Entre les plateaux de stand-up et son spectacle Au naturel, Gabrielle Giraud est une étoile montante de l’humour à Marseille. Programmée à Paris, Toulouse et Aix jusqu’à cet été, l’artiste nous consacre un entretien sur ses débuts et ses engagements.

Le spectacle de Gabrielle Giraud Au naturel affiche complet à l’Art Dû à Marseille tout le mois de mars. Figure montante de l’humour, elle y livre un discours aussi drôle que touchant inspiré par des femmes singulières marseillaises, de sa tante Fred aux cagoles.

L’artiste raconte avec finesse sa construction en tant que femme queer, de la primaire au lycée, dans une famille de parents divorcés, ballotée entre une mère douce et férue de développement personnel et un père aimant et plus terre-à-terre.

Maîtrisant l’art des mimiques en tous genres, Gabrielle Giraud aime se grimer en personnages, sans disparaître totalement, comme elle le fait en imitant le rappeur SCH, sur scène et en vidéo sur les réseaux sociaux.

L’humoriste chouchoute aussi sa communauté sur Instagram avec ses vidéos , révélant son passé professionnel dans le cinéma. De Noailles à la Plaine, tout Marseille y passe. Entretien réalisé le 26 février.

gabrielle giraud, Pour l’humoriste montante Gabrielle Giraud : « Être une femme sur scène, c’est politique », Made in Marseille
Gabrielle Giraud grimée en rappeur SCH © Margot Geay

Made in Marseille : Comment as-tu commencé le stand-up ?

Gabrielle Giraud : J’ai fait une licence Arts du spectacle à Montpellier. Dans l’écriture de scénario, la réalisation de documentaires et de fiction. Je faisais du making of pour des séries. Ensuite, j’ai été assistante mise en scène sur des films.

Pendant le confinement, je me suis amusée à faire des vidéos car j’ai toujours aimé faire rire mes potes. Mais j’avais un compte privé alors ils m’ont poussé à l’ouvrir au public. Et en sortant du confinement, j’ai pris des cours de théâtre à l’Art Dû à Marseille. Mais, je me suis retrouvée à insulter des gens avec des noms de fruits… donc j’ai basculé sur des cours de stand-up.

Et de là, j’ai écrit des blagues de façon assez sérieuse, inspirées des scénarios que j’avais écrits à l’école, d’histoires qui m’étaient arrivées, de ma tante. Ma première scène, c’était le 26 décembre 2021. J’avais trois minutes pour convaincre. C’était trop bien. J’ai décollé.

On peut rester à Marseille pour réussir dans ce milieu ou il faut encore « monter à Paris » ?

G.B : Oui bien sûr que tu peux rester à Marseille. Mais je joue aussi à Paris. J’adore Paris. J’aime bien y jouer parce qu’il y a plein de plateaux différents. Il y a des stars du stand-up là-bas. Tu partages des plateaux avec des gens que tu admires beaucoup, tu les vois jouer. Tu montres ta tête aussi.

À Paris, il y a quand même un circuit qui est plus rapide car les producteurs sont dans les salles. À Marseille, ce soir, il n’y a pas de producteurs. Je peux te l’assurer.

Donc il y a bien une réalité…

G.B : Il y a une réalité. Mais par contre, on est en train de faire en sorte que ça change. À Marseille, il n’y avait qu’un comedy club il y a 7 ans. C’était l’espace Kev Adams. C’est tout. Ensuite, le Garage a ouvert il y a 5 ans. Puis, l’Art Dû. C’est un théâtre mais qui a des soirées stand-up.

Les cours de l’Art Dû et du Garage ont façonné des petits stand-uppers et stand-uppeuses comme moi, qui ont ensuite créé des petits plateaux dans des bars. Comme nous [avec Auri, Ndlr] on a le Move on Up Comédy Club au Boum, un stand-up spécialement pour les personnes queer, racisées et féministes.

Dans des bars, il y a aussi le Zouz Comédie Club à la Traverse des Balkis, au cours Julien. Gad Elmaleh vient aussi d’ouvrir le Vig’s sur le Vieux-Port. Sébastien Mei va ouvrir le Marseille Comedy Club… Et il y a peut-être un Fridge qui va ouvrir. Tu commences à avoir de quoi en vivre.

Est-ce que toi tu réussis à en vivre aujourd’hui ?

G.B : Cette année, c’est la première année où je peux faire mes heures d’intermittente du spectacle en tant qu’humoriste. Je joue pratiquement une fois par jour. Parfois il y a des sessions double, voire des sessions triple. On peut jouer à 18h, à 19h, à 21h au Garage. Voire, entre temps, passer à l’Art Dû à 20h.

Ce n’est pas éreintant comme rythme ?

G.B : On fait pas une heure de spectacle. On joue 10 minutes à chaque fois. Mais, franchement, c’est comme tout. Tu ne peux pas apprendre si tu n’es pas en train de le faire. Il faut aller sur scène, prendre des fours, tester des blagues. Essayer le texte, le reprendre, le re-reprendre. Aller vraiment dans le détail de la vanne, du débit, du rythme. Voir aussi d’autres comédiens et comédiennes. Ça, c’est très important.

gabrielle giraud, Pour l’humoriste montante Gabrielle Giraud : « Être une femme sur scène, c’est politique », Made in Marseille
Gabrielle Giraud, humoriste à Marseille © Margot Geay

Derrière tes blagues, il y a souvent un message sociétal plus profond. Tu te définis comme une humoriste engagée ?

G.B : Quand je montais sur scène au début, mes blagues n’étaient pas engagées. Je faisais plutôt des blagues d’observation, je parlais de ma famille. Mais, au fur et à mesure, je me suis rendue compte que je parlais des mecs dans la rue, de la violence à Marseille, des femmes inspirantes qui m’entourent.

Dès l’instant où tu es une femme sur scène, c’est politique. Quand on sait que seulement un humoriste sur six est une femme. Donc tu as une force, tu as un micro, il y a des gens qui t’écoutent. En ce moment, on reprend des plateaux comme Les Mécaniciennes. On s’investit bénévolement pour créer ça. C’est une forme d’engagement.

J’essaye dans ma vie d’être le plus éveillée possible. Je suis engagée par le fait même d’être une femme queer. Toutes les femmes queer ne sont pas engagées, certes. Mais je pense que du moment où tu fais partie d’une minorité, tu es un peu engagée quand même.

Est-ce qu’on peut rire de tout ?

G.B : Pour moi, si on rit ensemble d’un truc, on se dit tous ensemble qu’on est d’accord avec quelque chose. Mais ça peut être extrêmement dangereux selon le message. Certains peuvent avoir des discours de discrimination, homophobes, qui vont alimenter un cliché… Et il ne faut pas alimenter les clichés selon moi.

Par exemple ?

On a des débats entre humoristes sur les accents. Tout le monde me dit « Ouais, mais on ne peut plus faire l’accent… Toi tu dis ça alors que tu fais l’accent marseillais ». Mais moi, je parle du passé colonial français. Si quelqu’un fait l’accent anglais sur scène, ça ne me dérange pas. Par contre, l’accent d’Afrique du Nord ou asiatique, je trouve que c’est plus compliqué. Mais il y a débat. Je pense que tout doit être nuancé.

Après, il y a plein de potes mecs qui me demandent aussi : « Meuf, j’ai une question, j’ai une vanne. Je crois qu’elle est problématique ». Déjà, quand ça commence comme ça (rires)… Quand il y a un doute, il n’y a plus trop de doutes.

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