A moins d’un mois des élections départementales qui auront lieu les 20 et 27 juin, la présidente (LR) sortante, Martine Vassal, nous a reçu dans son QG de campagne pour un entretien.
Martine Vassal a donné le coup d’envoi de sa campagne pour les élections départementales mercredi 26 mai, à Allauch, entourée des 29 binômes qui forment son équipe, engagés sous la bannière « Provence Unie ». L’occasion d’annoncer officiellement sa candidature à la réélection à la tête du Département des Bouches-du-Rhône qu’elle a remporté en 2015, ravissant l’institution à Jean-Noël Guérini. Elle est candidate avec Lionel Royer-Perreaut, maire LR des 9-10, dans le 10e canton de Marseille.
Alors que son projet sera dévoilé dans les prochains jours, Martine Vassal revient sur quelques actions phares qui ont marqué ses six années de mandature, et sur l’une des priorités de sa feuille de route aux accents verts et solidaires. « Déterminée », elle livre également sa vision de ce scrutin, du paysage politique ainsi que sur les derniers événements qui ont bousculé Les Républicains, autour des élections régionales. C’est à une heure très matinale, dans sa permanence de campagne située dans le 8e arrondissement de Marseille, que Martine Vassal nous a reçu pour un entretien.
C’est une campagne très courte qui s’ouvre. Comment l’abordez-vous ?
C’est vrai que c’est une campagne éclair, dans des conditions particulières. Je n’ai jamais caché que je n’étais pas favorable à la tenue des élections à ces dates. Pour moi, il fallait d’abord revenir à une vie normale et après faire nos campagnes, pour prendre le temps d’exposer nos projets, pour savoir qu’elles sont les personnes qui se présentent.
Dans quel état d’esprit êtes-vous ?
Je suis sereine, on a une bonne équipe. Je retrouve l’ambiance de 2015 et je pense aussi que c’est du fait du type de mandat. Ce n’est pas la même chose lorsque vous avez votre nom sur le bulletin de vote, que lorsque vous êtes sur une liste. Chacun gagne son élection.
Comment avez-vous vécu les derniers événements au sein de votre parti politique ?
Nous n’avions pas besoin de ça. Nous avions fait une belle élection interne au mois d’avril, avec un nombre d’adhérents renouvelés. On était sur un bel élan. Je trouve dommage que le national essaie toujours d’avoir une emprise sur le local. Les LR n’ont jamais gagné une élection locale tous seuls. Que ce soit cantonal, municipal, régional… on a toujours eu des partenaires. C’est logique, car lorsqu’on est au niveau local nous n’avons pas les mêmes prescriptions qu’à l’échelle nationale. Et on s’entend très bien, car nous avons tous le même objectif d’être au service de nos concitoyens, nous avons géré la crise tous ensemble. Il n’y a rien de clivant.
A relire
Guy Teissier est un élu local. Il a décidé de ne pas soutenir Renaud Muselier pour les élections régionales…
Chacun est libre de faire ce qu’il veut. Nous étions sur une bonne dynamique. En France aussi il y a une bonne dynamique de la droite, on le voit dans les sondages qui sortent dans les autres régions. C’est dommage encore une fois. On scie la branche sur laquelle on est assis, et vous connaissez ma position sur la problématique de la désunion.
Ce débat autour des régionales vient-il brouiller la campagne départementale ?
Complètement. Je ne sais pas si beaucoup de personnes sont au courant qu’il y a des élections départementales, il y a un flou provoqué aussi par la multitude d’affiches de campagne pour les deux scrutins.
Avez-vous peur que la région bascule à l’extrême droite ?
Ah oui, mais ce que je crains le plus c’est l’abstention. Ça a toujours été ça d’ailleurs. L’abstention favorise les extrêmes, que ce soit l’extrême droite ou l’extrême gauche. On se retrouve dans les mêmes proportions que la dernière fois. Après que va faire la gauche ? À quel niveau sera-t-elle ? La gauche unie-désunie comme je dis.
Et quel est leur projet au Rassemblement national ? Ils veulent gérer l’immigration, ce n’est pas dans nos compétences du tout. Ils préparent l’élection présidentielle. Ils préparent le lit de Marine Le Pen, puisqu’en plus elle est sur les affiches officielles.
