L’agence One Provence a été lancée en 2023 afin d’impulser une stratégie commune de rayonnement entre les acteurs économiques, culturels et universitaires de la métropole Aix-Marseille-Provence. Entretien avec son président et son directeur qui nous dévoilent le cap qu’ils souhaitent donner à ce projet.
One Provence, la nouvelle agence de marketing territorial de la Métropole Aix-Marseille-Provence, a été officiellement lancée le mardi 17 octobre 2023, avec le soutien des acteurs économiques et universitaires locaux. Son objectif : faire du territoire une des métropoles les plus compétitives et attractives d’Europe, en étant aux avant-postes des grandes transitions économiques, sociales et environnementales.
Cette vision est inscrite dans un manifeste qui a été signé par l’ensemble des parties prenantes. « Ce manifeste doit toucher les individus pour les rassembler et pour développer une nouvelle fierté d’appartenance. Une fierté qui n’est pas uniquement basée sur les clichés mais sur ce qui se passe sur ce territoire. Par notre position géographique, on est un laboratoire des transitions. Et donc on invente des solutions », exprime Lionel Flasseur, directeur général de One Provence.
Né à Marseille, il arrive de Lyon où il a été à la tête du programme de marketing territorial OnlyLyon, puis de l’agence Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme. Aux côtés de Dominique Bluzet, directeur du Grand Théâtre de Provence et des théâtres du Gymnase, des Bernardines et du Jeu de Paume, qui a accepté de présider l’agence, ils reviennent auprès de Made in Marseille sur leurs ambitions pour mettre ce nouvel outil au service du territoire.
Made in Marseille : Vous présidez et dirigez respectivement la nouvelle agence de marketing territorial One Provence. Pourquoi avoir accepté cette mission ?
Dominique Bluzet : Quand on réussit dans la vie, il y a un moment où on se demande à quoi ça sert. Et se battre pour un territoire, ça me semble être une des plus belles raisons. Je dirige des structures culturelles à Aix et à Marseille, qui représentent aujourd’hui le deuxième pôle français de spectacle vivant. Ça peut sembler éloigné du marketing territorial et pourtant, une aventure culturelle rejoint les questions d’attractivité. On se bat pour que les gens soient fiers des événements qu’on crée et il faut trouver des synergies, travailler avec les mondes économique et politique.
Lionel Flasseur : Ce territoire est la deuxième métropole de France et fait partie des grandes métropoles européennes. Il faut que l’on puisse le reconnaitre à sa juste valeur, dans tous les domaines, alors qu’il souffre aujourd’hui d’un déficit d’image. J’arrive pour ma part avec un angle technique, pour avoir exercé du marketing territorial pendant une quinzaine d’années. J’ai la chance d’avoir rejoint Dominique pour proposer au conseil d’administration une feuille de route et la mettre en oeuvre, en vue d’obtenir des résultats rapides dans les domaines que nous souhaitons pousser.
Cette nouvelle agence de marketing territoriale est-elle nécessaire sachant qu’il existe localement déjà plusieurs agences de promotion ?
L.F. : Il existe déjà sur ce territoire un écosystème d’attractivité au travers d’acteurs comme Provence Promotion, Provence Tourisme mais aussi Euroméditerranée, l’aéroport, le Grand port maritime, les organisations patronales, le Top 20 et bien entendu la Métropole et le Département. Il manquait cependant un maillon dans cette chaîne qui était le marketing territorial, c’est-à-dire la capacité à faire valoir nos savoir-faire actuels et futurs. L’hétérogénéité de cette métropole est aujourd’hui une complexité mais aussi une richesse en termes de marketing.
D.B. : On a tendance à penser que Marseille préempte la totalité du territoire et que l’image serait négative. Mais si vous parlez d’Aix-en-Provence et de la Provence, l’image est extrêmement positive. C’est une marque connue dans le monde entier. Je crois qu’un des enjeux de cette agence d’attractivité est de construire une unité autour de territoires qui n’ont rien à voir entre eux historiquement.
Marseille est tournée vers la mer alors qu’Aix est tournée vers la terre. La plus belle ambition de One Provence, c’est de raconter cette histoire et de promouvoir un territoire qui n’est pas unique dans sa colonne vertébrale.
Pour réussir, le jeu collectif est une condition sine qua non. Est-ce que l’expérience de Marseille Capitale européenne de la culture en 2013 vous inspire ?
