L’association de la Comac veut expérimenter la sécurité sociale de l’alimentation dans le centre-ville de Marseille pour les habitants les plus précaires. Ce projet doit aussi permettre de soutenir la production agricole locale.

En France, selon l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), le nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire a plus que doublé entre 2009 et 2019. Elle concerne 5,5 millions de personnes dont 30 % de familles monoparentales.

En parallèle, le nombre d’exploitations agricoles a fondu de 70% en 50 ans. L’hexagone en comptait 1,5 million en 1970, contre moins de 390 000 en 2020. À Marseille, si quelques projets d’agriculture urbaine émergent, comme le tiers-lieu agricole de la Bétheline, l’offre alimentaire est aussi loin d’être suffisante.

Pour réduire la précarité alimentaire et aider les paysans à vivre dignement de leur production à l’échelle nationale, un collectif d’une dizaine d’associations, dont la Confédération paysanne, Ingénieurs sans frontières et le Secours catholique, planche sur le concept d’une sécurité sociale de l’alimentation (SSA) depuis 2019.

Une période d’autant plus cruciale que le Covid a ensuite frappé de plein fouet les banques alimentaires. Les universités, entreprises et citoyens s’étaient alors organisés pour distribuer des paniers aux plus précaires, notamment aux enfants qui ne pouvaient plus manger à la cantine.

sécurité sociale de l'alimentation, Un projet de sécurité sociale de l’alimentation émerge à Marseille, Made in Marseille
Raoul Michel et Delphine Frenoux qui portent l’expérimentation de la sécurité sociale de l’alimentation à Marseille.

Se baser sur les piliers de la sécurité sociale de 1946

Ensemble, ils ont déterminé trois piliers. Tout d’abord, le droit universel à une alimentation durable, saine et de qualité, inspiré du droit à la santé de 1946, avec une aide de 150 euros par mois. Ensuite, le financement du système par la cotisation sociale, afin que chacun donne en fonction de ses moyens.

Enfin, l’autogestion des caisses par les usagers. « Cet aspect est primordial pour les acteurs, insiste Delphine Frenoux, économiste qui suit de près le projet comme élue de secteur des 4e et 5e arrondissements. Elle permet à chacun de vivre une véritable expérience démocratique en choisissant les produits qu’il souhaite conventionner ».

Réunis en groupe, les bénéficiaires choisissent ainsi collectivement les produits qui seront remboursés. Les expérimentateurs peuvent également sélectionner des épiceries, associations pour le maintien de l’agriculture paysanne (Amap) et supermarchés où ils pourront se procurer leurs denrées alimentaires.

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Marché de producteurs bio à La Viste.

80 bénévoles recherchés à Marseille

Plus d’une trentaine d’expérimentations ont fleuri en France, à Montpellier, Toulouse, Paris, dans la Drôme. Dans le Vaucluse, à Cadenet, 33 habitants bénéficient déjà du dispositif pour acheter des produits locaux et de qualité avec 150 euros par mois.

À Marseille, depuis un an et demi, la Collective marseillaise pour l’alimentation et les communs (Comac) s’active. Elle entend créer deux caisses dans le centre-ville : une pour les habitants des 1er et 4e arrondissements et l’autre pour les 2e et le 3e arrondissements.

La Comac vient d’obtenir le 20 juin au conseil municipal une subvention de fonctionnement de 10 000 euros du budget transition écologique de la Ville de Marseille. Mais l’association doit aussi s’ouvrir aux aides privées, telles que les fondations, pour assurer son modèle économique, notamment pour financer les porteurs du projet.

Cet été, son objectif est de sourcer 40 habitants pour autogérer chaque caisse. « La moitié d’entre eux devra être en précarité », précise Raoul Michel, militant associatif à la Comac, qui a notamment été l’un des instigateurs du supermarché coopératif Super Cafoutch. Si les demandes sont trop nombreuses, les candidats seront tirés au sort.

Reprendre le contrôle de son assiette

Après avoir recruté les habitants, s’en suivra « un parcours apprenant » entre octobre et décembre. Trois mois durant lesquels les bénéficiaires se familiariseront avec le projet dont ils seront les créateurs et les ambassadeurs.

Ce parcours commencera avec une conférence sur la sécurité sociale ou l’aide alimentaire. Puis, un débat entre les participants devra faciliter l’émergence des volontés de chacun « en connaissance de cause », précise Delphine Frenoux, afin que « les habitants reprennent le pouvoir sur leur alimentation et leur santé ».

Les porteurs du projet espèrent ainsi « repolitiser » les habitants et mettre le sujet à l’agenda politique. Le député écologiste Charles Fournier s’est d’ailleurs saisi du dossier avec une proposition de loi déposée en octobre 2024 pour élargir l’expérimentation.

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