Adossé à la deuxième ville de France, le Parc national des Calanques est devenu malgré lui un territoire d’expérimentation pour la cohabitation entre vie sauvage et vie urbaine. Un enjeu désormais central à l’échelle de la planète, alors que l’humanité est devenue une espèce citadine.

Sur les 11 parcs nationaux de France, celui des Calanques est le seul situé en territoire urbain. Collé à Marseille et ses 870 000 habitants, il est entièrement circonscrit dans la métropole Aix-Marseille-Provence.

À quelques kilomètres du centre de la deuxième ville de France, ses reliefs saisissants, son eau turquoise et ses nombreuses plages attirent aujourd’hui trois millions de visiteurs annuels. Il se place en tête des parcs nationaux français les plus visités, en course avec son homologue des Cévennes. Mais ce dernier est 10 fois plus grand, avec

938 km2, quand le périmètre terrestre protégé des Calanques ne dépasse pas 85 km2. Tout le monde s’accorde sur un point, le Parc national des Calanques est surfréquenté. Lors des pics record de l’été 2020, certaines petites plages en fond de calanques ont accueilli entre 3 000 et 4 000 visiteurs journaliers, et supporté jusqu’à 2,3 estivants par m2.

Parc naturel ou parc balnéaire ?

Cette surfréquentation entraîne inévitablement une pression sur le milieu naturel. Sans oublier qu’ici, « on vient beaucoup pour les activités balnéaires, rappelle Didier Réault, président du site protégé. Nous constatons beaucoup de comportements touristiques ou urbains, quand les autres parcs attirent plutôt les randonneurs et les passionnés de nature ». Une balade estivale dans la calanque de Sugiton permet de le constater : déchets jetés au sol, cigarettes allumées malgré l’interdiction et les risques d’incendies, musique à fond sur des enceintes portables… « Nous sommes le site protégé qui dresse le plus de procès verbaux, et de loin ! », lance François Bland, le directeur du Parc national des Calanques. Au-delà des nombreuses mesures restrictives pour contenir la foule, il préfère concentrer l’énergie de ses agents sur la sensibilisation, « pour toucher le public éloigné des enjeux naturels ».

Pour lui, un espace naturel protégé doit marquer « une rupture avec la ville ». Mais le parc qu’il dirige est « d’une grande porosité avec l’environnement urbain alentour ». Et il ne s’agit pas uniquement de population. La ville « exerce des pressions multiples sur le parc : foncière, industrielle, les rejets des eaux usées, la pollution lumineuse…

La rupture ville-nature n’est pas possible ici », admet-il. Face à ce constat, point de défaitisme, mais un renversement de paradigme : si on ne peut empêcher la ville de déborder sur le parc, le parc doit déborder sur la ville. « C’est déjà ce que nous faisons, explique le directeur. Notre statut nous permet de nous immiscer dans les enjeux urbains. Nous interagissons avec l’écosystème du territoire à tous les niveaux : politiques, économiques, culturels… Le parc est un moteur de la transition écologique à l’échelle métropolitaine ».

Inverser la relation ville-nature

Il en donne quelques exemples : « nous avons été un acteur majeur pour mettre fin à 50 ans de rejets des boues rouges de l’usine Alteo dans les Calanques, pourtant située à

30 kilomètres d’ici. Nous imposons des modifications techniques et un suivi strict du projet d’éolien flottant au large de Port-Saint-Louis-du-Rhône ». Certains objectifs du Parc national, comme le recul de la voiture individuelle, rejaillissent aussi sur la cité voisine. La Ville de Marseille a fait déployer 1 000 vélos électriques en libre-service sur la commune pour accompagner le parc dans sa démarche. De quoi convaincre François Bland que « nous sommes un véritable levier pour accélérer la transition du territoire vers la mobilité douce ou les transports collectifs ».

Dans le même temps, le site protégé est un outil d’éducation à la préservation de la nature pour les citadins. « La rupture avec la ville, au final, on la gagne dans l’émotion et le ressenti du visiteur, estime le directeur du Parc. On lui permet d’intégrer la vulnérabilité de la biodiversité. Sur le long terme, on agit sur les comportements urbains ».

Ce qui n’est pas anodin quand on sait que depuis 2008, l’humanité est devenue une espèce majoritairement citadine. Aujourd’hui, 55 % de la population mondiale vit en ville. En 2050, nous devrions frôler les 70 %, « principalement concentrés sur les littoraux », ajoute François Bland. C’est pour cela que « le Parc national est un lieu d’expérimentation de la ville du futur. La protection de la biodiversité urbaine et péri-urbaine est primordiale pour l’avenir de la planète. Nous devons donc être un territoire de solutions, de référence, pour la cohabitation homme-nature ».  


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