Le Maire de Marseille, Benoît Payan, a officiellement annoncé que la Ville de Marseille se porte acquéreur de l’ancien Mc Do Saint-Marthe, rebaptisé « l’Après M » depuis quelques mois par les bénévoles qui portent un projet de fast-food social et solidaire. Un rapport dans ce sens sera présenté en conseil municipal le 9 juillet.
« J’ai eu au téléphone, avant-hier, le président de Mc Donald France pour lui indiquer la décision de la Ville d’acheter le Mc Donalds de Sainte-Marthe ». Voici ce qu’a annoncé le Maire de Marseille, sur le parvis de l’Après M, ce mercredi 2 juin. La nouvelle a été accueillie par de nombreux applaudissements et des tintements de clés.
C’est une belle victoire pour les bénévoles et les porteurs de projet qui, depuis de longs mois maintenant, se battent pour faire perdurer un lieu solidaire, symbole de la convergence de tant de luttes mais aussi de grandes espérances, dans les quartiers Nord de Marseille.
Cette histoire, nous vous la racontons depuis son origine. C’est celle de femmes et d’hommes qui se sont mobilisés durant la crise sanitaire pour venir en aide aux familles les plus précaires. Comment ? En transformant l’ancien Mc Do situé à Sainte-Marthe, fermé administrativement, en plateforme logistique pour la distribution alimentaire. Au fil du temps, le projet de faire de cet établissement un fast-food solidaire et inclusif baptisé « l’Après M » a germé. Symboliquement, sur le toit du bâtiment repeint, s’affiche la nouvelle appellation.
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« Vous avez porté haut les valeurs de cette ville »
Tout a été mis en œuvre pour y parvenir et convaincre Mc Do France de vendre le site, occupé de manière illégale. La création de l’association de préconfiguration « Après », puis de la Société coopérative d’intérêt commun (Scic) et, dernière opération en date, le lancement d’une Société citoyenne immobilière (SCI) sous le nom de « la part du peuple ». Une action proposant à 50 000 personnes d’adhérer pour 25 euros à la société citoyenne immobilière afin de racheter collectivement le terrain, les murs, l’équiper et assurer le début de l’activité, avec entre autres 37 salariés.
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Seulement, Mc Do France s’est toujours refusé à vendre aux porteurs de projet, parmi lesquels d’anciens salariés qui avaient participé au mouvement social lors de la fermeture du fast-food. Pour tenter de trouver des solutions, la Ville est ainsi entrée dans les négociations. Laurent Lhardit, adjoint en charge de l’économie et l’économie solidaire, assurait depuis plusieurs semaines la médiation entre l’enseigne américaine et les créateurs de l’Après M. L’élu nous confiait d’ailleurs récemment « qu’une bonne nouvelle interviendrait prochainement ».
C’est chose faite. Ce matin, après une grosse demi-heure de discussions sur place, puis une visite du lieu, le Maire de Marseille a déclaré sa reconnaissance envers l’Après M : « reconnaissance de ce que vous êtes, de ce que vous faites et de ce que vous ferez. C’est parce que vous avez été là dans ce quartier, que vous avez été solidaires, que vous avez résisté, que des femmes et des hommes ont conservé leur dignité. Vous avez porté haut les valeurs de cette ville, la force, la solidarité, la bienveillance, l’amour… Vous avez montré qu’avec du courage, de la détermination, de l’envie et quand on ne lâche rien, alors au bout il y a la victoire ». Avant d’annoncer que la Ville se portait officiellement acquéreur du Mc Do.
L’idée de la Ville « est de rester propriétaire »
Avec ce rachat du Mc Do, la Ville de Marseille s’engage ainsi à « mettre en place la possibilité de créer ici un grand et beau projet pour le quartier. Un projet qui va créer de l’emploi, de la solidarité, montrer qu’un projet économique et social peut être pérenne dans ces quartiers quand les habitants prennent en main leur destin, continue Benoît Payan, qui souhaite écrire la suite ensemble pour donner un avenir à ce lieu ».
Fathi Bouaroua président de l’Après M se félicite de l’avancé de la situation. « Le maire était venu nous voir il y a quelques semaines pour nous indiquer qu’il soutenait notre démarche, et son intention de proposer ce rachat, il a tenu parole » nous confie-t-il. Nous pensons que c’est le rôle de toute collectivité publique d’accompagner le peuple, d’où le nom de la SCI d’ailleurs « la part du peuple » qui est en réalité une association de mobilisation des populations », poursuit l’ancien directeur régional de la Fondation Abbé-Pierre.
Le rachat du bien est évalué à 650 000 euros, soit le prix des domaines. L’idée de la Ville « est de rester propriétaire », précise le maire. « Notre rôle n’est pas de faire des transactions immobilières, c’est de sécuriser le projet juridiquement. Protéger un projet de vie, professionnel, de création d’entreprise solidaire. C’est la puissance publique qui devient propriétaire, c’est toute la force de la deuxième ville de France qui s’installe ici », dit-il.
L’édile n’est, en revanche, pas entré dans les détails sur la manière dont la Ville pourrait racheter le Mc Do, alors que la municipalité n’a jamais caché ses difficultés financières.
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Quels moyens pour racheter le Mc Do ?
D’ores et déjà, l’Après M propose des solutions par le biais de la SCI « qui reste toujours d’actualité, assure Fathi Bouaroua. On maintient toujours l’idée à minima de collecter 650 000 euros. Nous souhaitons, si ce n’est acquérir le foncier, acheter la propriété d’usage, pour ne vivre aucun aléa lié aux changements politiques. Avoir un bail emphytéotique, à minimum de 18 ans, mais nous préférerions 25 ans. Pour nous, ce serait comme un acte de propriété provisoire qui vient consolider le projet sur un quart de siècle. Il y a des formes juridiques qui permettent d’éviter à la Ville d’avoir un coût financier à supporter par la collectivité. C’est pourquoi la SCI est toujours à l’ordre du jour. Nous proposons à la Ville de payer d’avance la redevance pour les 25 ans à venir, qui s’élève à peu près à 600 000 euros ».
Pour l’heure, un peu plus de 4 000 personnes ont pris leur « part du peuple », soit 100 000 euros de fonds collectés. « Nous n’avons pas les moyens de communication d’un grand groupe, tout ce que nous faisons est bénévole », poursuit le président qui reste confiant. Les prochaines semaines permettront de déterminer comment cette procédure de rachat peut se concrétiser, juridiquement et financièrement.
Le 9 juillet, à l’occasion du conseil municipal, un rapport sera présenté aux élus indiquant que le Ville souhaite se porter acquéreur de l’établissement « pour en faire un lieu où les habitants, les citoyens prennent en main leur destin, pour prouver qu’avec de la force, de la diversité, qu’avec nos différences on peut faire différemment ». Une fois le rachat confirmé, la municipalité devrait lancer un appel à manifestation d’intérêt.
Narjasse Kerboua et Illona Bellier