-Louis (Morbihan) deviennent respectivement Bourg-l’Égalité et Port-Liberté.
Révolte contre les jacobins
Ce n’est pourtant qu’en octobre 1793 qu’un décret de la Convention enjoint les villes « à se débarrasser de ce qui peut faire référence au « fanatisme », c’est-à-dire à l’Église et au christianisme », précise Xavier Maréchaux. Cette période, nommée la déchristianisation de l’an II, s’étend jusqu’en juillet 1794.
Durant celle-ci, certains conventionnels montagnards, les armées révolutionnaires parisiennes et des sans-culotte vont chercher à « éradiquer la religion chrétienne ». Et ce, jusque dans les noms des villes en leur retirant les « Saint », « Château », « Castel », « Roi », ou encore « Reine ».
Pourquoi Marseille devient la Ville-sans-nom ?
Et Marseille dans tout ça ? Éternelle rebelle, la ville se révolte contre la Convention Nationale en 1793. Elle s’est également ralliée au mouvement fédéraliste girondin. En punition, Marseille est renommée en force… la « Ville-sans-nom » par les jacobins. « Le nom de Marseille que porte encore cette commune criminelle sera changé (…) Provisoirement, elle restera Sans-nom », précise l’arrêté du 17 nivôse (mois du calendrier révolutionnaire français).
Pas moins de 3 000 villes ont changé de nom pendant la Révolution, ce qui représente 10% des communes. Xavier Maréchaux indique que « près de 10 % d’entre elles n’ont pas repris leur nom de l’Ancien Régime après 1801. Et un tiers de ces communes ont conservé leur nom révolutionnaire ou l’ont repris après 1814 ».
Marseille a pu récupérer son nom près d’un mois plus tard, le 12 février 1794, grâce au député jacobin Étienne-Christophe Maignet. Soucieux d’apaiser les tensions qui régnaient dans la ville, il va également rendre leur liberté à de nombreux suspects et chercher à préserver Marseille de la destruction et de la famine.