Dans l’anse du Pharo, association et industriels s’activent pour donner une nouvelle vie à une authentique barquette marseillaise. Cette embarcation patrimoniale sera pourvue d’un moteur 100% électrique. Un modèle qui servira de test pour de futurs projets nautiques.
Elles sont l’un des emblèmes de la cité phocéenne. Les barquettes marseillaises, petites barques utilisées pour la pêche, font partie des éléments indissociables de la ville. Car leur conception et leur utilisation sont inscrites à l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel en France, et certaines protégées au titre des monuments historiques. Elles seraient même à l’origine de la forme de la célèbre navette provençale, ce petit biscuit à la fleur d’oranger.
Un pan représentatif de l’histoire marseillaise qui aura convaincu Guillaume Jesberger, ancien attaché parlementaire, à investir dans l’une d’entre elles, baptisée « Lou Souléu » (Le Soleil, en provençal), avec un projet bien spécifique en tête : lui redonner vie en y intégrant une dimension écologique, tout en préservant l’authenticité de la barque.
Promouvoir la navigation verte à Marseille
Pour cela, aux côtés d’autres passionnés, le jeune homme a créé l’association La Feuille embarquée, imaginée dans le but de promouvoir la navigation verte. « J’ai envie de prouver qu’il est possible d’équiper les barquettes marseillaises, appelées aussi les pointus, en moteurs électriques, affirme-t-il. Ces bateaux ont souvent le moteur fatigué, car ce sont de vieux engins, donc leurs propriétaires les laisses pourrir. Je prends de mon côté l’initiative d’y installer des propulsions électriques et différents procédés dits « écologiques » afin que ces vieilles barques servent de nouveau modèle de déplacement en mer. C’est une évidence que nous nous dirigeons vers l’électrique à terme, pour cela, il faut se lancer et tester ».
Et pour cause, d’ici 2022, une règlementation adoptée en 2019 prévoit que les ports de plaisance de plus de 100 places réservent 1% de leurs emplacements aux bateaux électriques. Une révolution dans le monde du nautisme, qui accélère de ce fait les prises de décision.
Naviguer sans pollution ni nuisances sonores
En ce sens, depuis un mois, c’est à l’anse du Pharo, sur le chantier naval Borg, que Guillaume s’évertue, aux côtés de ses partenaires, à travailler sur ce prototype. Le moteur électrique de 30 kg, livré par l’entreprise bretonne Bagou Boats, arrivait à bon port la semaine dernière. Et ce nouveau système possède de nombreuses caractéristiques pour convaincre les plus récalcitrants sur la transition énergétique de leurs bateaux.
C’est ce que nous explique François Pailloux, régatier à Marseille. « Pour commencer, avec l’électrique, on va enlever l’aspect « crasseux » dû aux rejets de gasoil ou d’essence qui engendrent la pollution marine, note-t-il. D’autre part, le moteur électrique est silencieux, ce qui évite les nuisances sonores et il n’y a pas d’odeur désagréable. Bien sûr, l’embarcation va moins vite qu’avec un moteur thermique, mais elle permet d’être plus neutre lors d’une traversée ».
Autre point notable : les batteries utilisées pour ce premier prototype peuvent être rechargées 3 000 à 5 000 fois avant qu’elles ne perdent 20% de leur capacité. À leur fin de vie, celles-ci sont 100% recyclables. « À ma connaissance, ce sera la 1ère barquette en bois 100% électrique à Marseille, précise Guillaume. Elle ne déversera pas une goutte d’hydrocarbure et gardera son aspect traditionnel, tout en se modernisant ».
Une mise à l’eau prévue à l’automne
Le secrétaire de l’association travaille en effet sur l’optimisation de la barquette, qui sera dotée de cabines, dites « rouf », sur le même modèle que celles qui équipaient les barquettes dans les années 30. D’une taille de 6m60 x 2m60, l’embarcation devrait aussi être fournie d’une ancre plus petite, et donc plus légère, en partenariat notamment avec l’entreprise marseillaise Stop Ancre.
Guillaume imagine déjà attribuer à d’autres modèles des dispositifs fonctionnant à l’énergie solaire et hydrolienne. « Je mets des choses plus légères et j’ai assez d’autonomie pour naviguer deux jours en tout électrique. Je privilégie au maximum la production artisanale française, Lou Souléu va aussi être couverte d’une peinture blanche qui va réfléchir les rayons du soleil pour rafraîchir la cabine en été, le bois que nous utilisons est recyclé… Ce sont plein de petits détails que nous allons tester prochainement ».
Pour le moment au stade de rénovation, la barquette marseillaise devrait être mise à l’eau dans le courant de l’automne. Pour participer à l’élaboration de ce modèle nautique nouvelle génération, l’association reçoit des dons via son formulaire en ligne.