Le Théâtre Bompard a été l’un des tout premiers cinémas de Marseille. Son ancienne salle de spectacle sommeille derrière les murs de la Maison Pour Tous tandis que ses nouveaux occupants s’activent pour lui offrir une nouvelle vie. Reportage.
Quand les habitants de Bompard pénètrent aujourd’hui dans la Maison Pour Tous de leur quartier, rien ne laisse deviner le passé de cinéma de l’établissement, hormis le style art-déco de la façade qui tranche avec l’architecture provençale des immeubles voisins. Pourtant, derrière les bureaux de La Ligue de l’Enseignement, qui a repris la structure, se cache une salle de projection, le Théâtre Bompard, qui a fait le bonheur des riverains pendant plusieurs décennies.
C’est en 1923 qu’est né le Cinéma Bompard, un des tout premiers de la cité phocéenne. L’ambiance est alors familiale et des fêtes et des concerts y sont organisés au profit des enfants et des nécessiteux. « Avec la participation de Fernandel et d’Yves Montand » écrivent des habitants nostalgiques sur un blog dédié au quartier. Quelques lignes plus bas, ils relatent la déception des enfants quand, en 1971, ils sont témoins de la fermeture de l’établissement : « En venant à l’école, j’ai vu la pelle qui cassait le cinéma. On enlevait les sièges et on les mettait sur un gros camion ».
Transformé en Maison pour Tous en 1979, le bâtiment trouve alors une nouvelle vocation et fait office de théâtre à partir de 1980. Ses portes se refermeront 20 ans plus tard, au cours de la saison 1999/2000, pour non-conformité aux normes de sécurité. Et le comité de soutien à sa réouverture, l’Association Théâtre Bompard, échouera à obtenir gain de cause.
Un théâtre populaire qui accueillait du « beau monde »
La Maison Pour Tous Saint-Lambert – Bompard est aujourd’hui un équipement social, propriété de la Ville de Marseille. Mise à disposition de la Ligue de l’Enseignement des Bouches-du-Rhône dans le cadre d’un contrat de délégation de service public, elle est pour les familles un lieu d’information et pour les associations un lieu d’accueil.
Philippe Somson, le gestionnaire des lieux, nous ouvre les portes du bâtiment et, après un rapide tour des bureaux, nous emmène découvrir la partie interdite au public. À quelques pas seulement de l’entrée principale, l’ancienne salle de spectacle apparaît, vétuste. Elle semble figée dans le temps.
« C’était un théâtre populaire, explique le directeur, avec une jauge d’une centaine de places. L’existence de cette salle permettait à la Maison Pour Tous d’avoir une vraie programmation culturelle. Des gens comme Raymond Devos sont passés par ici. Du beau monde ».
Un projet de réhabilitation pour une nouvelle vie
La visite se poursuit en-contrebas de la salle de spectacle. Les espaces sont très grands et les murs tagués, donnant au bâtiment des airs de Friche la Belle de Mai. « Ça, c’est un endroit qui peut servir pour des entraînements, avec la possibilité d’avoir des salles de travail, des loges, des vestiaires. Avec cette hauteur sous plafond, on pourrait même créer deux étages ».
Un lieu comme celui-ci qui sommeille à quelques enjambées du centre-ville, ça donne forcément des idées. Et si Philippe Somson a accepté de s’investir au sein de cette Maison Pour Tous, c’est avant tout porté par l’envie de défendre ce projet de réhabilitation. « Je souhaite que l’on travaille ici avec la nouvelle majorité municipale sur un site multiculturel. On a déjà déposé un projet auprès de la Ville », explique-t-il.
Il imagine un lieu où se mêleraient cinéma, théâtre, musique, danse, spectacle vivant, lectures, expositions et street-art. Une « grande résidence d’auteurs ». Mais il ajoute, réaliste, que « ça va supposer un investissement très lourd. Il y a 2 à 3 millions d’euros de travaux à effectuer avec la remise aux normes de la salle de cinéma, l’installation d’un ascenseur pour les personnes à mobilité réduite ainsi que l’isolation phonique et thermique à réaliser ».
Une première salle de danse rénovée
La réflexion est donc engagée avec la Ville. Une rencontre a eu lieu avec Sophie Camard, la maire de secteur. « Elle souhaite faire un diagnostic des locaux qui existent déjà dans le quartier avant de recréer quelque chose. Nous, on a déjà fait ce travail et on sait qu’il y a une nécessité de développer un lieu ici pour accueillir les troupes de théâtre et les gens qui exposent de façon sauvage dans leur garage. En tout cas, on ne veut pas de locaux qui soient disséminés car ce sont des charges plus importantes pour nous et c’est plus compliqué ». Le directeur de l’établissement souligne qu’il reçoit beaucoup de sollicitations mais qu’il a du mal à toutes les honorer.
Notre déambulation se poursuit et nous arrivons dans une grande salle de danse rénovée. « Cette pièce est la seule qui a été refaite pour l’instant ». Elle lui permet déjà d’accueillir quelques associations. « Il y a la Croix Rouge qui va venir travailler ici avec de jeunes migrants pour venir expurger leur mal-être. Mais on n’a que cette salle, avec une cuisine, des vestiaires et des toilettes. Nos locaux sont trop exigus ».
Un projet de ciné-club en attendant la salle de cinéma
Les énergies à valoriser dans le quartier sont nombreuses et les idées s’amoncellent. « On souhaite monter un projet intergénérationnel, travailler avec les seniors, les jeunes, les enfants, avec le collège et le lycée. On est déjà sur des projets européens, internationaux, avec des échanges avec le Maroc, la Tunisie, la Roumanie et l’Allemagne par exemple ».
Et il dévoile une idée qui lui tient particulièrement à coeur : développer un ciné-club pour les personnes du troisième âge. Pour cela, il collabore avec l’association Dodeskaden, « des fous du cinéma, des gens géniaux, qui ont récupéré 10 000 bobines de films à Lyon et ils ont stocké tout ça à Marseille, avec trois ou quatre camions ».
Il souhaite travailler avec eux sans attendre la rénovation de la salle de cinéma et espère lancer le projet en septembre. Une autre envie lui trotte dans la tête : réaliser un documentaire sur l’histoire du quartier Bompard.
« La Ville va pouvoir se prévaloir d’avoir développé un projet phare »
Toutes ces envies ont un coût. Il espère que la Ville de Marseille, qui « n’a pas d’argent mais qui a l’air favorable au projet », acceptera de chercher des fonds pour la rénovation du bâti. Quant aux investissements matériels, il pense faire appel à du mécénat privé en sollicitant des fondations. Il est enclin à faire preuve de patience s’il le faut : « On peut travailler par tranches de travaux. Faire d’abord la salle de spectacle, puis les dépendances ».
Il n’oublie pas qu’un projet de réhabilitation avait déjà été monté à l’époque où Jean-Claude Gaudin était maire de Marseille mais qu’il n’avait pas abouti. Une rencontre avec Jean-Marc Coppola, adjoint au maire en charge de la culture, est en tout cas programmée.
Il espère le convaincre : « La Ville va pouvoir se prévaloir d’avoir développé un projet phare dans le quartier. Ça peut être quelque chose de fabuleux pour développer l’éducation populaire et l’accès à la culture pour tous ». Des mots qui pourraient trouver un écho auprès de la nouvelle majorité municipale.