Se reconstruire suite à une situation de harcèlement au travail est complexe. D’abord parce que cette agression touche la personne dans toute sa profondeur. Ensuite parce le harcèlement en entreprise est rarement le résultat d’un seul agresseur ou d’une seule raison bien identifiable. Il est le fruit d’un système nébuleux aux multiples visages. Mais en guérir et en sortir grandi est possible, comme nous précise cette victime anonyme : « cette épreuve m’a permis de découvrir mon vrai projet, et de savoir ce qui était indispensable pour moi. Car avec ou sans nous, les entreprises avancent. Nous croire indispensable à l’entreprise est un dangereux leurre qui peut mener à d’étranges situations de soumission ».
Retrouvez ici l’intégralité de notre dossier sur le harcèlement en entreprise.
Comprendre : une responsabilité collective pour faciliter la guérison des victimes
Pour la victime de harcèlement (et/ou de souffrance au travail), comprendre ce qu’est le harcèlement en entreprise (et ce qu’il n’est pas), est un premier pas vers la guérison.
Pour les témoins et les collègues, comprendre permet de ne pas entretenir le phénomène, et d’être disponible pour aider ceux qui sont en souffrance.
Pour le ou les harceleurs, comprendre permettrait de se remettre en question tout en découvrant les complicités du système qui laisse faire la situation. Car souvent, le harcèlement s’installe là où l’organisation du travail est défaillante.
Enfin, pour l’entreprise, comprendre est de l’ordre de sa responsabilité, comme Béatrice Belin l’explique dans cet article : « ce qui est primordial c’est l’engagement de l’entreprise qui dit et affirme à tous que le harcèlement, c’est du pénal ».
Se mettre en sécurité : une base à mettre en place dès que possible
Pour Ariane Bilheran (cf. son interview sur le harcèlement en entreprise), la victime peut souffrir « jusqu’à des psychosomatisations graves, jusqu’à des dépressions graves et des conduites suicidaires, puisque c’est le but même du harcèlement ». Il ne faut pas minimiser la souffrance potentielle et se mettre en sécurité le plus rapidement possible.
Pour cela, et comme l’a précisé la DIRECCTE PACA dans le dossier, il faut rapidement se tourner vers le médecin du travail, l’inspection du travail ou les représentants du personnel. Il est aussi possible de se tourner vers une équipe pluridisciplinaire de spécialistes de la souffrance au travail (médecins, psychologues, avocats, dont une liste se trouve ici).
Si la souffrance est forte, ces spécialistes pourront vous conseiller de quitter l’entreprise (arrêt maladie, négociation de sortie d’entreprise, etc.), comme en atteste le témoignage d’une victime « j’étais un bon petit soldat, un des meilleurs éléments, mais tout d’un coup, après une longue période de fatigue dont j’étais à peine conscient, j’ai fait une décompensation somatique, et du jour au lendemain, je n’étais plus capable de discernement. Mon médecin m’a dit STOP et je crois qu’il m’a sauvé la vie en m’arrêtant. C’était le premier arrêt maladie de ma vie. »
Recours en justice : du cas par cas
Le harcèlement est puni par la loi. En entreprise, il est régi par l’Article 222-33-2 qui dit que « le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende ». Le harcèlement en entreprise est si grave que les préjudices subis peuvent être présentés dans une affaire pénale. Mais le recours en justice peut aussi être compliqué, et coûteux. Le choix d’avoir ou non recours à la justice doit faire l’objet d’une analyse personnelle, propre à chaque victime et à chaque situation.
Prendre conscience et rebondir, ne pas minimiser et retrouver sa place
Une fois que la victime est en sécurité, elle va entrer dans une longue période qui alternera doute, compréhension, reconstruction et prise de conscience des complexes mécanismes subis. La reconstruction peut prendre du temps et les souffrances persistantes ne doivent pas être prises à la légère. Car le harcèlement provoque un traumatisme qui laisse exister insidieusement mais parfois puissamment, la souffrance. Le traumatisme est comme une blessure (morale ou physique) qui s’imprègne si profondément qu’elle finit par faire partie de soi et si fortement qu’inconsciemment, la victime finit par l’oublier plutôt que de la subir.
Les personnes traumatisées en viennent donc à minimiser, voire oublier l’agression. L’exemple le plus connu est celui des traumatisés de guerre, mais il est aussi valable pour tous les traumatismes sexuels ou moraux. Une équipe pluridisciplinaire de psychologues et médecins spécialistes de la souffrance au travail et des traumatismes, pourra accompagner la victime de harcèlement en entreprise dans son parcours de soin et de mise en mot pour qu’elle retrouve sa place avec confiance, sérénité et santé.
Chacun doit prendre conscience pour aider les victimes
Les agressions sexuelles sur des enfants ou des adultes (cachées dans l’intimité d’une famille, d’un couple, d’une institution), les agressions verbales discrètes (et même parfois clairement publiques voire médiatiques) qui n’ont de cesse dans notre quotidien et dans la rue (comme en témoigne le Tumblr Paye Ta Schnek lancé par la marseillaise Anaïs Bourdet), ou les agressions répétées que nous venons d’identifier dans notre dossier sur le harcèlement en entreprise, sont toutes de l’ordre du harcèlement et sont rarement montrées du doigt. Nous sommes tous témoins mais sommes encore trop souvent dans le déni, l’incompréhension, voire la dangereuse inconscience. Ouvrir grand les yeux et comprendre est important, pour ne pas que ces situations s’entretiennent malgré nous.
Ce dossier de Made in Marseille n’est pas complet mais a tenté de donner un certain tour d’horizon sur la question du harcèlement en entreprise, pour lever un peu le voile et donner à chacun quelques clés de compréhension.