La Métropole continue de développer des pistes cyclables temporaires à Marseille, pour encourager l’usage du vélo face à la crise sanitaire. Malgré « un retard à l’allumage », les associations de cyclistes estiment que ces aménagements vont dans le bon sens, et doivent être pérennisés.
Ce mercredi matin, Marine file à toute vitesse en remontant l’avenue du Prado sur son vélo : « J’habite du côté de Saint-Charles, et je travaille au rond-point du Prado », explique la trentenaire. « Je prends le métro d’habitude, mais avec l’épidémie, je préfère éviter les foules ». Elle a donc ressorti sa bicyclette du garage et profite de la nouvelle piste cyclable éphémère : « Ça roule hyper bien, et je me suis rendue compte que, de porte à porte, je mets le même temps qu’en métro ».
Baptisées « coronapistes » par certains, ces voies de circulation éphémères dédiées au vélo apparaissent petit à petit à Marseille, en grignotant sur les voies automobiles. Un dispositif d’urgence adopté par de nombreuses villes dans le monde en cette période d’épidémie, pour permettre la distanciation sociale dans les déplacements.
Paris, Nantes, Lille, Lyon, Bordeaux, Toulouse ou encore Dijon ont très vite activé cet « urbanisme tactique » en anticipation du déconfinement. Plus près de Marseille, Aix-en-Provence avait déployé 13 kilomètres de pistes cyclables le 11 mai, date de la fin du confinement*. Montpellier faisait également figure de bon élève avec 15 kilomètres de voies dédiées au vélo dès le 10 mai.
À Marseille : « retard à l’allumage »
Il aura fallu attendre la pression et les propositions de collectifs et associations, pour que la Métropole Aix-Marseille-Provence lance à trois jours du déconfinement un plan vélo d’urgence prévoyant « 9 kilomètres de pistes cyclables pour un investissement de 600 000 euros » (Montpellier annonce 145 000 € pour 15 km).
Une première phase d’aménagement, explique la collectivité, qui concerne « la Canebière, Prado 1, Michelet, Dames, Blancarde, rue d’Aix, boulevard de Paris et boulevard Baille ». Plus de 10 jours après le déconfinement, une partie de ces pistes est fonctionnelle. Les travaux débutent juste sur le boulevard Baille, et la rue d’Aix devrait suivre. Quant au boulevard des Dames, finalement, ses quatre voies resteront dédiées exclusivement aux automobiles selon les associations de cyclistes.
« Il y a eu un retard à l’allumage », estime Cyril Pimentel, coordinateur du collectif Vélos en ville, qui collabore avec la Métropole sur le projet. « C’était prévisible. On n’attend pas de la dernière ville de France en matière de vélos à être la première pour les « coronapistes »». Selon lui, ce départ tardif ne devrait pas être compensé par une cadence renforcée. Au contraire : « la livraison des neufs premiers kilomètres était annoncée fin mai. Mais ce ne sera pas le cas : le boulevard Michelet ne sera aménagé que le mois prochain ».
Le collectif Vélos en ville a détaillé le plan de pistes cyclables temporaires de la Métropole.
🟢 Phase 1 : Boulevard Charles Livon, Canebière, Prado 1, Blancarde, rue d’Aix, Boulevard Baille, Boulevard des Dames
🟡 Phase 2 : Boulevard de la Liberté, Rue de la Grande Armée, Cours Pierre Puget, Rue Paradis, Prado 2
🔴 Potentielle phase 3 : Boulevard Rabatau, rue Ramon, rue Pugette, boulevard Romain Rolland, boulevard Shloesing, avenue de Hambourg, rue Saint-Savournin et National sud
Des raisons « structurelles, culturelles et politiques »
Pour le militant des deux-roues, l’explication est en partie structurelle. « Le manque d’efficacité est compréhensible. Dans une ville avec peu de pistes cyclables, peu de cyclistes, un manque de sensibilisation des politiques… Les services et les techniciens sont moins expérimentés qu’ailleurs pour développer rapidement des infrastructures cyclables ».
Des techniciens que défend également Jean-Yves Petit, à la tête de l’association RAMDAM, pour le développement des transports alternatifs : « Les services font un gros travail pour le développement des pistes. Il faut le saluer. C’est plus la volonté politique qu’on interroge. C’est pas faute de les avoir alertés en amont et proposé des solutions ».
« Les Marseillais ne sont pas sensibilisés au vélo non plus », reprend Cyril Pimentel, rappelant les multiples facteurs en jeu : « Les raisons sont structurelles, culturelles et politiques ».
Les pistes « seront maintenues »
Pourtant, les associations notent une forte hausse du nombre de cyclistes depuis le déconfinement (la Métropole devrait lancer des comptages prochainement). En temps normal, Vélos en ville estime autour de 15 000 le nombre de Marseillais qui se rendent au travail à vélo chaque jour.
« Il y a une volonté nouvelle pour les déplacements doux », assure Jean-Yves Petit. « On a même des demandes du monde économique dans ce sens, c’est rare en France ». En effet, Cap au nord entreprendre, réseau d’entreprises et d’acteurs économiques du nord de Marseille, a proposé des aménagements pour pouvoir joindre ce bassin d’emplois à vélo. « Ça fait beaucoup d’usagers concernés. On espère que la Métropole va suivre ».
Congestion, pollution, santé, bruit… « La bicyclette est la solution à tellement de problèmes ! », martèle Cyril Pimentel. « Aujourd’hui, il le prouve encore une fois avec le coronavirus. La crise sanitaire est un catalyseur qui accélère son développement, et la prise de conscience publique. Tout ça va dans le bon sens, malgré le retard à l’allumage ».
Alors que la floraison soudaine de pistes cyclables est présentée comme temporaire, « elle seront maintenues », assure-t-il. L’avenir dira si elles disparaîtront, ou non, en même temps que l’épidémie.