Nélia Yagoub, 10 ans, élève de l’Academy of Boxing and Dancing de Saint-Marcel, va défendre son titre de championne régionale de danse à Lyon. Créée par la boxeuse professionnelle Fouzia Ramazyan, cette école inclusive permet à des jeunes en difficulté de pratiquer la danse à moindre coût et de se libérer.
« Boxer, on peut le faire n’importe où, on n’a besoin de rien, que de son courage. La danse, c’est différent, observe Fouzia Ramazyan. Il faut venir d’un monde assez aisé et avoir certains moyens. Ce n’est pas donné à tout le monde », estime-t-elle.
Pour contre-attaquer face aux inégalités d’accès au sport, l’ancienne boxeuse professionnelle et son homologue Cynthia Godbillon ont fondé l’Academy of Boxing and Dancing (ABD School).
Depuis 2012, Fouzia Ramazyan donne bénévolement de son temps pour permettre à des enfants en difficulté de pratiquer la boxe et la danse urbaine à moindre coût. Pour 15 euros par mois, pendant quatre heures chaque mercredi et samedi après-midi, les jeunes peuvent suivre des cours de hip-hop ou de breakdance.
Du ring à l’opéra
Originaire du quartier populaire de la Bricarde (15e), la championne de boxe anglaise a elle-même été disciple de Jean Molina, l’entraîneur de boxe le plus titré de France, avant de troquer ses gants pour une paire de ballerines.
Attirée par le monde du ballet et par l’opéra, Fouzia Ramazyan s’est tournée vers la danse classique, en essayant de concilier ses deux passions. « Je m’entraînais en cachette, en essayant surtout de ne pas me blesser », se souvient-elle. Elle s’est formée au conservatoire d’Aubagne pendant six ans avant d’ouvrir son école.
Dans une salle, transformée en studio de danse à la Maison pour tous Vallée de l’Huveaune, à Saint-Marcel (11e), elle entraîne une centaine de personnes, de 3 à 68 ans. L’association se déplace également aux Caillols (12e) et dans le 15e arrondissement de Marseille.
À l’ABD school, il n’est pas rare que le social se mêle au sport. « On a tout un tas de profils ici, des enfants handicapés, des enfants de foyers qui n’ont pas de parents, souligne Fouzia Ramazyan. Ce sont des enfants volontaires et combatifs. Je veux qu’ils s’amusent, qu’ils prennent du plaisir. Ils ont le droit de pratiquer ce sport autant que les autres ».
La petite protégée
Parmi ces jeunes, Nélia Yagoub, 10 ans, a intégré l’école il y a deux ans. Un moment où les difficultés commencent à s’accumuler dans sa vie, entre le départ de son père du foyer familial et la mise en péril du logement qu’elle occupait avec sa mère et ses quatre frères, dont deux sont handicapés.
D’abord intéressée par la boxe, elle découvre la danse de rue et s’initie à la danse contemporaine auprès de Fouzia Ramazyan. Le 6 avril dernier, au Palais des Congrès de Marseille, ses efforts ont payé : Nélia a remporté le premier prix régional du concours de la Confédération française de danse en niveau amateur.
« Tout cela a été possible après beaucoup d’entraînement et d’acharnement, et grâce au soutien et à l’appui de Réjane Losno, fondatrice de La Maison de Réjane à Aubagne », indique son entraîneuse. Cette dernière, danseuse renommée, dispense bénévolement des formations techniques de moderne jazz et de danse contemporaine à l’ABD School.
En route vers les nationales
« Nélia, quand je l’ai rencontrée, j’ai compris que ça n’allait pas, se rappelle Fouzia Ramazyan. Elle était très en colère et j’ai cherché à comprendre pourquoi. C’est une petite qui est entière, qui garde tout à l’intérieur. Aujourd’hui, je ne pourrais pas être plus fière d’elle ».
« Je pense que Fouzia a réussi à aller chercher quelque chose à l’intérieur de Nélia, estime sa mère, Méchria. Avec les hébergements qu’on est en train de subir aux quatre coins de Marseille, elle a du mal à s’attacher, à s’exprimer. Et elle a réussi, à travers la danse et la boxe, à évacuer tout ce qu’elle avait en trop. Elle est épanouie aujourd’hui, et je ne remercierai jamais assez sa coach ».
La jeune prodige s’apprêtait à partir à Lyon, où elle allait tenter, le 8 mai, de se qualifier pour le concours européen de la confédération nationale qui se déroulera à Rome, en Italie, en novembre prochain. Elle prépare parallèlement son premier combat amateur de MMA.
« On apprend à exprimer ce qu’on ressent »
Elyas Soilihi a, lui, remporté la troisième place au même concours. L’adolescent de 14 ans pratique une fois par semaine dans une école académique pour perfectionner sa technique.
« Le reste de la semaine, je suis ici à m’entraîner, à me libérer. Ce qui est différent, c’est qu’en école académique, on se base la plupart du temps sur la technique et non sur ce que l’artiste est et ce qu’il peut devenir, note le passionné de comédie musicale. Tandis qu’avec Fouzia, on est plus dans l’apprentissage à se libérer et à exprimer ce qu’on ressent. Elle nous laisse faire ce dont on a envie et comme on a envie de le faire ».
Fouzia Ramzyan est actuellement à la recherche d’une salle pour agrandir l’école. Elle prévoit d’affilier l’association aux fédérations de boxe, puis de danse, afin de pouvoir licencier ses élèves et concourir dans les championnats officiels. « On a de beaux projets qui arrivent. Grâce à cela, nos élèves pourront aller encore plus loin », promet la boxeuse.