Depuis plus d’un siècle, la maison Corsiglia perpétue le savoir-faire familial du marron glacé artisanal à Aubagne. Elle séduit autant les grandes maisons parisiennes que les fins gourmets du monde entier. Reportage.

Beaucoup de Provençaux connaissent la fabrique ancestrale de marrons glacés Corsiglia qu’ils aperçoivent à  travers leur vitre de voiture, sur le passage de l’autoroute entre Marseille et Aubagne. Moins s’y sont déjà rendus pour acheter ce petit bijou vendu pendant la période de Noël.

La famille Corsiglia s’est installée dans cette usine de 4 500 m2 en 2001 car elle manquait de place dans ses anciens locaux de La Blancarde à Marseille. À l’époque, toutes les générations vivaient sous le même toit dans une maison collée à l’entreprise. « Il n’y avait pas la même valeur travail », se rappelle Alexandre Corsiglia, la 6e génération.

Du plus loin qu’il se souvienne, le dirigeant de 33 ans a toujours baigné dans le marron glacé. C’est son aïeul, Giovanni, qui a appris l’art de la confiserie en immigrant de son village en Italie à New-York à la fin du XIXe siècle. « Comme on ne savait pas conserver les fruits à l’époque, on les enrobait dans le sucre », retrace Alexandre.

Corsiglia, À Aubagne, Corsiglia perpétue le savoir-faire des marrons glacés depuis 1896, Made in Marseille
Sa famille devant l’ancienne fabrique de Marseille, les fils d’André Corsiglia.

Une fabrication millimétrée

En 1896, Giovanni a ensuite choisi de s’installer en France à Marseille, ville où beaucoup d’Italiens cherchaient un meilleur destin. Il s’est spécialisé dans le marron glacé grâce aux nombreux châtaigniers présents dans le Var à Collobrières et en Italie à Naples et Turin, dont les fruits sont récoltés en octobre.

Alexandre Corsiglia, charlotte sur la tête, se prête au jeu du professeur pour expliquer les étapes minutieuses de sa fabrication. Les châtaignes sont d’abord nettoyées, séchées, épluchées, pour être ensuite calibrées afin d’obtenir des fruits de même taille. « On les enferme deux par deux pour limiter l’absorption du sucre pendant le confisage. C’est là toute l’illustration de notre savoir-faire », estime le directeur.

Les marrons empaquetés vont ensuite tremper six à sept jours dans des grands bassins de sirop, infusé à la vanille de Madagascar. Une odeur enfantine de bonbons chauds se dégage des machines. Ils seront ensuite nappés de sucre glace fondu avant de se reposer pendant une bonne nuit de sommeil.

Corsiglia, À Aubagne, Corsiglia perpétue le savoir-faire des marrons glacés depuis 1896, Made in Marseille
Les marrons sont empaquetés à deux par les ouvrières.

Des ventes pour des grandes maisons

Cette fabrication « artisanale » nécessite de trier chaque marron à la main pour mettre de côté les fruits défectueux. Ces derniers serviront donc à cuisiner la crème de marron et le Panettone : deux produits phares pendant les fêtes.

« Mais beaucoup de gens se demandent comment Corsiglia fait pour tenir toute l’année… », évoque Alexandre de lui-même. Si le grand temps fort reste novembre avec l’embauche de 100 intérimaires en production, l’entreprise s’est diversifiée dans les fruits confits comme l’orange, le citron et le gingembre, nappés ou non de chocolat.

Ces produits séduisent toute l’année les professionnels aux quatre coins de la France qui représentent 95% des ventes. Plusieurs enseignes parisiennes haut-de-gamme se fournissent chez Corsiglia pour la qualité des produits. On peut citer notamment les prestigieuses maisons Pierre Hermé et Alain Ducasse.

Seulement 5% sont vendus en direct aux particuliers à la boutique de l’usine. « Notre site internet est seulement une vitrine », insiste l’entrepreneur qui ne souhaite pas développer les ventes e-commerce.

Corsiglia, À Aubagne, Corsiglia perpétue le savoir-faire des marrons glacés depuis 1896, Made in Marseille

Le Japon s’arrache les marrons Corsiglia

Depuis 1960, son grand-père Jean-Louis Corsiglia, a aussi ouvert les ventes à l’export. Le Japon reste le pays où les marrons glacés séduisent le plus, comme le savon de Marseille, qui représentent un savoir-faire témoin de l’excellence à la française. « On allie la famille italienne avec le savoir-faire français, c’est le combo gagnant pour les Japonais », s’amuse Alexandre.

Avant de reprendre définitivement les rênes de l’entreprise en 2015, le jeune dirigeant a développé les partenariats avec les pays d’Asie, comme Singapour, la Thaïlande, la Corée du Sud à la fin de ses études de commerce. Il reste convaincu que l’entreprise peut aller au-delà de 15% de parts des exportations pour les prochaines années.

Alexandre tient néanmoins à rester prudent. Malgré la fougue de sa jeunesse, il ne veut pas se brûler les ailes pour respecter plus d’un siècle de travail de ses ainés. Très affecté par le décès de son grand-père survenu fin 2023, il hésite encore à afficher sa photo sur le meuble des souvenirs. Mais son héritage vit en lui.

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