Dans les cartons depuis 2018, le projet d’ouverture d’une nouvelle Unité d’Hébergement d’Urgence (UHU), venant remplacer l’actuelle, suit son cours. Elle a pour vocation d’accueillir des sans-abri marseillais, sur l’ancienne friche de la rue Magallon, à Bougainville. Les travaux sont en cours pour une ouverture prévue à la fin de l’année 2023.
À 8h, les voitures commencent à s’entasser dans le parking RTM du métro Bougainville. Les Marseillais s’apprêtent à commencer leur journée de travail, tandis que, de l’autre côté de la rue Magallon, les ouvriers sont déjà affairés sur le chantier de rénovation d’une friche. C’est ici que prendra place dans quelques années l’Unité d’Hébergement d’Urgence (UHU) de Marseille, jusqu’à présent située à deux rues de là, chemin de la Madrague-Ville (15e). Celle-ci offre actuellement 329 places d’hébergement à des sans-abri.
En 2014, un incendie détériorait le bâtiment, déjà vétuste. Les réflexions autour de ce centre d’hébergement débutent alors du côté de la Mairie de Marseille, propriétaire des lieux. S’engagent les discussions avec l’État pour trouver une nouvelle localisation où abriter les résidents. Puis en 2017, une procédure de dialogue compétitif est lancée pour trouver un groupement capable de réaliser l’opération.
Un bail emphytéotique de 40 ans pour la maintenance du bâtiment
Désignée lauréate en mai 2018, la filiale du groupe Action Logement, 3F Résidences, est missionnée par la Ville de Marseille sur le site en friche du boulevard Magallon, là où se tient toujours le bâtiment de l’ancienne minoterie de quelque 6 275 m2 de surface au plancher. Via un bail emphytéotique administratif de 40 ans, la société a récupéré la jouissance des lieux, pour un montant de 14,423 millions d’euros HT.
Ce bail couvre la construction et la maintenance de la structure. « Nous participons sur ce projet avec l’agence d’architectes Séméio, qui a déjà réalisé des opérations d’hébergement d’urgence, pour Emmaüs notamment, nous explique Laurence Boucard, directrice déléguée de 3F Résidences. L’entreprise marseillaise de construction Bec fait elle aussi partie du projet. Nous avons couvert plusieurs travaux sur Marseille, mais nous ne sommes jamais exploitants direct. La vocation est de rester porteurs de l’opération, ici sur une durée de 40 ans, avec des obligations comme l’entretien des bâtiments ».
Car, si la minoterie, construite au XIXe sicèle, va être rénovée pour accueillir les équipes du Samu Social dans des bureaux sur 1 136 m2 de plancher, la construction neuve représente quant à elle 3 bâtiments sur 5 139 m2 de plancher qui hébergeront les sans-abri et les équipes d’assistance. 120 places seront dédiées à l’hébergement de sans-abri, 50 places en unité de moyen-séjour avec des chambres composées de salle d’eau, et enfin une unité de stabilisation de 24 logements en studios autonomes.
Ouverture repoussée à novembre 2023
Depuis le début du mois de mars 2021, le chantier est lancé, après plusieurs péripéties ayant perturbé leur lancement. Au départ prévue au printemps 2021, l’ouverture est finalement repoussée, avec deux ans de retard. Et pour cause, la présence de squatteurs dans la minoterie en décembre 2018 avait déclenché une procédure d’expulsion et de réhébergement de 9 mois. S’est ajoutée l’arrivée de la Covid-19, avant des travaux de fouilles archéologiques paralysant le lancement du chantier.
« Ça a été une succession de contre-temps, continue la directrice. 20 personnes travaillent aujourd’hui à Bougainville. On avait démoli au préalable les bâtiments qu’on ne voulait pas conservé à l’été 2020. Le chantier doit durer 20 mois, pour une fin prévue en novembre 2023. Actuellement, les ouvriers travaillent sur les fondations, on commence le rez-de-chaussée de la nouvelle partie « hébergement » ».
