La Fondation Agir contre l’exclusion a célébré au Pharo ses 30 ans d’existence. La première antenne de France est née à Marseille en 1994. Retour aux sources avant de se tourner vers l’avenir.
Cela fait maintenant 30 ans que la Face lutte contre toutes formes d’exclusion, de discrimination et de pauvreté. Ce n’est pas un hasard si la Fondation Agir contre l’exclusion (Face), présidée bénévolement depuis juillet 2022 par l’ancien chef du gouvernement Jean Castex, a décidé de célébrer cet anniversaire dans la cité phocéenne mardi 14 novembre.
Créée en 1993, à l’initiative de la maire de la Lille, Martine Aubry, la Fondation a débuté ses tout premiers travaux pratiques à Marseille. « C’est un retour aux sources », lâche l’ancien Premier ministre, sous le soleil des Catalans, une heure avant les temps forts de l’après-midi organisé au Pharo.
C’est, en effet, dans les quartiers Nord qu’est née la première émanation territoriale, il y a 29 ans, le club Face Sud Provence. À cette époque, Patrick Nedelec dirigeait l’entreprise d’insertion Régie service 13.
C’est lui qui est à l’origine de la première antenne de Face en 1994. « Comme on avait une certaine renommée médiatique, Martine Aubry est venue me rendre visite. Pour l’anecdote, le préfet avait refusé qu’elle descende de la voiture car les conditions de sécurité n’étaient pas réunies. Elle m’a promis qu’elle reviendrait. En 1993, quand la gauche a été battue aux législatives, elle est revenue passer quatre jours dans les quartiers pour m’expliquer qu’elle voulait créer une fondation nationale pour soutenir des projets avec des entreprises », raconte Patrick Nedelec.
Lui, souhaitait, de son côté, créer un club local pour faire collaborer les entreprises des quartiers Nord et les habitants. « J’ai créé Face (à l’époque ACE) sans Martine Aubry, mais elle m’a donné son aval ». Présidé par Malika Idri, le réseau rassemble aujourd’hui 282 entreprises. « Il est resté l’un des clubs les plus dynamiques, et je souhaitais que la célébration se passe en province, car Face ce sont d’abord nos clubs territoriaux », s’enthousiasme Jean Castex.
La fondation sauvée par l’État et le groupe SOS
La Fondation compte aujourd’hui 42 clubs à travers toute la France et abrite 37 fondations. La structure a traversé une période de tumultes après que sa gestion a été pointée du doigt en 2019 par la Cour des comptes, l’accusant d’être non conforme aux objectifs poursuivis et d’abriter des fondations d’entreprises menant des actions ayant peu de rapport avec l’exclusion.
Alors menacé de dissolution, le premier réseau du pays pour la lutte contre l’exclusion a redoublé de vigilance et pu compter sur le soutien du groupe SOS pour redresser la barre et ne pas sombrer. « On a sollicité un certain nombre de donateurs qui sont les anciens fondateurs. Ils ont accepté de redonner de l’argent pour solder les dettes de la Fondation avec la mise en place d’une nouvelle gouvernance de qualité. Le soutien de l’État a aussi permis de relancer l’activité », explique Jean-Marc Borello, le fondateur et président du directoire du groupe SOS, également présent au Pharo pour faire le tour des stands des associations du village Face.
La Fondation, reconnue d’utilité publique, fonctionne avec un budget annuel de 18 millions d’euros, 30 millions en ajoutant les clubs qui ont une gestion autonome. « On ne roule pas sur l’or, mais on est à l’équilibre », assure Jean Castex. 60% des financements proviennent de fonds publics en réponse à des appels à projets et 40% du secteur privé, via le mécénat motivé par la carotte fiscale. « On veut arriver à 50/50 dans les 2 à 3 ans », ajoute le président, qui profite de cette célébration pour dévoiler les grandes orientations stratégiques qui guideront les actions de la Fondation jusqu’en 2028.
