Laissé à l’abandon pendant une vingtaine d’années, le plus vieux cinéma du monde situé à La Ciotat, bénéficie aujourd’hui d’un second souffle. Avec une programmation de 15 films par semaine et plusieurs animations, l’Éden Théâtre fait revivre bon nombre de films cultes, tout en attirant petits et grands.
Il n’était pas évident que le plus vieux cinéma du monde à La Ciotat soit conservé tel quel. Mais c’est pourtant ce qu’il s’est passé, grâce à plusieurs associations qui ont milité pour sa sauvegarde. En 2002, l’association les Lumières de l’Éden est choisie par la mairie comme gérant d’exploitation du cinéma et entreprend ensuite sa rénovation. Composée de seulement 4 salariés et 40 bénévoles, l’association peut se vanter d’avoir remis sur pied le cinéma, en toute originalité.
L’histoire de l’Éden Théâtre : entre succès et désuétude
Tout débute en 1899, lorsque l’entrepreneur de spectacles marseillais Alfred Seguin achète l’enclos Ferrouillet afin d’y construire une salle de café-concert. Très vite, L’Éden devient la salle de spectacle de référence à La Ciotat, avec chaque samedi et dimanche des concerts ou des rencontres sportives de boxe ou de lutte gréco-romaine en alternance avec des représentations théâtrales.
Le 28 septembre 1895, la toute première projection des frères Lumières «L’Arrivée d’un train en gare de La Ciotat » a lieu, non pas à l’Éden théâtre mais au Palais lumière à La Ciotat, construit par Antoine Lumière. On raconte que certains spectateurs se seraient enfuis de la salle, pensant que le train allait sortir de l’écran et choqués par un tel réalisme. Même si la première projection cinématographique a eu lieu au Palais des lumières, celui ci est détruit au XIXème siècle ce qui fait de l’Éden théâtre le plus vieux cinéma du monde par la suite.
En octobre 1895, c’est au tour de l’Éden de diffuser sa première projection. Mais faute de maîtrise, c’est un véritable échec. « Le cinématographe Lumière balbutie ses images dans son berceau de l’Éden », relatent les archives du cinéma. L’Éden théâtre se rattrape quatre ans plus tard, le 21 mars 1899 avec une projection qui rassemble 250 personnes. Elle est effectuée par le Royal Biographe qui utilise un appareil conçu par Henry Joly et les frères Normandin et diffuse des images tournées par les frères Lumières.
Puis, l’Eden grandit en même temps que le monde du cinéma évolue et enchaîne les succès : projections des films féériques de Méliès dès juin 1909, bruitages très complet durant les films (réalisé par la famille Barthelemy et un pianiste en fond), diffusion du premier film sonore le 31 août 1931. Il s’agit du film « La Route est belle » de Robert Florey avec le baryton André Baugé, qui stupéfie une nouvelle fois les spectateurs.
La crise frappe le cinéma en 1980
La belle aventure s’essouffle dès les années 1980. La crise économique frappe La Ciotat et les gérants sont sur le point de vendre l’Eden. Puis, un drame se produit, alors que s’achève la projection du film « Deux heures moins le quart avant Jésus-Christ ». Le jeune gérant de 25 ans, Georges Giordana, est assassiné dans son cinéma lors d’une tentative de vol. Son frère tente par la suite de relancer l’exploitation mais le coeur n’y est plus.
Le 1er avril 1992, la municipalité de la Ciotat rachète l’Éden, ce qui est le premier pas vers une possible réhabilitation des lieux. Durant 10 ans, plusieurs associations défendent le cinéma, pour qu’il ne soit pas transformé en parking ou toute autre installation. C’est finalement en 2002, que la Mairie choisit l’association les lumières de l’Éden comme gérant d’exploitation du cinéma. Faute de moyens, l’association ne parvient pas à réhabiliter tout de suite le cinéma.
«Lorsque Marseille a été Capitale Européenne de la Culture en 2013, nous avons réussi à convaincre qu’il fallait sauver l’Eden et à à obtenir les fonds nécessaires pour rénover le cinéma, soit 7 million d’euros», nous explique le président de l’association Les Lumières de l’Eden.
L’Éden Théâtre, aujourd’hui
Bien qu’il ait conservé le mot « théâtre » dans son nom, l’Éden Théâtre n’a plus rien d’un théâtre. Aujourd’hui, il fait seulement office de cinéma. Mais il n’a rien perdu de son charme d’antan… Sa rénovation en 2013 a reproduit à l’identique la salle originelle du théâtre, construite en 1899.
Côté programmation, le cinéma diffuse une quinzaine de films par semaine (un peu moins l’été). A chaque diffusion, un bénévole assure la présentation du film. La programmation reste très éclectique avec des films classés Art et Essai, des films du patrimoine cinématographique restaurés et des sorties récentes. Une chose est sûre, le cinéma n’accueille pas de blockbusters mais beaucoup de classiques et de films originaux à (re)découvrir. « L’Éden Théâtre était un cinéma populaire, je veux lui rendre cette réputation et que la programmation touche tout les publics », explique Michel Cornille. Pour cela, le cinéma propose également beaucoup de films pour enfants et les convie tout les mercredis à un goûter bio, après la projection.
Et pour rendre encore plus vivant le cinéma, des projections en présence de réalisateurs et d’acteurs sont organisés au moins deux fois par mois. Ainsi, Michel Hazanavicius, réalisateur de The Artist, ou encore les acteurs Kev Adams et Nathalie Baye et bien d’autres personnalités ont foulé le sol du cinéma et partagé un moment avec le public.
L’Éden théâtre redouble d’inventivité pour attirer les spectateurs, en organisant également des weekends thématiques, weekend « cubain » ou « tango» par exemple, durant lesquels plusieurs films sont diffusés autour de ces sujets.
Et pour les plus cinéphiles, des nuits blanches sont organisées durant l’été. Le principe ? Regarder quatre films à la suite autour d’un thème, de 22h à 6h du matin, puis profiter d’un petit déjeuner sur la terrasse de l’Éden.
Le cinéma reçoit également plusieurs festival dans l’année, comme le « Best Off International Short Films », le festival des courts métrages internationaux. Il aura lieu du 6 au 10 juillet et dévoilera près de 60 films primés en 2015 et 2016.
Avec ces aménagements, l’Éden théâtre a largement rempli les objectifs demandés par la mairie de La Ciotat. Si le nombre de visiteurs minimum par mois était fixé à 1000, le cinéma en accueille aujourd’hui 1500. Sans compter les 1300 touristes curieux qui viennent chaque année visiter le plus vieux cinéma du monde…