Production de 30 000 logements en 6 ans, location de logements vacants… Le vernissage de l’exposition « Indigne Toit », mercredi soir, a été l’occasion pour la maire de Marseille, Michèle Rubirola de revenir sur le mal-logement, devenue « grande cause municipale », et faire quelques annonces.
« Ce soir, les discours ne sont pas assez forts pour cacher un cri de peur, qui a retenti à 9h05, un 5 novembre ». Ce mercredi soir au sein de l’espace Bargemon, l’émotion se lit sur tous les visages. Le vernissage de l’exposition « Indigne Toit », du photo-reporter Anthony Micallef, dont les portraits s’affichent sur la façade de l’Hôtel de Ville et ses alentours, est l’occasion de se souvenir des victimes du drame de la rue d’Aubagne. Des huit personnes qui ont perdu la vie ce matin-là, et dans leur sillage, de tous les délogés.
C’est ceux-là qu’Anthony Micallef a choisi de mettre en lumière. À l’approche des deux ans de cette tragédie, la nouvelle municipalité a fait de cette séquence un premier moment d’hommage, mais également un temps pour réaffirmer sa politique en matière de logement, l’une de ses grandes priorités de campagne.
« Agir le plus vite possible »
« La Ville ne peut pas agir seule, mais rien ne peut se faire sans la Ville ». Comme un leit-motiv, cette phrase de Michèle Rubirola avait déjà résonné dans le même lieu, vendredi dernier. Lors de la rencontre entre les habitants de Noailles et les élus, Sophie Camard, maire de 1-7 avait utilisé les mêmes mots, car pour le Printemps marsellais la lutte « contre le mal-logement est devenue ces quatre derniers mois une grande cause municipale ».
Face aux « attentes fortes », la Ville veut « agir le plus vite possible », sans « fuir ses responsabilités », et ce même si la compétence du logement est détenue par la Métropole Aix-Marseille Provence.
Dans sa feuille de route, le Printemps marseillais prévoit de porter à 1 000 les places d’hébergement d’urgence et de produire 30 000 logements en six ans. Marseille compte 450 000 logements dont 85 000 sont des logements sociaux. Trop peu selon la municipalité qui ne peut répondre favorablement qu’à 16 % des demandes de logement social « et ce n’est pas assez ».
40 000 logements sont dits « indignes » et 35 000 sont vacants, « souvent laissés à l’abandon par leurs propriétaires ». À ce titre, la Ville veut les remettre en location « sous peine de réquisition. Nous mettons des lieux en sécurité avec l’accord de Monsieur le Préfet ».
Charte du relogement : prochaine réunion du comité de suivi le 1er décembre
L’autre annonce, saluée par le public, concerne la « Charte du relogement », co-écrite par les personnes délogées et les citoyens solidaires puis imposés au conseil municipal et à l’État au terme d’une longue mobilisation, en 2019.
La maire de Marseille a annoncé que la prochaine réunion du comité de suivi aura lieu le 1er décembre [elle ne s’est pas réunie depuis plusieurs mois, ndlr]. « J’ai décidé que nous nous réunirons régulièrement dans une convention permanente pour le logement qui mettra autour de la table, la Ville, les relogés, les associations, les collectifs et les autres acteurs du logement, ensemble pour co-constuire d’abord une rue, puis un quartier, puis au-delà ».
Alors que la « Charte du relogement » est soumise à un nouvel appel d’offres pour le choix du futur opérateur, cette réunion intervient « bien trop tard pour faire un bilan et l’évaluation », estiment quelques délogés présents, hier soir.
Les co-propriétés dégradées ne sont pas oubliées. Depuis le 5 novembre 2018, 3 000 signalements d’immeubles potentiellement en péril ont été enregistrés, dont 500 ont été évacués « mettant dans des conditions difficiles plus de 4 000 personnes ».
« Le mal-logement n’est pas une fatalité à Marseille »
« Co-pilotage », « transparence », « mobilisation constante », ou encore « humilité » ont ponctué le discours de l’édile. Certes tournée vers l’avenir, Michèle Rubirola est revenue sur les 25 ans de règne de Jean-Claude Gaudin.
Sans jamais nommer l’ancien maire LR de Marseille, elle a pointé la responsabilité de l’ancienne équipe municipale, dont elle semble presque vouloir assumer l’héritage, au nom d’un mieux-vivre : « Mes paroles, aujourd’hui, ne remplaceront pas celles qui n’ont pas été prononcées, voilà deux ans. Mais en tant que maire de Marseille, je suis à la tête d’une institution qui a beaucoup à se faire pardonner et qui doit reconnaître sa faute ».
Et d’ajouter : « En quatre mois, on n’efface pas 25 années d’inaction, mais on se met en ordre de bataille. Le mal-logement n’est pas une fatalité à Marseille ».
La Ville négocie actuellement avec la Région et la Métropole « qui ne sont pas toujours nos alliées », pour faire bouger les lignes, car « Marseille n’a plus le temps d’attendre ».