D’un centre vieillissant à des services sur-mesure
À dix minutes de là, Philippe Duret, directeur de l’UHU de la Madrague-Ville, nous reçoit au sein de la structure, installée en plein coeur du périmètre d’Euromed 2. Algécos servant de chambres où s’entassent les résidents, dégradation des parties communes, investissements matériels à répétition… Depuis des années, le centre nécessite des moyens colossaux de maintenance de la part des équipes du Groupe SOS qui attendent aujourd’hui impatiemment l’ouverture de la nouvelle unité d’hébergement. À la fin de l’année 2016, le Groupe SOS reprenait la gestion du site, dans la continuité des actions menées par le SAMU Social.
« Nous sommes le 8e gestionnaire de l’UHU, indique-t-il. Nous faisons face à des problèmes récurrents d’insalubrité et de maltraitante. On a investi en tout près de 400 000 euros pour la réhabilitation. On attend beaucoup de ce déménagement, mais les retards de chantier génèrent de l’angoisse pour l’ensemble de l’équipe. La nouvelle Mairie reste à l’oeuvre sur ce projet, on voit qu’il y a vraiment une écoute de leur part, dans la continuité de ce qu’avait réalisé l’ancienne équipe municipale, pour que l’on ait accès à ces nouveaux services ».
Car la prochaine UHU offrira en effet des conditions de vie et de travail aux antipodes de ce que connaît actuellement le Groupe SOS. Près de 200 places d’hébergement avec des chambres doubles, disposant d’une cage pour les animaux de compagnie, évitant de séparer les maîtres et leurs chiens ; Un espace sportif extérieur ; Deux réfectoires séparés pour les personnes médicalisées et les autres sans-abri.
Si la structure les accueille, elle a aussi pour vocation d’assurer un suivi médical grâce à l’intervention de plusieurs médecins, infirmiers, aide-soignant, assistante sociale et psychologue. « On travaille en coordination avec 3F Résidences, on leur dit ce dont on a besoin et ce qui serait vraiment utile pour l’accueil des SDF, car ce sont des cas quotidiens que nous traitons. Même si le nombre de résidents va baisser, cela ne voudra pas dire que nous allons nous séparer de nos salariés. Certains métiers vont disparaître, car ils ne seront plus utiles, d’autres vont émerger, cela va profondément faire évoluer nos pratiques », conçoit Philippe Duret.
Vers une nouvelle solution d’hébergement temporaire ?
En effet, de 330 places actuellement, le nouveau centre aura une capacité d’accueil réduite de plus de 100 places. Un changement qui, loin de déplaire au directeur, semble être de rigueur. « Avec l’arrivée de la Covid-19, on a dû réduire le nombre de personnes hébergées, explique-t-il. En temps habituel, c’est l’usine, il y a des problèmes en permanence. Dans une structure plus petite, on va pouvoir les accueillir dans des modes plus chaleureux, les équipes vont mieux les connaître, ils vont avoir accès à un service individualisé, c’est plus humain ».
Et en ce qui concerne le logement temporaire de personnes qui n’auraient pas accès au centre par manque de places, Philippe Duret imagine déjà remettre en place un système similaire à celui expérimenté pendant le premier confinement. « Pour compenser les 100 places que nous avons dû fermer, on a créé des collectifs autonomes grâce à la participation de la Friche la Belle de Mai, qui nous a mis à disposition deux villas servant habituellement de résidences d’artistes. 16 hommes ont vécu en autonomie jusqu’au mois d’août, nos équipes passaient pour les permanences médico-sociales ainsi que la Banque Alimentaire, mais ils se géraient au quotidien. À leur sortie, tous ont volé de leurs propres ailes, à l’étranger ou ont retrouvé du travail. Ça a été une expérience réussie ».
Ce pourquoi le directeur envisage de la réitérer, en imaginant un travail de co-construction auprès des services municipaux, associations et institutions locales. « C’est intéressant de voir que, si on fait confiance aux gens, avec un bon diagnostic de départ, on arrive à de beaux résultats. C’est une perspective à creuser à l’avenir pour héberger des sans-abri et apporter un autre regard sur ces personnes ». L’idée est lancée.