Parmi vos partenaires, il y a l’UDI, le Modem, mais aussi des proches de Bruno Gilles, qui ont fait campagne avec lui lors des élections municipales, créant la désunion. Tout est effacé ?
Il y a en effet, le nouveau centre, l’UDI, le Modem. Tout le monde à l’air de s’étonner de ça, mais pour moi le Modem est un partenaire. Je me suis toujours entendue localement avec lui.
Pour le reste, après les municipales, nous avons renoué d’abord avec Renaud Muselier. Pour les sénatoriales, nous avons fait la liste ensemble, et puis ensuite renoué avec Bruno Gilles. Même si ça été un peu plus long, nous sommes arrivés à nous dire les choses, se reparler, et mener une stratégie ensemble.
Comment avez-vous déterminé les candidats dans les cantons, notamment pour Marine Pustorino ?
Sur le territoire de Bruno Gilles, il y a plusieurs cantons, le 1 et le 11 : le 1 étant celui où sont sortants Rubirola-Payan et le 11, Solange Biaggi et Maurice Di Nocera. Maurice Di Nocera a décidé de s’arrêter et Solange souhaitait aller dans le secteur du Panier. On avait ces cantons disponibles sur lesquels nous avons mis ces partenaires.
On a un canton mixte si je peux dire, le 4e avec Josepha Colin [qui avait fait campagne pour Bruno Gilles, lors des municipales, ndlr] et Ahmed Jaoui et puis en effet Martine Pustorino, qui est sortante chez moi [dans le 7e canton en binôme avec Frédéric Collart]. Elle est droite dans ses baskets, et n’a pas varié. Lorsqu’on s’est opposé avec Bruno Gilles, elle m’a rendu sa délégation et sa vice-présidence. Il y a peu d’élus qui font ça. Elle a continué à voter toutes les délibérations, elle ne s’est pas opposée, elle est restée dans le groupe. Elle voulait repartir pour ces élections. Dès lors que nous avions réglé nos différents avec Bruno Gilles, c’était logique.
Comment analysez-vous le paysage politique pour ce scrutin ?
Nous avons une équipe soudée, qui partage les mêmes valeurs, de la droite, du centre et des indépendants. Il y a le Rassemblement national et à gauche, je vois floraison de candidatures diverses et variées. Ils se présentent les uns contre les autres alors qu’ils sont de la même majorité. Je suis légèrement surprise qu’au bout de même pas un an, ils soient déjà désunis. Et puis pour quel projet ? Quel est l’exécutif ?
Cela vous surprend qu’aucune tête de liste n’ait été désignée à gauche ?
Ils veulent refaire la même chose qu’à Marseille, mais cette fois-ci, ils préfèrent dire qu’il n’y a pas de tête de liste, alors que c’est un secret de polichinelle.
Vous pensez à Samia Ghali ? A gauche, on dément…
Le fait de ne pas désigner de candidat, cela me choque. Pour 2,6 milliards de budget, une collectivité qui gère 119 communes, 2 millions d’habitants, un des plus grands départements de France avec les compétences qu’elle possède, notamment la solidarité, l’aménagement du territoire, l’aide aux communes… je trouve que ce n’est pas très sérieux.
Votre liste fait aussi la part belle aux maires du territoire avec aussi un renouvellement. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?
J’en avais pas mal déjà. Certains sont devenus maires lors des dernières élections municipales [Allauch, Gardanne…]. Ils se sont engagés naturellement, ils souhaitaient participer, car le Département est la collectivité des territoires, c’est une assemblée aux côtés de l’ensemble des maires, et qui leur permet de réaliser leurs projets, sans lequel ils ne pourraient rien faire.
Le maire est vraiment l’interlocuteur de l’habitant, de l’électeur. C’est lui qui est en contact en premier lieu et qui fait remonter les choses. D’ailleurs, nous allons très prochainement diffuser les soutiens des maires et vous verrez il y en a pas mal en dehors des 24.
Vous avez reçu la Marianne d’or pour votre bonne gestion de la crise Covid. Pensez-vous que c’est un atout à quelques semaines du passage aux urnes ?
