Des acteurs de la mode locale et de l’écologie ont manifesté en préfecture lors de la visite d’Emmanuel Macron à Marseille. Ils espèrent que la future loi contre la fast fashion favorisera la filière textile locale et responsable.
David face à Goliath ? C’est un peu ce qui vient à l’esprit ce mercredi 12 février matin, devant la préfecture, à l’occasion de la visite du président de la République. Une vingtaine de manifestants représentent le monde de la mode locale et responsable marseillaise face aux géants mondiaux de la « fast fashion », tels que Shein.
Le site chinois de mode éphémère, largement décrié sur les plans environnemental, social et économique, s’est dernièrement offert les services de Christophe Castaner en tant que « conseiller RSE ». Soutien de la première heure d’Emmanuel Macron, l’ancien ministre de l’Intérieur est aujourd’hui président du conseil de surveillance du Grand port maritime de Marseille.
« On se rassemble pour dénoncer cette nomination, qui est juste l’ouverture du carnet d’adresses pour faire du lobbying au sommet de l’État », estime Anne, membre du réseau Fask qui fédère et anime la filière de la mode locale.
À ses côtés, parmi des associations écologistes comme 1 déchet par jour ou Alternatiba, on trouve des créateurs marseillais engagés. Comme le collectif Baga qui organisera la première fashion week durable à Marseille cet été.
Le Sénat zappe la loi anti fast fashion
« On met surtout la pression pour faire passer la loi anti fast fashion », ajoute Anne. Pour rappel, l’Assemblée nationale avait voté cette loi le 14 mars dernier. Elle est depuis en attente d’être votée au Sénat. Cela devait être le cas le 26 mars prochain, comme l’a annoncé la directrice du label Emmaüs, Maud Sarda.
Mais le média de la seconde main CMCM nous apprend finalement ce jeudi 13 février que « la conférence des présidents qui fixe le programme de travail des séances plénières au Sénat n’a pas inscrit le texte à la date du 26 mars annoncée quelques jours plus tôt »*.
* : mise à jour le 13 février à 10h.
Un malus écologique pour les produits les moins responsables
Un coup dur pour les défenseurs d’une mode responsable. Ce texte prévoit d’abord de définir cette pratique commerciale de « mode express » en posant des seuils concernant le nombre de nouvelles références sur un laps de temps. Shein propose par exemple un rythme effréné de plus de 7 000 nouveaux modèles de vêtements par jour.
Il s’agira également d’afficher des critères environnementaux, comme « l’éco-score » et d’interdire la publicité sur la fast fashion.
Le texte vise également à appliquer un malus écologique renforcé, pouvant atteindre 10 euros par produit. Une mesure que Christophe Castaner, devenu conseiller de Shein pour l’aider à « s’adapter aux standards français », avait critiqué sur BFM TV comme « une TVA sur les produits des plus pauvres ».
10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre
« Des propos honteux », pour Fanny, de la marque marseillaise Tomo, qui crée des pièces de mode à partir de textile upcyclé de la filière du spectacle et de l’événementiel. « Cette loi représente beaucoup pour aider l’économie circulaire locale face à l’industrie de la fast fashion, qui est un désastre écologique et social délocalisé », selon elle.
Au-delà des déchets que génère ce secteur, l’industrie textile représente également 10% des émissions de gaz à effet de serre (GES) mondiales, rappelle le site Vie publique, émanant de l’État. « Soit plus que les secteurs aérien et maritime réunis, et pourrait atteindre 26% d’ici à 2050 ».
Sans oublier l’impact social de la fast fashion. Beaucoup pointent les conditions de travail (forcé ou d’enfants) pour produire ces vêtements bon marché. Un aspect largement décrié et documenté par les médias, les ONG et les parlementaires, de l’Europe aux États-Unis.
Reconstruire une filière textile française
« La fast fashion a cassé le tissu industriel français du textile, qui était un fleuron incroyable, avec un savoir-faire qui disparaît », estime Anne-Christelle Beauvois, parmi les manifestants. Elle anime notamment la Fresque du Textile, pour analyser les dessous de cette industrie et les alternatives pour une mode durable.
« La France est le premier producteur mondial de lin, et le premier producteur de chanvre d’Europe. Mais on ne sait plus le tisser ni le filer », déplore Anne-Christelle. Il s’agit donc pour les acteurs de l’industrie textile de recoudre cette filière.
Ils sont de plus en plus nombreux à s’y atteler à Marseille et dans la région. Notamment en se fédérant pour reconstruire des filières de formation, des ateliers, des industries, comme le fait par exemple le nouveau syndicat Mode in Sud. La loi anti fast fashion serait pour eux un joli coup de pouce afin de revaloriser la mode française.