Après un rude combat pour sauver un vieux domaine agricole de l’urbanisation, un jeune couple redonne vie au vallon des Hautes Douces, pour produire fruits, légumes, olives et œufs bio.

Ils ont changé de vie tout en en créant une. Avec leur petite fille d’un an, Léa et Enis évoquent leur reconversion agricole il y a quelques années. Pour des questions de « valeurs, d’épanouissement personnel et professionnel. Et être utile a notre échelle », explique la jeune maman.

Être utile ? « En produisant une alimentation saine, locale et durable ». Vaste projet, à qui il manquait encore un terrain agricole pour se concrétiser. C’est là que leur histoire en a croisé une autre, celle du Vallon des Hautes Douces, perdu dans le quartier de la Treille aux frontières de Marseille (11e) et Allauch.

Un petit paradis agricole créé au milieu du 20e siècle par l’ingénieur agronome Joseph Bourrelly. Il y a cultivé de nombreuses espèces, des oliviers aux fruitiers en passant par la vigne. « Il testait beaucoup de choses, qu’il vendait au MIN », témoigne un fin connaisseur du domaine.

Cette grande exploitation a employé de nombreux ouvriers agricoles jusqu’à la fin du siècle dernier. Avant la disparition du couple Bourrelly, qui n’avait pas d’enfants.

agricole, En images | À Marseille, la renaissance d’un vieux domaine agricole sauvé du béton, Made in Marseille

Des fruits et légumes à la place du béton

Les terres avec leur bastide du 19e, leur cèdre centenaire, leur villa moderne, leurs habitations ouvrières, leur mazet et leurs deux puits, on donc été léguées à la Fondation de France. Mais cette dernière projetait de revendre les lots urbanisables aux enchères fin 2022, ouvrant la voie à la bétonisation du site agricole.

C’était sans compter une vive levée de bouclier citoyenne et associative (Sauvons le Vallon, France nature environnement, collectif Can environnement) qui a mené le combat, soutenu par la Ville et la Métropole. « Si on avait laissé faire, on aurait eu ici des constructions de béton et d’acier », lance le maire Benoît Payan (DVG), alors que derrière lui, des villas sont en construction sur des parcelles qui n’ont pu être épargnées.

Mais le véritable sauveur du site a été la Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer). La structure sous tutelle de l’État, était en embuscade depuis des années et avait déjà mis la main sur 5,2 hectares voisins. Elle a fait valoir son droit de substitution lors des dernières ventes et récupéré ces trois parcelles pour 3,8 hectares en déboursant 1,6 million d’euros.

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Premiers coups de bêche cet été

L’aboutissement d’une partie complexe de Monopoly qui a permis de reconstituer un domaine de 9 hectares, racheté par la Ville de Marseille. Après un appel à candidatures, la municipalité a donc sélectionné Léa et Enis pour en cultiver 2,2 hectares. Ils devront débourser autour de 600 euros annuels pour les exploiter.

La petite famille pourra également profiter d’un « logement social que nous allons aménager dans l’ancien logement ouvrier. Avec un hangar agricole créé en-dessous », précise Aïcha Sif, adjointe au maire (écologiste) dédiée, entre autres, à l’alimentation durable et l’agriculture urbaine.

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Benoît Payan et Aïcha Sif (en vert) accueillent les nouveaux agriculteurs.

Mais, avant que ce chantier aboutisse, « nous commencerons à cultiver les terres dès cet été », se réjouit Enis. S’il n’y aura pas de production avant l’année prochaine, « nous allons quand même pouvoir faire une première cuvée d’huile d’olive », alors que de très nombreux oliviers poussent sur les restanques et dans les champs.

De l’agroforesterie au maraîchage en passant par l’élevage de poules rousses, les agriculteurs entendent produire, tout en bio bien sûr, des fruits et légumes, des œufs, de l’huile d’olive… Et à terme des pistaches, figues, arbouses, et autres essences locales « qui s’adapteront mieux au réchauffement climatique », explique Léa.

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Le puits face aux champs.

Vers un vaste projet agricole et social

Sans oublier que la Ville entend faire faire venir des colocataires au couple. Car le site, acquis pour 2,2 millions d’euros par la mairie, dispose encore d’autres espaces et bâtiments à exploiter. « Nous allons lancer les rénovations pour 3 millions d’euros », précise Aïcha Sif.

Objectif : installer entre 2026 et 2028 une activité socio-économique dans le domaine agri-alimentaire en lien avec le couple d’agriculteurs. Comme, par exemple, une structure d’insertion autour d’une activité de transformation de produits alimentaires.

Les époux Bourrely n’ont pas laissé d’héritiers de sang. Mais il y a fort à parier qu’ils se seraient réjouis de leurs héritiers agricoles, et de la seconde vie que le vallon des Hautes Douces débute avec eux.

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Un mazet perché en haut du domaine.
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