La société Filae répare les filets de pêche hors d’usage pour en faire des supports pour plantes grimpantes. Cette invention vise à rafraîchir les bâtiments et ombrager les rues.
D’un côté, 640 000 tonnes de filets de pêche sont jetés par an dans la mer, représentant un tiers de la pollution plastique des océans. De l’autre, des bâtiments sont mal isolés et souffrent de la chaleur l’été. Alors pourquoi ne pas recycler de vieux filets pour les installer sur les façades et y faire grimper des plantes sans arrosage ?
C’est le concept de Filae, une société fondée il y a quelques mois par Raphaëlle Guenard, écologue spécialisée en renaturation urbaine, et Pascal Bouchet, architecte. Le binôme a réalisé son premier gros projet à Lyon avec le promoteur Sépric Promotion du groupe Duval.
Mais c’est à Marseille que la jeune pousse veut s’implanter durablement. L’entreprise s’installera d’ailleurs temporairement dans quelques jours du côté de l’Estaque à Marseille, au port de la lave, dans un local de 58 m2 mis à disposition gracieusement.
Valoriser un savoir-faire traditionnel
Sur son nouveau site, Filae veut installer des bacs de collecte de filets de pêche, déposés par les pêcheurs du coin ou par l’association des plongeurs Palana environnement qui ramasse la matière première dans le fond de la mer Méditerranée.
Mais ces matériaux sont souvent troués et hors d’usage. Raphaëlle utilise donc la technique du ramendage pour les réparer : un savoir-faire ancestral avec des calculs et de la géométrie « qui s’est complètement perdu », affirme la fondatrice.
L’écologue a donc recruté un ancien pêcheur expert du ramendage, devenu gendarme après un grave accident en mer, qui voulait raccrocher le tablier. Elle souhaite aussi organiser des formations gratuites aux pêcheurs pour in fine les embaucher lorsque la météo ne leur permet pas de sortir en mer.
Le pouvoir des plantes
Une fois rafistolés, les filets sont tendus avec des cadrages sur les façades de bâtiments. Des services vendus aux promoteurs de bâtiments logistiques et commerciaux qui sont souvent en tôle, mal isolés, pour « réduire de 20% la chaleur du bâtiment ». Les collectivités qui souhaitent rafraîchir les rues avec des voiles d’ombrages végétalisés sont également concernées.
Filae installe ensuite des bacs de terre ou creuse le béton pour retrouver le sol d’origine au pied des bâtiments. Puis, elle régénère le sol afin de nourrir les plantes sans les arroser. « Les plantes sont arrivées des milliers d’années avant nous, et elles n’ont pas attendu monsieur arroseur pour pousser. En paysagisme, le sol a été complètement oublié alors que 40% de la biodiversité est dans le sol », assure Raphaëlle.
Cette dernière recrée donc tout un écosystème naturel avec des déchets locaux, souvent du fumier, fait de bactéries, champignons, larves qui vont creuser des galeries, pour laisser passer l’eau. Elle va ensuite pailler le sol pour conserver l’humidité.
Une législation favorable au projet
En août dernier, un décret a rendu obligatoire le recyclage des engins de pêche contenant du plastique, adopté au niveau européen. D’un autre côté, les plans locaux d’urbanismes (PLU) incluent aussi un coefficient biotope par surface (CBS) pour obliger les nouvelles constructions à intégrer de la pleine terre dans leurs projets.
Se rajoute à ces contraintes, la réglementation environnementale RE2020, une norme énergétique pour la construction neuve, qui demande la mise en place d’une ombrière photovoltaïque sur les parkings ou d’un dispositif végétal d’ombrage obligatoire. Ces normes pourraient ainsi permettre au projet de se développer.