Alors que la crise sanitaire a impacté tous les secteurs de l’économie, l’industrie du savon de Marseille, mobilisée depuis le premier jour, semble tirer son épingle du jeu, même si certaines savonneries dont le chiffre d’affaires était lié au tourisme et à l’export souffrent un peu plus.
Depuis le début de la crise sanitaire, face à la pénurie de gel hydroalcoolique, le savon de Marseille s’est imposé comme une alternative efficace. Lorsque l’on se lave les mains, le savon de Marseille détruit la membrane grasse qui entoure le virus et le décolle.
Dès le début de la crise sanitaire, la demande a explosé. Les professionnels du secteur se sont réorganisés pour augmenter leur production, en respectant les mesures barrières pour la sécurité des collaborateurs. « Le 17 mars, nous avons vu la demande se multiplier par quatre, voir par cinq », explique Jean-Louis Plot, dirigeant de la plus vieille savonnerie provençale, Rampal Latour, située à Salon-de-Provence depuis 1928. Alors que nous nous attendions à une redescente rapide, nous enregistrons toujours une hausse de 30 à 40% par rapport à l’année dernière », poursuit-il.
Une stricte réorganisation
Il a aussi fallu s’organiser sur le plan logistique. « Pour mettre en place le nouveau dispositif de travail et pouvoir répondre à la demande, nous avons tout stoppé pendant cinq jours. Le télétravail a été favorisé le plus possible ». Sur site, la savonnerie salonaise a mis en place des horaires décalés pour ses salariés et imposé une prise de température à l’entrée.
90 masques ont été mis à disposition des employés et le lavage de mains était obligatoire toutes les heures. Des gestes qui restent d’actualité. « Le travail le samedi et les heures supplémentaires ont été aussi un point clé de la productivité ».
Le boom de la demande en ligne
Ces aménagements ont permis de quasiment doubler la production pour continuer à approvisionner les 800 magasins bio français partenaires et la demande en ligne qui a quasiment triplé. « Le travail le samedi et les heures supplémentaires ont été aussi un point clé de la productivité », poursuit Jean-Louis Plot.
L’entreprise a ainsi pu compenser les pertes liées à la fermeture de 5 de ses boutiques en France. Quant aux deux boutiques liées à l’usine du fabriquant : l’une a été transformée en « drive » pour les clients et une autre en centre de gestions pour la préparation et l’envoi de colis. « Les produits les plus demandés ont été les savons solides et liquides, mais aussi le savon noir ou les paillettes pour le linge ».
La savonnerie La Licorne s’accroche
A la savonnerie La Licorne dans le centre-ville de la cité phocéenne, c’est une autre histoire. L’entreprise fonctionne avec l’activité touristique et l’exportation. Avec ce coup d’arrêt brutal mi-mars, « nous sommes passés de 10 tonnes par mois à une tonne », souligne Serge Bruna, patron de la savonnerie.
Elle résiste un peu avec l’augmentation de la demande au niveau national qui a boosté les commandes en ligne. « La demande en ligne a été multipliée par 5/6, ce qui a permis de sauver les meubles », d’autant que Serge Bruna avait anticipé la production. « Dès les prémices de la crise à la mi-janvier, nous avons augmenté notre capacité de production au maximum ».
Le retour des touristes n’est pas pour tout de suite. La Licorne devra encore patienter avant de retrouver sa vitesse de croisière. « Mais avec le déconfinement cette semaine les choses repartent, plusieurs commandes ont été reçues et les magasins rouvrent », tempère Serve Bruna qui veut rester positif.
D’ailleurs, comme d’autres savonneries, les premiers jours ont été marqués par des gestes solidaires, avec un don de 5000 savons (1 000 aux Restos du Coeur, 1 000 à l’IHU de la Timone, 2 000 aux écoles St-Vincent et les 1 000 restants à deux associations du Secours Populaire).
« Les gens ont redécouvert le savon de Marseille »
Même chose chez Rampal Latour : « Nous ne sommes pas dans une logique commerciale mais de santé publique », reprend Jean-Louis Plot, qui a offert 15 300 savons aux Ephad et écoles de la région. Elle a également été sollicitée par plusieurs professions exposées comme les transporteurs, les postiers ou les entreprises de nettoyage.
Suivant la même logique, les différentes savonneries marseillaises ont été massivement solidaires. La Savonnerie du Fer à Cheval, plus ancienne savonnerie marseillaise, a par exemple fait don de 13 000 savons aux professionnels de santé. La Phocéenne de Comestique leur a ensuite emboité le pas, offrant 1500 savons liquides à la ville. La Savonnerie du Midi a, quant à elle, baissé le prix de sa savonnette « la Corvette » afin de répondre à la demande.
Les professionnels ont, par ailleurs, constaté durant cette période « un éveil de la conscience autour de l’hygiène », assure Jean-Louis Plot, même si nous manquons encore un peu de recul. C’est très important. Cela doit faire partie du code de vie, à la maison, dans les transports, partout. Il faut rester cependant prudent et attendre de voir si cela s’installe sur la durée ». Et Serge Bruna de conclure : « Les gens ont redécouvert le savon de Marseille, et ils nous le disent ! ».