Après l’installation de Digital Realty il y a 10 ans, Phocea DC ouvre un sixième data center dans le nord de Marseille. La jeune entreprise veut réduire son impact environnemental et démontrer la possible cohabitation avec les habitants.
Au 23 traverse du Moulin Villette, à proximité du boulevard National (3e), des milliers de données numériques sont stockées dans un ancien entrepôt logistique de 1 700 m2. Difficilement repérable, il faut franchir le poste de sécurité pour découvrir le nouveau data center de Phocea DC.
À l’entrée, une fresque d’un artiste du coin, Raphaël Federici, sent encore la peinture fraîche. La déesse Phocea, munie d’une épée et d’un bouclier, avance, sûre d’elle, comme « la gardienne de Marseille ».
Cette allégorie illustre tout l’enjeu des data centers dans un contexte géopolitique incertain : protéger les données confidentielles 24 heures sur 24.
Garantir la souveraineté des données
En plus d’un système électrique de 1,2 Mégawatt qui alimente 250 serveurs, Schneider Electric a installé une climatisation pour maintenir une température ambiante à 25 degrés. Deux groupes électrogènes massifs complètent le tableau en cas de coupure de courant.
Pour financer ces aménagements, l’entreprise a rapidement levé cinq millions d’euros en 2023 auprès d’un fonds d’investissement 100% français. « C’est la garantie de notre souveraineté », insiste Damien Desanti. Le directeur général a également emprunté plus d’un million d’euros supplémentaire à la banque.
L’actionnaire majoritaire mise ainsi sur un retour sur investissement d’ici 2026 en réalisant plus de deux millions de chiffre d’affaires répartis entre les opérateurs mobiles, les entreprises locales et les collectivités. À ce stade, 75% de la capacité est encore disponible.
Mais Damien Desanti se dit « très confiant » au regard des besoins croissants face au développement des cyberattaques et de l’intelligence artificielle. « Trump vient d’annoncer 500 milliards sur l’IA… Quand en Europe c’est trois. Il va falloir se réveiller », laisse échapper le patron.
Un data center intégré dans la ville
Malgré des positions plutôt défavorables au développement tous azimuts des « hyper » centres de données, la Ville ne voit pas ce projet d’un mauvais œil. « Nous avons un intérêt pour les complexes de petites tailles qui hébergent des données locales », estime Laurent Lhardit, conseiller municipal à l’économie et député PS des Bouches-du-Rhône.
C’est d’ailleurs avec cet argument que Damien Desanti s’est implanté en douceur à Marseille. Bien qu’il concède avoir « souvent mauvaise presse » au vu de la consommation énergétique, équivalente à celle de 10 000 habitants. « Mais le contrat est 100% issus d’énergies renouvelables », justifie ce dernier.
Son entreprise a également investi 7% de ces fonds pour traiter l’acoustique afin de mieux s’intégrer dans le paysage urbain, proche des habitations. À terme, Phocea DC entend développer des projets de récupération de la chaleur fatale de son centre pour chauffer des logements ou des hôpitaux.
Marseille 6e hub numérique mondial
Ces solutions sont encore au stade de projet. Mais il semblerait que cela deviennent urgent car Marseille vient de passer au 6e rang des hubs numériques mondiaux, en termes de volume de données qui transitent, alors qu’elle n’était que 44e il y a 10 ans.
Cet enjeu concerne la Ville, mais aussi la Métropole, car le leader mondial américain Digital Realty, qui cannibalise 90% du marché local, lorgne déjà vers Bouc-Bel-Air pour se développer.