Dernier grand atelier textile indépendant du Sud-Est de la France, Fil Rouge maintient vivante une production industrielle rare à Marseille. Confrontée au manque de main-d’œuvre qualifiée et aux règles administratives, l’entreprise espère capter des commandes publiques locales pour grandir et relancer une filière en déclin.

Dans le quartier résidentiel de la Capelette (10e), les machines à coudre de l’atelier Fil Rouge vrombissent en cadence. Sur plusieurs étages, 150 petites mains de la couture produisent 350 000 pièces par an pour le compte de grandes marques comme Puma.

Cet atelier marseillais indépendant de 3 000 m2 est le dernier capable de produire autant de pièces avec 200 machines. L’entreprise a démontré sa légitimité en produisant les 150 000 maillots des bénévoles pour les Jeux Olympiques de Paris 2024 en temps et en heure.

Le maire de Cannes, David Lisnard, est venu constater ce savoir-faire, le 13 novembre, dans le cadre d’une tournée nationale sur la réindustrialisation en sa qualité de président de l’association des maires de France (AMF).

Fil rouge, À la Capelette, la dernière grande usine textile du Sud-Est cherche à grandir, Made in Marseille
David Lisnard en visite dans l’atelier Fil Rouge avec Annie Carrai © Nouvelle Energie

Rattraper la perte des savoir-faire

Lors de la visite, chacun est à son poste. Trois ouvrières gèrent la Lectra 50, une machine qui automatise la découpe. « Un très gros investissement mais qui est rentable aujourd’hui », souligne Annie Carrai, directrice du développement. Les autres travailleurs sont répartis sur des ateliers de patronage, repassage, assemblage et couture des textiles.

L’atelier produit actuellement 20 000 pièces pour Décathlon qui devront être livrées en cinq mois. Si tout semble se dérouler sans accroc, le président de Fil Rouge, Jean-François Aufort, relève sa difficulté à trouver du personnel qualifié pour augmenter la production.

Fil Rouge ne trouve pas non plus de formateurs qualifiés en France dans le secteur. « Nous n’avons plus les savoir-faire donc on se forme auprès des Tunisiens », assure le patron.

L’atelier source donc ses salariés auprès d’organismes de retour à l’emploi comme France Travail. Mais là encore, le métier industriel, posté derrière une machine avec des horaires imposés, n’est pas toujours facile à vendre. « Il faudrait remettre la prime d’apprentissage », glisse le patron devant le maire de Cannes.

Fil rouge, À la Capelette, la dernière grande usine textile du Sud-Est cherche à grandir, Made in Marseille
Une ouvrière sur une machine à coudre.

Travailler pour la commande publique

Cette difficulté de recrutement freine Fil Rouge dans son ambition de produire trois fois plus de pièces par an, soit un million de pièces. Les normes administratives jugées « trop complexes » n’aident pas non plus au développement de l’entreprise.

« Un fabricant australien voulait nous faire fabriquer des tee-shirts made in France pour les envoyer en Chine. Mais ils ont abandonné car c’était impossible administrativement », illustre Jean-François Aufort.

Pour assurer leur pérennité, Annie Carrai propose d’insérer des clauses pour « rendre obligatoire la production locale dans la commande publique ». Par exemple pour habiller les chauffeurs de la RTM ou les employés de la Société des eaux de Marseille (SEM) avec qui Fil Rouge est en négociation active.

Ces contrats de 20 000 à 40 000 pièces pourraient ainsi booster le développement de ce petit joyau industriel marseillais, un peu seul sur la place textile dans le Sud-Est. Et recoudre progressivement une filière digne de ce nom ?

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