Pour fêter ses 20 ans, l’agence départementale d’information sur le logement (Adil 13) a réuni les professionnels et les élus du secteur. Son observatoire des loyers, publié chaque année, ravive le débat sur l’encadrement des loyers marseillais.
La prévention des expulsions des locataires, la construction de logements, l’encadrement des loyers… Ces problématiques ont toutes été évoquées le 6 décembre à l’occasion des 20 ans de l’agence départementale d’information sur le logement (Adil 13).
« La crise du logement impacte notre territoire, rappelle Christophe Mirmand, le préfet des Bouches-du-Rhône devant l’assemblée, la demande augmente et l’offre se rétracte ».
Dans une lettre envoyée en juin 2022, le haut-fonctionnaire alertait déjà la Métropole Aix-Marseille-Provence, compétente en la matière, sur la pénurie à venir de logements neufs. Laquelle se défendait en justifiant la conséquence des choix de la Ville de Marseille notamment en termes d’urbanisation des terrains.
L’année dernière, la municipalité a fait l’objet d’un constat de carence pour non-respect de ses obligations légales de construction de logements sociaux. Même si elle prévoit de produire 4500 logements par an, dont 2300 logements sociaux, la Ville cherche d’autres solutions notamment pour anticiper la hausse des loyers. Car si l’offre de logements stagne et que la demande augmente, alors mathématiquement, le montant des loyers peut augmenter.
La municipalité a ainsi réaffirmé sa volonté d’expérimenter l’encadrement des loyers lors de la deuxième édition des « Rendez-vous annuels du logement » début novembre. La loi ELAN (évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) de novembre 2018 avait mis en place ce dispositif d’encadrement pour cinq ans et la loi 3DS (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification de l’action publique locale) a prolongé l’expérimentation jusqu’en novembre 2026.
« Il manque une véritable politique de l’offre »
Si la Métropole Aix-Marseille-Provence a voté favorablement à l’encadrement des loyers il y a tout juste un an, sa présidente Martine Vassal « ne pense pas que ce soit la solution ». Pour l’élue, il faut surtout se dépêcher de « construire mieux » et dans « le diffus ». C’est-à-dire privilégier la construction sur les terrains isolés, plutôt que de construire des barres d’immeubles.
Même son de cloche de la part du président de la Chambre de commerce et d’industrie Aix-Marseille-Provence (CCIAMP) qui pointe « le manque d’une véritable politique de l’offre ». Jean-Luc Chauvin a participé à la mise en place de l’observatoire des loyers marseillais en sa qualité d’ancien président de la Fédération nationale de l’immobilier à Marseille (FNAIM) Aix-Marseille-Provence.
Une hausse « modérée » des loyers
En effet, pour mieux informer les habitants sur les potentielles évolutions, l’Adil 13 a lancé son observatoire des loyers du parc privé en 2006. La dernière étude publiée en juin analyse que « Marseille a connu ces huit dernières années une hausse modérée, mais continue du prix à la location de ses logements. En effet, le prix médian au m² passe de 11,6 €/m² en 2014, à 12,5 €/m² en 2022, soit une hausse de 8 % en 8 ans. »
Le document précise également que l’augmentation des loyers marseillais suit de près la courbe de l’évolution de l’indice de référence des loyers (IRL), plafonnée à 3,5% d’augmentation annuelle par l’Etat.
Le président actuel de la FNAIM locale, François-Xavier Guis, se dit « très content que cet observatoire soit mis en place » car il montre que « nous avons gardé des prix stables y compris sur nos honoraires », assure-t-il au nom des propriétaires et co-propriétaires.
Un décret pour conditionner l’expérimentation
Le représentant est, de fait, opposé à l’encadrement des loyers à l’échelle de la ville. « Ce serait un signal négatif pour les investisseurs et les promoteurs alors que les permis de construire délivrés à Marseille sont déjà à un niveau très bas », revendique-t-il.
Initialement, lors des premiers États généraux du logement en novembre 2022, Olivier Klein avait donné son feu vert à l’expérimentation. Le ministre du Logement de l’époque annonçait la création d’une mission dédiée pour garantir la rapidité et la solidité juridique afin que l’encadrement des loyers ne soit pas rendu obligatoire dans les autres communes de la Métropole.
François-Xavier Guis confie avoir discuté avec le ministre du Logement actuel, Patrice Vergriete, qui aurait émis l’idée de « conditionner l’octroi de l’encadrement des loyers selon une politique de l’offre ». Autrement dit, si la Ville ne produit pas assez de logements, elle ne peut pas expérimenter l’encadrement des loyers.
Présent dans la salle, Patrick Amico, l’adjoint au logement de Marseille, ne s’est pas exprimé sur le sujet. Il précisait le mois dernier son avis sur la question en ces termes : « Si on regarde les problématiques de loyers et le taux de pauvreté, on se rend compte qu’on ne peut raisonner de la même manière que pour d’autres communes. Il faudra aussi des données précises par micro-zone, pour fixer des loyers de référence, qui pourraient se mettre en place à la fin de l’année 2024, voire début 2025. Par exemple, à la Madrague de Montredon, on ne peut pas dire qu’on a le même niveau de loyer que dans le cœur du Panier ».
En attente de l’adoption du plan local de l’habitat (PLH)
À ce jour, le ministre ne peut publier le décret tant que le plan local de l’habitat (PLH) 2023-2028 de la Métropole Aix-Marseille-Provence n’est pas adopté.
Mais, comme un signal positif, le Comité régional de l’habitat et de l’hébergement (CRHH) présidé par le préfet de région l’a approuvé ce 8 décembre. Ce document stratégique de production de logements dans les 92 communes devrait être voté, selon nos informations, en février prochain.
Un article du Monde relève que 69 villes françaises ont déjà mis en place l’encadrement des loyers ou ont obtenu un accord de principe du gouvernement pour l’expérimenter. Et ce chiffre devrait tripler dans les prochains mois.