Un nouveau drone est expérimenté à Marseille pour mesurer les émissions des navires en analysant directement le panache des fumées.
Depuis la semaine dernière, on peut observer un petit objet volant non identifié se balader dans les panaches de fumée des navires qui entrent dans le Grand port maritime de Marseille-Fos. Ce drone « renifleur » est expérimenté pour analyser en temps réel les émissions des bateaux. « Ces premiers tests sont assez prometteurs », indique Stéphan Rousseau, adjoint à la Direction interrégionale de la mer Méditerranée (Dirm Med), en charge de la sécurité maritime.
Cette instance, rattachée au ministère de la Mer, contrôle la conformité des émissions des navires. Jusqu’à présent, elle mène les inspections à bord et se concentre sur les documents techniques de l’embarcation. Elle prélève parfois du carburant pour analyser sa composition, et effectue « des vérifications visuelles, pour voir par exemple si le scrubber (appareil pour réduire les polluants) est bien fonctionnel ».
« Un contrôle dure environ trois heures », poursuit Stéphan Rousseau, « nous en avons réalisé 232 l’année dernière (voir encadré) ». Mais avec ce nouveau drone, en plus de contrôler directement les rejets des cheminées, « on pourrait traiter entre 5 et 10 navires en quatre heures environ ».
Détecter le taux de soufre du carburant
L’appareil peut effectuer « quatre vols par jour d’environ une heure », en parcourant « jusqu’à une dizaine de kilomètres », décrit le directeur adjoint de la Dirm Med. Il pèse de 13 à 15 kilos selon le matériel embarqué, notamment les capteurs.
Ils permettent d’analyser directement le panache de fumée des navires. Plus précisément, « le ration entre oxydes de soufre et CO2 ». Cela permet de déduire la teneur en souffre dans le carburant. Elle est aujourd’hui limitée à 0,5 %, en navigation, partout dans le monde. Dans le port d’un État membre, l’Union européenne fixe cette limite à 0,1 %.
Ce nouvel outil « n’est pas suffisant d’un point de vue légal et judiciaire » pour caractériser une infraction, précise Stéphan Rousseau. « Il permet de donner l’alerte et déclencher un contrôle rapidement pour effectuer un prélèvement. Mais aussi d’anticiper avec les services judiciaires. Par exemple, pour vite envoyer un OPJ afin d’auditionner le commandant ».
Le drone permet ainsi de mieux cibler les pollueurs et d’optimiser le temps nécessaire à relever une infraction. « Aujourd’hui, nous avons effectué cinq contrôles. Tous étaient conformes », précise-t-il.
Deux infractions relevées en 2022 :
En 2018, les contrôles de la Dirm Med sur la teneur en soufre des navires ont permis de relever cinq infractions selon Stéphan Rousseau. En 2019, une seule. Puis, aucune en 2020 ni 2021, malgré les 232 contrôles réalisés cette année-là.
Toutefois, depuis le début de l’année 2022, deux infractions ont été relevées. Le secrétariat d’État chargé de la Mer rappelle que les amendes peuvent atteindre 200 000 euros et un an d’emprisonnement pour le capitaine.
Des données pour mesurer les émissions du port
Cette expérimentation de trois mois est pilotée et financée par l’Agence européenne pour la sécurité maritime (EMSA). Cette institution est née en 2002 à la suite des naufrages pétroliers de l’Erika en 1999 et du Prestige en 2002 et les paquets de résolutions visant à renforcer la prévention des accidents et des pollutions maritimes.
Dans ce sens, l’EMSA développe des outils, comme les drones « renifleurs ». Un premier est déjà à l’œuvre en France depuis 2020 dans le détroit du Pas-de-Calais.
Et désormais à Marseille, qui connaît des problématiques de qualité de l’air. Ces derniers mois, les débats se sont ravivés sur le rôle du secteur maritime dans la pollution atmosphérique. Comme nous vous l’annoncions, l’agence locale spécialisée sur ces questions, Atmosud, débute un travail d’analyse plus poussé sur le sujet, et pourrait bénéficier des données scientifiques produites par le nouveau « renifleur » volant.