Ce n’est pas une question d’atout. Je suis d’abord très honorée et fière d’avoir reçu cette distinction et je la partage avec toute mon équipe et les fonctionnaires qui nous ont aidés à traverser cette crise. Je pense qu’on a bien travaillé, mais comme toutes les collectivités territoriales d’ailleurs. On a pris les choses à bras le corps. On aussi bien travailler avec le préfet, l’ARS… C’est sûr que le préfet a mis en application les directives nationales, mais nous avons eu la chance d’avoir des autorités locales compréhensives.
Mercredi, lors du coup d’envoi de votre campagne vous mettiez en avant « l’équité territoriale ». L’un des reproches qui vous est fait, c’est de n’accompagner que les communes de votre même bord politique…
… et celles qui ne sont pas du même bord politique que le mien. Donc c’est faux.
Vous allez donc continuer à aider Marseille, au même niveau d’investissement que les années précédentes ?
On a fait un bilan historique. 80% de leur budget d’investissement est financé par le Département. À Marseille, sur les 100 millions, nous attendons toujours les projets, je ne sais pas où ils en sont. Ça sera étudié sans problème. Il n’y a pas de raisons que ça change, comme pour les autres communes d’ailleurs, comme je l’ai toujours fait.
Quelles actions ou projets retenez-vous de votre mandature ?
La première, ce sont les maisons du Bel Âge, surtout dans le contexte actuel. Je ne pensais pas qu’elles auraient une utilité aussi vite. En 2019, elles ont été créées pour répondre aux problématiques administratives qui se s’effectuaient qu’en ligne (impôts, facture…). Entre savoir utiliser son smartphone et maîtriser internet, il y a une différence. Elles sont venues mailler le territoire, les gens se sont rencontrés pour faire des activités ensemble, et ça a créé du lien social. Lorsque je vois une mamie qui entre et qui dit « je viens boire un café », je pense qu’on a rempli notre contrat.
L’une de vos mesures phares a été de lancer le plan Charlemagne pour les collèges. Quel bilan en tirez-vous ? De nouveaux établissements doivent-ils sortir de terre ?
Le plan a permis aux élèves d’être dans des établissements rénovés. Nous allons sortir l’année prochaine deux collèges : un à Lançon, l’autre à Châteauneuf-les-Martigues. Tout est long. Quand vous décidez de faire un collège et que vous impulsez la démarche, il faut sept ans.
31 collèges ont été rénovés, 53 sécurisés. Nous avons distribué 162 000 tablettes numériques, auxquelles ont été rajoutées, en septembre, 4 000 clés 4G parce qu’on s’est rendu compte durant la première période de confinement que beaucoup n’avaient accès à internet pour des raisons de moyens ou de débit. C’est en gros 2 500 euros investis par an et par élève. Et parallèlement, nous avons fait 100 000 cartes collégiens qu’ils peuvent utiliser pour la culture, le sport ou l’aide aux devoirs. C’est 11 millions d’euros.
Un accent important a été mis sur la politique environnementale, avec notamment des actions menées en faveur du consommer local. Poursuivrez-vous dans cette voie ?
La Région a accepté de nous confier la gestion de l’agriculture. J’avais expliqué aux présidents Estrosi, puis Muselier que l’agriculture des Bouches-du-Rhône, ce n’est pas celle des Alpes-Maritimes, ou des Hautes-Alpes. Avec un budget de 10 millions d’euros, nous avions pu mettre en place le Salon des agricultures, avant la crise. Le mandat a aussi été marqué par le développement d’une filière importante avec le MIN de Châteaurenard, le développement de la politique alimentaire avec le manger autrement dans les établissements scolaires, la mise en avant des chefs, l’achat de produits locaux.
Nous avons aussi aidé la Métropole pour l’implantation de marchés locaux, le MIN des Arnavaux avec l’ouverture d’une légumerie solidaire avec la Banque alimentaire… et nous voulons encore aller plus loin notamment dans le domaine de l’alimentation. Il faut que les habitants sachent que l’on a énormément de chance d’avoir des producteurs locaux, que l’on peut manger des fruits et des légumes différents du 1er janvier au 31 décembre. Il faut qu’on améliore l’accessibilité aux produits locaux et que l’on arrive à faire connaître mieux notre capacité à acheter local.
Quelles sont vos autres satisfactions ?
