Après Jean-Laurent Félizia et Renaud Muselier, Thierry Mariani revient sur sa candidature à la présidence de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur et les priorités de son projet pour les élections régionales des 20 et 27 juin.
Ce mercredi, Thierry Mariani est « off ». « Il se prépare pour le débat de ce soir », confie son entourage ; même si pour le candidat du Rassemblement national, le « vrai débat » intervient « au second tour lorsqu’il ne reste que deux ou trois candidats ». Depuis le début de la campagne, Thierry Mariani (RN), et Renaud Muselier (LR), président sortant, deux anciens du RPR et de l’UMP, se donnent coup pour coup.
À 11 jours du premier tour, le dernier sondage Ipsos Sopra Stéria pour France Info, France Bleu et France 3 confirme la tendance. Une victoire en cas de triangulaire ou en duel face à Renaud Muselier. Si dans cette configuration son avantage n’est toutefois que d’un point, en cas de maintien de la liste du Rassemblement écologique et social, le candidat de Marine Le Pen l’emporterait de 7 points.
Aux portes de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’eurodéputé joue la prudence et veut garder la tête froide.
Qu’est-ce qui motive votre candidature à la présidence de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur ?
D’abord parce que je suis de cette région. Nul n’est parfait, je ne suis pas de Marseille. Je suis né dans le Vaucluse, j’ai grandi à Aix-en-Provence et Avignon où j’ai fait mes études. J’ai été maire, conseiller général, 20 ans député du Vaucluse, donc c’est une région que je connais bien. À mon avis, il y a un certain nombre de choses à faire et je ne pense pas que ce conseil régional soit géré de la meilleure des manières, que les orientations qui ont été choisies soient les meilleures. C’est pour ça que j’ai décidé de me présenter.
À moins de deux semaines du scrutin, toutes les enquêtes d’opinion vous donnent en tête des intentions de vote, au premier et au second tour. Vous considérez-vous comme le grand favori de cette élection ?
Surtout pas. J’estime que je suis l’homme à abattre. Une élection, ça se joue jusqu’au 27 juin 20 heures. Simplement aujourd’hui, les sondages donnent quelques espoirs parce que nous avons une bonne liste et que le sortant Renaud Muselier a une stratégie de compromission avec En marche qui déroute les électeurs sincères de droite. Ces sondages me donnent le privilège de me transformer en punching-ball jusqu’au 27 juin.
Pensez-vous que les électeurs de la région s’intéressent vraiment à cette élection ?
Aujourd’hui, les gens ont compris qu’il y avait une élection à faire même s’il faut faire beaucoup de pédagogie pour expliquer à quoi sert un département, une région… Ça ne simplifie pas la perception de cette élection. En même temps, nous sommes très bien servis par les médias nationaux qui font que ce qui doit être une élection régionale se transforme en élection la plus suivie de France et en laboratoire politique puisque c’est une première où Les Républicains et la République en marche font des listes ensemble.
Renaud Muselier se défend d’être ce laboratoire dont vous parlez…
Quand Les Républicains, qui se décrivent comme le principal parti d’opposition, font une liste commune avec les amis de Macron, c’est contre-nature et je pense que ça trouble beaucoup les électeurs.
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Vous ne faites pas seulement la « Une » en raison des sondages, mais aussi après les révélations sur votre domiciliation et les engagements de jeunesse de Philippe Vardon, ancienne figure de l’extrême droite radicale. Payez-vous vos impôts dans le Vaucluse ?
Soyons clairs. Jusqu’en 2017, j’ai habité Valréas, personne ne peut me le contester, j’en ai été maire, j’avais une maison. En 2017, j’ai été battu aux législatives, j’ai vendu la maison. Je paye mes impôts depuis deux ans à Avignon. Monsieur Muselier sait très bien que ma domiciliation est en règle. Tout ça, c’est une opération de diversion.
Vous avez qualifié le militantisme de Philippe Vardon au sein de l’ultra-droite de « sympathique ». Assumez-vous que ces propos ont choqué une partie de l’opinion publique ?
Il avait 15 ans, aujourd’hui il en a 40. Il a dit qu’il regrettait. Il était sur une tribune où il y avait des chants inadmissibles. 25 ans ont passé. On lui ressort périodiquement cette séquence, c’est assez extraordinaire car il n’y a pas de droit à l’oubli quand on est à droite…
Pas sur ce genre d’engagement, vous ne pensez pas ? C’est « sympathique » ?
J’ai dit le « personnage aujourd’hui est sympathique » l’adolescent de 15 ans, lui, a commis une erreur.
Dans votre programme, vous voulez que le territoire Provence-Alpes-Côte d’Azur devienne une « région-bouclier », qu’est-ce que vous entendez par là ?
On propose quatre choses en lien avec les compétences de la Région. Aujourd’hui, la police ferroviaire dépasse à peine 100 personnes, nous voulons la porter à 500 à la fin du mandat, car au prorata de la population, ça nous mettrait au même niveau que l’Île-de-France. Nous recruterons 60 agents chaque année à partir de 2022. Coût de l’opération : 3,5 millions d’euros. Je persiste à dire qu’il y a eu une hausse de +72% des actes d’incivilités dans les trains et les gares entre 2016 et 2019 selon les chiffres du Figaro et de la SNCF.
Ensuite, ce qu’on veut dans les lycées, ce sont de vrais agents de sécurité quand il y a des problèmes de violence. On veut une véritable aide aux communes quand elles investissent dans la sécurité. C’est-à-dire qu’à chaque fois qu’une commune mettra un euro on rajoutera un euro en investissement.
