Entre la cité du Plan d’Aou et le quartier de Saint-Antoine, la gare franche renaît en résidence artistique portée par le ZEF, scène nationale de Marseille. Après plus de deux ans de travaux, ce lieu de vie rouvre enfin aux habitants.
Zara est au four et au moulin ce 23 septembre. Au sens propre comme au sens figuré. La maîtresse de maison prépare des fournées de naan à l’ail pour accueillir les habitants dans le jardin partagé de la gare franche, suspendu entre la cité du Plan d’Aou et le noyau villageois de Saint-Antoine.
Ce lieu de vie rouvre enfin au public après deux ans et demi de travaux pour 3,2 millions d’euros, financés par l’État, la Région sud, le Département des Bouches-du-Rhône, la Ville de Marseille et le ZEF, porteur du projet de réhabilitation.
La scène nationale de Marseille a récupéré les clés en 2019, date de la fusion du théâtre du Merlan (14e) et de la gare franche (15e), auparavant occupée par Cosmos Kolej, une compagnie fondée par le metteur en scène Wladyslaw Znorkole, mort l’année de la capitale européenne de la culture en 2013.

25 parcelles partagées avec les habitants
Pour lui rendre hommage et réaliser son projet Au fil de l’autre, la directrice du ZEF, Francesca Poloniato-Maugein, souhaitait « conserver l’âme du lieu », notamment en recréant un jardin partagé avec les habitants.
En plus d’une vingtaine de parcelles partagées, chacun peut déposer son compost les mardis et jeudis en échange d’un panier d’œufs frais pondus par les 10 poules du terrain.
Une fois par mois, le four du jardin est mis à disposition de tous pour des ateliers cuisine pour sensibiliser les habitants à l’écologie. Le lien avec les scolaires est aussi une pierre angulaire de cette pédagogie. « Nous avons déjà accueillis 120 enfants », assure Bertrand Davenel, responsable des relations avec le public.
Un laboratoire d’expérimentation
Les deux partenaires du ZEF, la médiathèque Salim-Hatubou et le centre social du grand Saint-Antoine, peuvent également utiliser la site pour mener à bien certains projets. « La scène nationale de Marseille affrète également des bus, de la Castellane, la Viste, et du Plan d’Aou afin que les habitants puissent venir », ajoute Bertrand Davenel.
L’artiste Floriane Facchini, en résidence pour trois ans, est d’ailleurs en train de déployer son laboratoire culinaire écologique et populaire « La Manifattura » pour apprendre aux habitants à fabriquer des pâtes en se questionnant sur leur connaissance et leur alimentation.
« La cuisine est un art comme la danse, la musique ou le théâtre », souligne Céline Rousseau, directrice adjointe du ZEF. Pour la réouverture officielle, la terrasse de la bastide s’est transformée en grand cours collectif, rouleaux en mains, avec DJ set en fond.
L’usine transformée en salle de spectacle
La bastide accueillera neuf artistes en résidence tout au long de l’année, associés au ZEF : deux danseurs, quatre acteurs, deux circassiens et un musicien. Ils pourront exprimer leur art et le confronter au public dans la nouvelle salle de spectacle rénovée dans l’ancienne usine.
Le musicien de la bande, Sébastien Boin, a d’ailleurs présenté son club orchestre amateur du quartier de Saint-Barthélemy (14e), porté par Ensemble C Barré, pour fêter la réouverture de la gare franche, avant le solo d’une rappeuse accompagnée par un pianiste.
Lors de la répétition générale, une fillette du quartier, trois ans à peine, s’accroche aux barreaux qui surplombent la salle, ses yeux rivés sur la chanteuse. Peut-être rêve-t-elle déjà de monter sur cette scène ?