D.B. : Ce que j’ai trouvé extraordinaire dans la Capitale européenne de la culture, c’est qu’on a réussi à lever presque deux fois plus d’argent qu’à Lille [Capitale européenne de la culture en 2004, ndlr] essentiellement grâce à la mobilisation du tissu de PME. L’événement a prouvé qu’on pouvait réussir quelque chose ensemble. Des villes comme Lyon ou Bordeaux ont aujourd’hui un leadership sur leur territoire. Ici, nous avons des individualités formidables mais il reste à créer une équipe. One Provence est là pour donner cette perspective d’avenir et donner à la métropole une visibilité.
L.F. : Il y a vraiment ici un dynamisme extraordinaire. Mais la somme des micro-initiatives, avec des opérateurs différents, ne font pas une grosse initiative. Il faut les rassembler pour atteindre une taille critique qui nous permette d’émerger beaucoup plus vite.
Notre territoire a donné à l’humanité des gens qui sont inscrits au panthéon du monde.Dominique Bluzet
Vous avez l’ambition de parler à la fois à la population locale et à un public international. Comment communiquez-vous sur ces deux fronts ?
L.F. : C’est un vrai parti pris et c’est là où on fait différemment des autres programmes de marketing territorial qui, bien souvent, veulent d’abord adresser un message à l’extérieur. On va se concentrer tout d’abord sur les parties prenantes locales. Concrètement, 80% de nos moyens sur l’année 2024 vont être consacrés au territoire.
Ensuite, en utilisant des techniques de marketing classique, on va adresser notre message aux grandes métropoles françaises, Paris en tête, afin d’aller capter les talents, les entreprises, les décisionnaires qui peuvent nous intéresser. Et puis on aura bien sûr la mission de se tourner vers l’international.
D.B. : Si vous prenez les grandes métropoles mondiales, comme New York ou Berlin, avant de se demander si elles pouvaient intéresser le public à l’international, elles se sont construites sur leur population et ce sont ces populations qui ont été les meilleures communicantes de leur ville. Ce sont les New Yorkais qui vendent New York, pas les agences de pub. Mais on ne part pas de rien.
On part d’un territoire qui a donné à l’humanité des gens qui sont inscrits au Panthéon du monde. Marseille a donné trois des plus grands chorégraphes mondiaux, Marius Petipa, Maurice Béjart, Roland Petit. Et à Aix sont enterrés trois des plus grands peintres, Cézanne, Picasso et Marceau. Il faut raconter aux enfants de ce territoire de quoi ils sont porteurs.
Si on compare aujourd’hui le territoire d’Aix-Marseille-Provence avec les autres métropoles françaises, quels sont ses atouts ?
D.B. : Ces sont ses paysages, son climat, son histoire, son industrie, ses chercheurs, son université, qui est la plus grande de France… Quel autre territoire conjugue tout ça ?
L.F. : Il y a aussi la taille de la métropole qui est immense avec 50 % d’espaces naturels, ce qui la rend unique en France. On parle également beaucoup de réindustrialisation à l’échelle française. Rares sont les métropoles qui sont capables de tenir un discours sur cette question, notamment pour des contraintes d’espace. Et notre position géographique fait qu’on est un laboratoire. Et enfin, on est aussi un territoire méditerranéen. Le fait d’avoir un pied en Europe et un pied sur la Méditerranée est une spécificité extrêmement forte.
D.B. : On dit que Lyon est un carrefour européen. Mais nous, on est un « carrefour du monde ». Aujourd’hui, notre port est le point de départ des câbles informatiques qui relient l’Europe, l’Afrique et une partie de l’Asie. Et plus vous êtes proches de l’arrivée, plus vous gagnez des millionièmes de seconde qui vous permettent d’anticiper un certain nombre de décisions économiques. On a la chance de pouvoir dire que tout ça part de Marseille. C’est la seule ville en France qui ait ça. Nous sommes un territoire extraordinaire.
On souhaite positionner Aix-Marseille aux avant-postes des grandes transitions.Lionel Flasseur
On parle des atouts, quel regard portez-vous sur les enjeux environnementaux et de mobilité ?
D.B. : One Provence n’est pas un aménageur, c’est un aiguillon. Mais on connaît les défis à relever. Tout d’abord, Marseille est une ville construite sur des collines, avec des rues serrées pour se protéger du vent. Ensuite, il y a la liaison Aix-Marseille. Pour des raisons politiques, elle n’a qu’une seule voie. Les Aixois ne voulaient pas que les Marseillais montent jusqu’au cours Mirabeau. Les deux villes ont tout fait pour se séparer. Aujourd’hui, nous commençons enfin à construire un avenir qui est un avenir métropolitain.
L.F. : Dans le cadre de One Provence, nous n’avons pas la responsabilité des éléments structurants. On n’est ni la Métropole, ni la Région. Mais on souhaite positionner Aix-Marseille aux avant-postes des grandes transitions et on est là pour rassembler, agiter, animer, mettre en cohérence et communiquer.