Christian Estrosi dénonce le fait que vous souhaitez consacrer 1,2 milliard par an pour la police dans les communes. C’est déjà ce que consacrent les communes pour leur police, sans compter que le budget total de la région est de 2 milliards…
On n’a jamais dit qu’on allait payer les policiers municipaux. C’est en investissement. On consacrera chaque année une enveloppe de 20 millions d’euros pour de l’équipement, de la vidéosurveillance. On veut aussi créer un certain nombre de logements refuges pour femmes pour protéger celles qui sont victimes de violences.
Dans votre plan de relance baptisé « vaillants », vous évoquez les emplois de demain. Quels sont-ils pour vous ?
Il y a un certain nombre d’emplois dans cette région qui ne sont pas pourvus. Aujourd’hui, il y a des professions entières qui cherchent du personnel qualifié. Je sors d’un rendez-vous avec les professionnels de la restauration qui ont besoin de personnel formé alors qu’à l’heure actuelle il y a une véritable pénurie.
Ça s’explique aussi par la crise sanitaire, avec la fermeture des hôtels-restaurants et des réorientations vers d’autres professions, non ?
Il faut des formations professionnelles dirigées vers les métiers en tension en lien avec les organisations professionnelles de ces métiers. Dans notre projet, par exemple, nous envisageons la création d’un lycée de la mer, logiquement dans le Var, parce que nous sommes dans une région maritime et ça fait partie des métiers de demain. C’est paradoxal que pour certains métiers de la pêche, il faille aller se former en Occitanie, et les métiers de la plaisance, sport nautique, réparation de matériel… avec des manques de personnel.
Votre programme comporte-t-il un volet écologique ? Quel en est l’axe principal ?
Sur le solaire, notre région n’est que la 3e de France devancée par l’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine. On veut faire de cette filière une priorité du territoire, tout en disant que nous sommes contre les projets d’éoliens terrestres. On est une région où l’hydrogène peut devenir l’énergie du futur, la plus prometteuse qui permet en plus à la France, qui a une avance sur le nucléaire, de la conserver. En s’appuyant sur ce parc, on peut avoir une vraie production d’hydrogène propre.
Si les deux sont décarbonées, vous prônez l’hydrogène propre plutôt que l’hydrogène vert ?
Au Parlement européen il y a un débat, et la définition entre l’hydrogène vert et l’hydrogène propre c’est que l’un exclut le nucléaire. Et nous avons un parc nucléaire qui est une chance pour la France.
Quelles sont vos relations avec le monde de la culture ? Allez-vous supprimer des subventions à certains types de spectacles ?
J’ai été pendant plus de 20 ans président des Chorégies d’Orange.
Que la droite vous accuse d’avoir mis en faillite. Les Chorégies d’Orange se félicitent d’avoir été sauvées par la Région l’année dernière…
Quand la Région l’a récupéré, ça faisait déjà plus de trois ans que je n’étais plus président. Ce n’était pas non plus le même type de festival, nous étions dans de la création. Chaque année, on montait deux opéras. Désormais, c’est un spectacle de tournée. Et c’est un festival qui avait 85% de taux d’autofinancement. J’ai présidé pendant deux fois 3 ans l’Orchestre Avignon-Provence.
J’ai créé un festival de rue dans ma commune. Les festivals de ce type sont rarement à droite, mais plutôt au-delà de la gauche… Dire que la culture va être menacée, c’est grotesque. Nous, on sanctuarisera les subventions. Donc en clair, il n’y aura pas moins d’argent qu’aujourd’hui. Ce qui se passe à Fréjus ou Perpignan montre que la culture n’a pas été en danger. Le Front national de 1995 n’a rien à voir avec le Rassemblement national d’aujourd’hui.
En cas de victoire du RN, Olivier Py, président du Festival d’Avignon, a annoncé qu’il proposera à son conseil d’administration de refuser les subventions.
C’est quand même assez extraordinaire. Je ne vois pas où est le problème, il est purement artificiel. J’ai fait un tweet de réponse à monsieur Py dans lequel je lui dis que c’est une étrange conception de la démocratie. L’argent est celui du contribuable et pas celui du parti qui dirige.
Vous pourriez être le premier homme à diriger une région au nom du Rassemblement national. Vous pourriez tendre la main à d’autres partis ? Lesquels ?
Si je dirige cette région, je le ferais au nom de l’intérêt régional, avec des gens issus du Rassemblement national, de la droite populaire, des anciens LR qui n’acceptent pas les orientations actuelles.
D’ailleurs sur nos six listes, nous avons beaucoup de socio-professionnels, avec trois listes menées par des non-Rassemblement national. Tous ceux qui voudront travailler avec nous seront les bienvenus, tous les gens de bonne volonté qui se situent plutôt à droite et prêts à partager notre projet.
Un mot sur le front républicain qui se pose comme rempart au Rassemblement national ?
Les électeurs ont compris que ça voulait simplement dire « protégeons les sortants ». Le front républicain, c’est le Titanic quand plus rien ne va pour les élus qui sont en place. Je pense que c’est une probabilité d’avoir le même scénario qu’en 2015.
Un mot pour terminer. Depuis que vous avez quitté l’UMP, vous retrouvez-vous pleinement dans les valeurs du Rassemblement national de Marine Le Pen ?
Je suis en accord avec les grandes orientations qu’elle propose, même quand j’étais chez Les Républicains, on n’est jamais d’accord à 100%. Sur la situation de la France, l’état de la justice, l’immigration, je partage ses orientations. Mais honnêtement, il y a des points de son programme économique avec lesquels je suis en désaccord.
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