Le travail mené sur la sécurité dans son sens large, avec l’arrivée de la Garde républicaine, toute la politique de prévention de la radicalisation, les aides aux différentes forces de l’ordre et de secours. Nous avons investi pour les protéger et qu’ils soient mieux dans l’exercice de leurs fonctions, avec notamment du matériel, pour les polices municipales, nationales et la vidéoprotection, puisque nous finançons à 80% toutes les communes qui souhaitent en installer.
Une fierté aussi c’est le programme Handi Provence pour lequel nous avons travaillé en fonction du projet de vie de la personne en situation de handicap pour l’aider à s’intégrer le mieux possible que ce soit au niveau du logement, ou du travail, et nous avons réalisé des investissements au niveau de l’accessibilité des bâtiments publics.
Nous avons aussi beaucoup investi sur l’aménagement du territoire, sur les transports… en attendant que l’État vienne nous aider.
Des investissements qui ont endetté la collectivité… Avez-vous sollicité des aides de l’Etat ?
C’est un Département qui investit. Je prends souvent l’exemple de l’achat d’une maison. C’est un investissement ou vous vous endettez ? Moi, j’investis pour l’avenir, pour un département fort, et pas pour un département assisté. On a fait un plan de 500 millions sur le département dans le cadre du Plan de relance, avec une partie prise en charge par la Région, mais là tout est à l’arrêt forcément. Beaucoup sur la partie environnementale, économie d’énergie…
Votre projet sera dévoilé la semaine prochaine et va s’appuyer sur les actions menées durant ces six ans, mais quel volet souhaitez-vous renforcer ?
Les énergies renouvelables, les énergies de demain auront une part importante dans le projet. Ça sera l’une des actions importantes pour faire du département un laboratoire d’excellence de la filière des énergies renouvelables, et faire en sorte que le département soit reconnu comme tel. D’ailleurs, même si c’est à limite des Bouches-du-Rhône, il y a un travail à mener avec Iter.
« L’accélérateur de l’emploi » a-t-il réellement prouvé sa pertinence ? N’a-t-il pas atteint ses limites ?
Il a atteint ses limites par le volume. Il faudrait le faire plus grand. C’est une trentaine de personnes par mois, mais nous aurions pu monter à 150. Lorsque nous organisions les forums de l’emploi, 7 000 personnes se présentaient. Il faut arriver à mettre en concordance les besoins et les offres d’emplois. Nous avons quand même 60 000 offres d’emplois qui n’ont pas de demandeurs dans notre département. C’est énorme.
Une réflexion est menée sur le fait que le RSA puisse être pris en charge par l’État. Est-ce une bonne idée ?
Je ne suis pas opposée à ce qu’il récupère le RSA. À un moment, je pense qu’il faut remettre à plat le système de fiscalité locale. À force d’enlever les potentialités de variation, c’est compliqué ensuite de faire fonctionner des collectivités territoriales.
L’idée de fusionner le Département et la Métropole a été abandonnée. Aujourd’hui, quelle est votre opinion sur le sujet ?
À chaque jour suffit sa peine. C’est une décision d’État. On verra ce que le prochain gouvernement voudra mettre en place. Moi, j’aimerai plus de fluidité et encore plus de résultats et surtout que nous ayons les moyens de faire fonctionner nos institutions.
Dans le cadre de « France urbaine », nous avons créé avec quelques élus, dont la maire de Rennes, par exemple, une commission pour demander quels seraient les engagements du prochain président de la République, et notamment sur la fiscalité. La problématique de fond reste une question d’argent. Je m’étais engagée à ne pas augmenter les impôts et je me refuse toujours de les augmenter sur le département sur le prochain mandat.
En 2015, quand vous avez lancé les États généraux de Provence, pour impulser un nouveau mode de gouvernance, vous disiez vouloir crédibiliser l’action publique. Pensez-vous avoir réussi votre pari ?
J’espère. On n’est jamais élue sur un bilan, mais quand on a bien travaillé, il faut le dire. Nous avons tenu nos engagements, on a tous été sur le terrain, la bonne preuve c’est qu’après les États généraux de Provence on a renforcé notre pilier jeunesse, c’est à ce moment-là qu’on a créé le Conseil départemental des jeunes. En 2018, lors du bilan de mi-mandat, nous avions réalisé ou engagé 98% de nos promesses.