Les contours de la réhabilitation du parc Longchamp se dessinent. Une nouvelle réunion publique a été organisée pour présenter l’état des lieux aux habitants et annoncer les prochaines étapes du projet.
« On est à un moment de bascule où la dégradation s’accélère. On risque d’arriver à un point de non retour ». Le diagnostic de l’architecte Corrado de Giuli Morghen est sévère mais a le mérite de donner l’alerte. Son agence Fabrica Traceorum a été choisie par la Ville de Marseille pour établir un état des lieux du parc Longchamp et l’aider à élaborer un plan d’actions pour sa restauration. Ce 1er juin 2023, dans le cadre d’une réunion publique, il a livré aux riverains un compte-rendu préoccupant.
Nassera Benmarnia, adjointe au maire de Marseille en charge des espaces verts et du retour de la nature en ville, partage ce sentiment d’urgence. « On a pris la décision d’agir au bon moment », nous confie l’élue qui a entrepris depuis 2021 un projet de réhabilitation pour rendre au parc Longchamp son statut « remarquable ». Elle reconnaît « un état de dégradation très avancé » qui n’est pas lié selon elle « uniquement au réchauffement climatique mais à une gestion qui est partie dans tous les sens ».
« Imaginez, si on perd l’eau, la terre et les arbres »
Parmi les points noirs du diagnostic, la perte de la couverture végétale semble la plus inquiétante. Photos anciennes et actuelles à l’appui, le paysagiste Julien Laborde, missionné sur le projet, pointe la réduction de la surface boisée. Environ 15% en un siècle. L’eau aussi a reculé, avec la disparition notamment des lacs sur la partie basse du parc.
« On a un problème avec le sol qui se tasse, l’eau qui ne s’infiltre plus et qui ruisselle », ajoute l’expert qui rappelle que les allées autrefois en terre ont toutes été goudronnées. « Si on perd l’eau, la terre et les arbres, imaginez les conséquences thermiques ! ».
Pour réduire le stress hydrique des végétaux, une solution est évoquée. Les immenses citernes d’eau, situées sous le plateau Longchamp, accueillaient jusqu’en 1969 les eaux de la Durance. Elles pourraient être de nouveau utilisées pour irriguer le parc.
Alors que les périodes de sécheresse s’intensifient, la gestion de l’eau est devenue une problématique centrale pour la mairie. « Mais avec la technologie, on avance vite, assure Nassera Benmarnia. On va plus vite sur la détection des fuites ».
La chapelle du parc Longchamp en sursis
Corrado de Giuli Morghen rappelle qu’au niveau du parc, « nous sommes sur un patrimoine historique protégé au même titre que le palais Longchamp ». Pourtant, il n’hésite pas à parler de « musée des horreurs » quand il décrit le style très « hétérogène » des bancs et des fontaines qui ornent les jardins.
Il souligne aussi l’état dégradé des treize points d’entrée. Certains accès sont aujourd’hui fermés au public, générant quelques frustrations parmi l’auditoire qui s’exprime au micro. Leur réouverture pourrait être étudiée dans la cadre du plan de gestion. L’accueil des personnes à mobilité réduite interpelle également l’architecte qui, caustique, souligne que « pour passer du jardin zoologique au plateau, il faut un tour de force ».
À la fin de la réunion, le sort de la chapelle abandonnée du parc est évoquée par une habitante du quartier. C’est Perrine Prigent qui lui répond. La conseillère municipale déléguée à la valorisation du patrimoine indique que « les études sont en cours pour déterminer si le bâtiment va pouvoir être restauré ou s’il devra être détruit ». En cas de rénovation, la Ville planchera sur la manière dont elle souhaite le valoriser et l’occuper.
Un projet à plus de 10 millions d’euros
Si l’état des lieux, végétal et patrimonial, du parc paraît sombre, Corrado de Giuli Morghen tient à souligner, sur une note plus positive, qu’il n’a pas relevé d’importants conflits d’usage dans le cadre des entretiens réalisés avec les citoyens. Il évoque même un état d’esprit plutôt « bon enfant ».
La Ville de Marseille annonce d’ores et déjà une date, « le 12 juillet prochain », pour la tenue de nouveaux ateliers de réflexion avec les habitants et dévoile un premier calendrier de travaux. La renaturation des espaces verts et « la reprise en main de l’irrigation » pourraient intervenir d’ici le printemps 2024. Viendront ensuite vers 2025 les travaux de restauration du patrimoine, plus conséquents et donc soumis à une maîtrise d’œuvre extérieure, ainsi qu’un travail sur les concessions, « pour les buvettes ou le manège par exemple ».
L’état des lieux présenté ce 1er juin laisse en tout cas entrevoir un chantier de restauration qui pourrait se révéler coûteux pour la mairie. « Il s’agit sans doute d’un projet à plus de 10 millions d’euros mais on ira chercher des cofinancements, garantit Nassera Benmarnia. On le fera par étapes. Les budgets, on les aura ». Un petit effort budgétaire pour sauver un grand site historique de Marseille.