Alors que des études démontrent que certains pesticides ont des effets néfastes sur la santé, ils sont toujours utilisés dans l’agriculture en France. Encadrés par des réglementations changeantes, ils ne possèdent à ce jour pas d’alternative durable. Le drone solaire de la start-up Abelio aide à limiter leur utilisation au strict nécessaire.
Les effets des pesticides sur la santé et l’environnement font couler beaucoup d’encre depuis de nombreuses années. Avec 65 000 tonnes de pesticides utilisées tous les ans en France, selon GreenPeace, le pays est l’un des principaux consommateurs au monde. Et à sa tête, le Vaucluse, à Cavaillon plus exactement.
Pour surveiller l’exposition des populations aux produits phytosanitaires, l’association de surveillance de la qualité de l’air en Provence-Alpes-Côte d’Azur, AtmoSud, a constitué un observatoire des résidus de pesticides avec le Laboratoire Chimie de l’Environnement. Car ces produits peuvent se retrouver à des kilomètres de leur lieu d’application, transportés par la pluie ou le vent.
Les observations recueillies ont relevé la présence de pesticides tout au long de l’année mais plus particulièrement l’été et le printemps, lors des périodes d’épandage. Et interdire l’utilisation de certains (comme le glyphosate interdit depuis le 1er janvier 2019 à la vente aux particuliers) ne garantit pas leur disparition : « Certains pesticides, comme l’atrazine, disparaissent progressivement suite à leur interdiction. En revanche, le lindane a une forte persistance environnementale. Tous les ans, le lindane est retrouvé dans les échantillons mesurés par AtmoSud. Cette substance est pourtant interdite », explique l’observatoire.
Un drone solaire pour surveiller les cultures
A l’occasion du Grenelle de l’environnement en 2008, le Gouvernement a pris l’engagement d’une réduction de moitié de l’usage des pesticides en 10 ans et d’une réduction progressive de la liste des substances autorisées sur le marché. Dans cette démarche, la start-up Abelio, créée en août 2018 par Grégoire Dupré et Philippe Caumes, propose un drone solaire équipé d’un capteur multispectral, le rendant capable de surveiller les besoins des champs et, ainsi, réduire au strict nécessaire l’usage des produits phytosanitaires.
« Aujourd’hui, je pense que l’agriculture bio n’est pas viable pour nourrir le monde, elle tient majoritairement par les subventions de l’État, mais sur la durée, je n’y crois sincèrement pas trop, débute Grégoire Dupré, fondateur d’Abelio. Une vision à contre-courant d’autres approches ou études scientifiques. Cependant, je crois fermement au fait que l’agriculture doive changer. On a trouvé un embryon de solution qui est la surveillance. Nous sommes dans une démarche écologique mais pas bio, une culture intensive mais bien plus durable ».
Avec ses 2 kilos pour plus de deux mètres d’envergure, ce petit engin peut survoler des champs pendant trois à douze heures. Grâce à son capteur, un logiciel établit en quelques minutes un diagnostic des parcelles surveillées, en prenant en compte les conditions météorologiques (volume de précipitations des années précédentes, vent, humectation des feuilles), données satellitaires et agronomiques (relevés sur le terrain, précédentes récoltes, profondeur du sol) afin de détecter des maladies, la présence de mauvaises herbes ou encore un manque d’eau.
Entre 25 et 35 € par hectare et par an
En plus de limiter l’utilisation de pesticides, le drone Abelio permettrait à l’agriculteur de faire jusqu’à plusieurs centaines d’euros d’économies par hectare. « Aujourd’hui, sur une culture céréalière standard, un agriculteur fait trois passages d’herbicide. Avec Abelio, on réduit ce nombre de deux tiers », assure le fondateur de la start-up, basée entre Toulouse et Aix-en-Provence.
Le drone est disponible à la location, entre 25 et 35 € par hectare et par an. Abelio a lancé sa solution en test sur la saison 2020, sur près de 20 000 hectares, disséminés partout en France : « Jusqu’à maintenant, on s’attardait sur les grosses cultures céréalières. Mais nous allons nous attaquer, dès le début d’année 2021, aux cultures arboricoles de la région. Nous ne travaillerons non pas avec un drone mais avec un nouveau robot qui pourra passer entre les arbres pour faire des analyses », continue le fondateur.
La start-up vient de clôturer une campagne de financement participatif de 500 000 €, lancée en juillet 2020 : « Nous avons largement dépassé notre objectif et nous en sommes ravis. 2021 sera une année charnière pour nous et nous visons le million d’euros en chiffres d’affaires », conclut Grégoire Dupré.
Pathologies respiratoires, problèmes neurologiques…
Selon une étude publiée par l’Inserm en 2013, « il n’existe pas de pesticide totalement spécifique d’un nuisible. Les organismes vivants partagent, quel que soit leur rang taxonomique, des processus et mécanismes physiologiques partiellement communs. De ce fait, un pesticide, destiné à lutter contre un nuisible, présente un potentiel toxique plus ou moins étendu pour d’autres organismes qu’il ne cible pas ».
S’ils ne sont pas créés à des fins nuisibles pour l’homme, certains d’entre eux seraient donc tout de même à l’origine de pathologies respiratoires, de problèmes neurologiques, de troubles de la reproduction voire de cancers. Ce sont également des perturbateurs endocriniens, c’est-à-dire qu’ils dérèglent le système hormonal. Les femmes enceintes et les enfants seraient donc les plus à risque.