Agir au plus près des territoires
L’enjeu est d’abord de renforcer son ancrage territorial avec l’ambition d’assurer sa présence sur 101 départements avec un rayonnement régional. À ce titre, Face a signé avec la Région Sud sa toute première convention afin de déployer ses actions auprès des publics les plus vulnérables et avoir une porte d’entrée directe au sein des entreprises, au cœur du projet inclusif. « Depuis sa création, il y a une surreprésentation des grands groupes, donc notre but aujourd’hui, c’est d’élargir aux TPE-PME, aux ETI pour faire vivre la RSE », souligne Jean Castex.
Ce sont aujourd’hui 6000 entreprises membres, dont 1856 sensibilisées au dispositif Paqte (Pacte avec les quartiers pour toutes les entreprises), parmi lesquelles Pernod Ricard France, qui s’est engagé il y a quelques mois dans ce dispositif visant à renforcer le développement économique et social des quartiers prioritaires de la ville.
Autre orientation forte : s’imposer comme un acteur reconnu de la transition écologique solidaire. « Beaucoup d’entreprises sont déjà impliquées, mais il en faut encore plus. On aura gagné lorsque la RSE ne sera pas une obligation légale, mais qu’on aura aligné l’intérêt de l’entreprise et la RSE, poursuit l’ancien Premier ministre, s’appuyant sur un sondage Opinionway pour Face qui révèle que la « responsabilité sociétale des entreprises ne fait plus de doute pour les salariés.»
La Régates des Possibles, un modèle d’innovation sociale
Marseille a souvent été considérée comme un laboratoire d’innovation sociale. Jean Castex entend se servir des réussites territoriales pour essaimer partout dans l’Hexagone une méthodologie d’actions pour rendre l’accompagnement des entreprises et des publics plus efficient.
La Régate des Possibles, portée par la Métropole Aix-Marseille Provence, en partenariat avec la Face Sud Provence, l’État et l’association Marseille Capitale de la mer, illustre cette nouvelle manière de toucher les jeunes recrues. Mi-octobre, une centaine de demandeurs d’emploi et une vingtaine d’employeurs (Suez, Accor, La Poste, Synlab Provence, Bouygues Construction, Carrefour, Leroy Merlin, Manpower, boulangerie Ange….) ont embarqué pour un job dating en mer.
Les deux dernières éditions (2021-2022) de la Régate des Possibles ont affiché un bilan positif avec plus de 60 % des participants ayant retrouvé un emploi dans les six mois qui ont suivi la manifestation.
En termes d’insertion par le travail, Laëtitia Hélouet, présidente de l’Observatoire national de la politique de la ville, témoigne au cours d’une table ronde, de « l’action essentielle du mentorat » qui met en lien un jeune issu de la diversité et un salarié expérimenté. Cet outil managérial permet aux deux parties « d’acquérir des aptitudes professionnelles » et « de croiser les façons de penser ».
La directrice générale de la fondation Mozaïk, Géraldine Plénier, insiste de son côté sur le besoin de former les managers au recrutement inclusif, car, de fait, « encore beaucoup de jeunes issus de la diversité ont du mal à trouver leur premier emploi ».
A Marseille, deux projets phares
À Marseille, deux projets phares caractérisent les actions d’accompagnement de Face Sud Provence. L’expérimentation pendant trois ans du projet “Les pionnières” « a aidé près de 200 femmes à trouver leur excellence opérationnelle avec des outils de coaching très pointus », explique Malika Idri, heureuse de retrouver Sabrina Agresti-Roubache, qu’elle connaît depuis des années et présente sur l’événement.
La secrétaire d’Etat à la Ville et la Citoyenneté, très investie dans le quartier Félix Pyat où elle a grandi, a rappelé avec émotion que « la lutte contre les discriminations et l’exclusion est au cœur de mon action ».
L’autre projet symbolique de Face Sud Provence, financé par Synlab Provence et Airbus, permet à des collégiens de découvrir les métiers des collaborateurs pour « lutter contre le décrochage scolaire et ouvrir leurs horizons », poursuit Malika Idri qui s’apprête à passer la main fin février à Sofiane Benhabib, dirigeant actuel de Synlab Provence.
Durant ces 30 ans d’existence, la Fondation Agir contre l’exclusion a accompagné plus de 370 000 personnes avec un taux de retour à l’emploi de 85%.