Dans le domaine du tourisme, on parle de plus en plus de saisonnalité, voire même parfois de démarketing. Est-ce que ce sont des éléments que vous intégrez à votre réflexion ?
L.F. : À One Provence, on redistribue la parole aux experts. Et Provence Tourisme est l’agence en charge du développement touristique sur le territoire. Nous, notre mission, c’est d’être entouré de spécialistes et de créer du lien, mais pas de prendre leur place.
Est ce que l’innovation va être un élément central dans votre stratégie de promotion du territoire ?
L.F. : L’avantage d’être une des dernières métropoles à s’élancer sur la ligne de départ, c’est qu’on peut capitaliser sur les meilleures pratiques mondiales. Et avant même d’être innovants, c’est quelque chose d’important. Concernant l’innovation, elle réside déjà dans notre démarche. Celle de s’adresser d’abord à l’écosystème local mais aussi le fait de faire du mot « Provence » la marque mère, avec « One Provence », « Provence Tourisme » et « Provence Promotion » comme marques filles. On n’impose pas une nouvelle marque.
Pouvez-nous en dire plus aussi sur votre futur site internet qui doit être conçu en utilisant l’intelligence artificielle ?
L.F. : Il sera sans doute la vitrine la plus tangible et la plus concrète de notre effort d’innovation. Ce site internet basé exclusivement sur l’intelligence artificielle permettra de répondre à toutes les questions qu’on peut se poser sur le territoire. De la même manière que sur un moteur de recherche, les visiteurs pourront poser toutes les questions qu’ils souhaitent et nous utiliserons l’IA pour répondre de la manière la plus pertinente possible. On souhaiterait le dévoiler au premier trimestre 2024.
D.B. : Sur ce site internet, il faudra veiller à ce qu’il y ait une équité territoriale dans les réponses proposées. One Provence doit être l’étendard de cette exigence. Il faut qu’on soit exemplaire et que notre exemplarité devienne une référence. L’enjeu est aussi de mieux faire connaître le territoire auprès de ses propres habitants.
Quelle place souhaitez-vous donner à la culture au sein de One Provence ?
D.B. : Si vous prenez tous les lieux non démocratiques et non républicains dans le monde, ce sont tous des lieux dans lesquels il n’y a pas de politique culturelle. Ce qui sauve le notre pays, qui est quand même un des berceaux mondiaux de la démocratie, c’est que, grâce à une politique culturelle, nous pouvons nous poser la question de pourquoi nous sommes ensemble. Et dans un monde qui est difficile, venir rêver, ça fait du bien. Aller se mettre dans une salle de spectacle, rire, être ému, c’est important.
Les grands événements culturels permettent aussi de mettre un coup de projecteur sur un territoire. Il faut par exemple voir comment un petit cirque, devenu Cirque du Soleil, a transformé la ville de Montréal. Aujourd’hui, une édition des Jeux olympiques sur deux est inaugurée par des cirques canadiens. Ici, en raison du climat, parce qu’on a 300 jours de soleil par an, on a une possibilité de déambulation dans l’espace public qui est formidable. Et une activité culturelle hors les murs qui peut être extraordinaire, sur la terre comme sur la mer. Il faut d’ailleurs se servir de cet espace maritime pour avoir une activité culturelle.
En dehors des Jeux olympiques, quels sont les temps forts qui attendent One Provence en 2024 ?
L.F. : On a déjà imprimé notre patte la semaine dernière au Salon de l’Immobilier d’Entreprise (SIMI) avec des stands aux couleurs de One Provence. Il y aura aussi d’autres événements professionnels comme le Mipim à Cannes en mars prochain. On pourrait parler aussi des salons du nautisme et du Delta Festival qui a pris une ampleur incroyable. À ce stade, on n’est pas là pour inventer des nouveaux événements. Notre tâche, pendant au minimum deux ans, c’est de révéler tout ce qui se passe et de capitaliser sur les événements existants.
On va aussi lancer l’Académie One Provence le 25 janvier 2024. La raison d’être de cette académie, ce sera de faire en sorte que tous les acteurs locaux, qui contribuent à l’attractivité, puissent avoir une vision partagée, un langage commun et développer une connaissance transversale de ce qui fait rayonner notre territoire.
D.B. : Cette métropole, c’est vraiment un tableau dans lequel il se passe plein de choses. On veut la construire dans sa diversité. Notre défi, c’est de le faire en parvenant à conserver l’identité de chacun de ses éléments. C’est ça qui est passionnant.