Le chantier de la marina olympique pour les JO 2024 va bientôt être lancé au Roucas Blanc, sur la base nautique de Marseille. Les nombreuses structures et associations de pratique nautique devront quitter les lieux le 31 décembre. Si des solutions de relogement sont bricolées à la hâte, les sports de mer grand public seront impactés les prochaines années. La Ville planche sur un plan de relance autour des Jeux.
C’est un grand chantier très attendu à Marseille, comme l’événement pour lequel il est prévu : les Jeux Olympiques 2024. Pour l’accueil des épreuves de voile dans la cité phocéenne, une marina olympique doit être créée à l’emplacement de la base nautique du Roucas Blanc.
La conception du complexe permettant d’accueillir les sportifs et leurs équipements est attribuée au groupement composé de Travaux du Midi (Vinci Construction), de l’agence Jacques Rougerie et de celle de Carta & Associés, comme l’ont révélé Le Moniteur et La Provence. Un marché d’un montant de 21,4 millions d’euros pour lequel la Ville de Marseille devrait officialiser les lauréats prochainement.
Les travaux doivent débuter en 2021 pour être terminés mi-2023 afin d’accueillir le Test Event, essai grandeur nature des JO. Un calendrier serré pour ce chantier d’ampleur, avec près de 7 500 m² de bâtis et 17 000 m² d’espaces extérieurs aménagés. C’est pourquoi toutes les structures présentes sur la base nautique municipale devront quitter les lieux au 31 décembre, excepté le Pôle France voile (Fédération française de voile) qui devrait poursuivre son activité sur le site.
Sans amarrage fixe
Or, la base nautique du Roucas Blanc concentre une grande partie des activités nautiques tous publics de la ville. Plongée, voile, kayak, surf… Outre le Centre municipal de voile, qui propose ses stages et initiations accessibles au plus grand nombre, le site accueille également une myriade d’associations. 13 exactement, aux vocations sociales, patrimoniales, pédagogiques ou inclusives qui permettent aux Marseillais de tous horizons de s’initier aux sports et activités en mer.
La fin de bail a été notifiée depuis plus d’un an. Mais à moins d’un mois de l’échéance, « nous n’avons pas encore de point de chute », s’inquiète Jean-Claude Stéfani. Sa structure Moultiploufs permet aux personnes à mobilité réduite de pratiquer la plongée sous-marine. Elle connaît donc des contraintes particulières avec un bateau aux dimensions spéciales et le ponton de la base nautique spécialement adapté. « Nous avons également des loyers très intéressants que l’on ne trouvera pas ailleurs », explique le membre de l’association gérée par 25 bénévoles.
Bruno Allein est le capitaine de la Flâneuse, réplique de « tartane malonnière, représentant le patrimoine professionnel de Marseille ». Il ne semble pas en meilleure posture pour trouver un nouvel amarrage à son embarcation traditionnelle accueillie à la base nautique depuis 1992. « À cause des contraintes du bateau. Sa longueur, sa capacité à manœuvrer, son poids… »
Pour les nombreuses structures que nous avons contactées ces dernières semaines, le flou persiste sur les conditions de poursuite de leurs activités. Même le centre municipal de voile qui doit être relogé sur la plage voisine du petit Roucas est inquiet. Avec des caravanes en guise de locaux et une mise à l’eau soumise aux intempéries, il fonctionnera « en mode dégradé ». « C’est une hérésie », laisse échapper un employé, qui ne s’étalera pas plus, soumis au droit de réserve.
Les élus tentent de tenir le cap
« Cela fait au moins 2 ans que les associations savent qu’elles devront partir », souligne l’ex-adjoint à la mer de la Ville de Marseille, Didier Réault (LR). Il est aujourd’hui vice-président de la Métropole Aix-Marseille-Provence en charge de la mer et du littoral, « mais ça aurait été le premier chantier à mettre en œuvre si nous avions été réélus [à la Ville, ndlr] », poursuit-t-il.
Dossier qui revient donc à son successeur à la même délégation municipale, l’écologiste Hervé Menchon. Il assure être tous les jours sur la base nautique depuis le début de son mandat, en juillet. Pour lui, reloger les structures avant la fin de l’année relève « du casse-tête. C’est très préoccupant pour l’activité nautique marseillaise ». Il enchaine les réunions avec les associations pour trouver des solutions d’emplacement, mais également économiques « car elles jouissaient de loyers préférentiels », indispensables pour ces structures aux modèles économiques fragiles. « Mais c’est la Métropole qui est en charge des ports », relance-t-il à l’adresse de Didier Réault.
Ce dernier indique qu’un « conseil sur les ports se tiendra lundi ». Reste à savoir si le relogement des associations sera abordé. « Nous n’avons pas encore été sollicités sur la question, à part par la Flâneuse », précise-t-il.
La flotte du Roucas trouve refuge aux quatre coins de la ville
Les services de la Métropole nous indiquent toutefois avoir accordé « deux bungalows et un emplacement à quai au port de la Pointe-Rouge, à la demande de la Ville ». Ils serviront aux services municipaux « afin de poursuivre leurs sensibilisations à la nature et au milieu marin », explique Hervé Menchon.
Ces dernières heures, les solutions de relogement tombent au compte-goutte. L’association de Kayak trouvera refuge à l’embouchure de l’Huveaune, l’ASPTT concentrera toute son activité sur son site de la Pointe-Rouge, Surfriders déménage plage du Prophète. La Flâneuse espérait prendre place au quai d’honneur face à la mairie, à côté d’autres navires traditionnels. Elle trouvera finalement ancrage à l’extrême nord de Marseille, dans une enclave municipale à l’Estaque qui accueille déjà le sous-marin le SAGA.
Moultiploufs qui ne voyait d’autre solution que le port de la Pointe-Rouge verra son vœu exaucé grâce à l’Institut national de plongée professionnelle (INPP). Une convention vient d’être signée pour l’accueil de l’association. « Nous devons encore peaufiner quelques détails techniques et d’aide financière », explique Hervé Menchon, soulagé.
Son « plus grand soucis, c’est Voiles aux larges ». Avec sa flotte de plusieurs dizaines de monocoques adaptés aux personnes à mobilité réduite, difficile de trouver un point de chute dans la ville. L’élu municipal ne voit aujourd’hui qu’une seule piste : « rester sur site, avec le Pôle France, en jonglant avec le chantier, pour maintenir une partie des activités ».
Se servir des JO pour remettre à flot l’activité nautique
Quoiqu’il en soit, malgré ces solutions de relogement bricolées à la hâte, « toutes les associations de la base, et donc un pan important de la pratique nautique marseillaise, travailleront en « mode dégradé » », déplore Hervé Menchon. Et ce, durant les deux prochaines années. L’accueil des épreuves olympiques de voile aura donc cet effet paradoxal de détériorer la pratique des sports de mer grand public à Marseille.
Avec optimisme, l’adjoint se projette sur l’après JO, et entend bâtir un « plan de relance pour les associations et la pratique nautique » autour de l’événement olympique. « Faire en sorte que l’année 2024, hors période des épreuves, soit consacrée au monde de la mer ».
Selon ses dires, l’idée enthousiasme la maire de Marseille, Michèle Rubirola. Ils planchent ensemble sur un événement du type « Marseille capitale européenne de la mer. J’ai lancé une étude d’opportunité sur la question. Ce serait une très belle opération ». Elle permettrait que les Jeux Olympiques, malgré la situation actuelle, apportent un nouveau souffle à la pratique nautique locale.