Installé dans les anciens locaux de l’entreprise Ricard, au coeur des quartiers Nord de Marseille, l’Épopée est un lieu unique en France. Révélateur de talents et accélérateur de rêves, il est dédié à l’innovation éducative et inclusive. Salle de spectacle vivant immersive, aire de jeu indoor ludo-éducative, restaurant expérimental, lieu d’hébergement, start-up à impact… Découverte.
L’enseigne trône encore dans le ciel marseillais, en lettres jaune clair. Dans le quartier de Sainte-Marthe à Marseille (14e), impossible de manquer le bâtiment historique Ricard, au 4, rue Berthelot. Dans quelque temps pourtant, le nom du créateur du pastis qui a vu le jour à cette adresse va disparaître de la façade, sans pour autant effacer son histoire. Bien au contraire.
L’Épopée s’inspire de la vie de l’entrepreneur humaniste marseillais. « On a donné la possibilité à des gens de rêver que ce lieu puisse perdurer dans l’état d’esprit de Paul Ricard, en préservant ses valeurs », confie Laurent Choukroun, co-fondateur de Synergie Family, à l’initiative de cette folle aventure. Et rêver, c’est bien le moteur de l’Épopée, un tiers-lieu dédié à l’innovation éducative et inclusive pas comme les autres. Le premier du genre en France.
Le site est pensé comme un véritable village qui s’étend sur 12 000 m2 incluant l’ancienne usine de fabrication du fameux breuvage, deux bâtiments principaux, un restaurant, des annexes… et un maximum de possibilités.
Le bâtiment principal sera dédié aux équipes de Synergie Family, spécialisée dans l’innovation éducative et inclusive, ainsi qu’aux membres fondateurs* et structures partenaires qui devraient prendre leurs quartiers début février. « Ici, on va se former, apprendre, travailler, créer des écosystèmes ; répondre à des appels à projets, faire et construire ensemble », explique Laurent Choukroun, passionné, tout en montant les escaliers.
En haut, sur les murs aux couleurs de la marque, les inscriptions « Je n’ai jamais lésiné sur mes rêves », ou encore « J’ai la passion de créer », font étrangement écho au projet l’Épopée. « Nous aurions pu écrire chacune de ces phrases », sourit le co-fondateur.
L’entrepreneur marseillais visite le site pour la première fois en février dernier, dans l’optique de développer les projets de sa structure en pleine croissance (2 à 500 collaborateurs en 5 ans).
Sur place, il ressent « tout de suite l’énergie, qu’il se passe quelque chose, on comprend aussi l’attachement du quartier. On s’est dit qu’on voulait poser nos valises ici. On ne s’est pas dit comment, combien, on ne s’est même pas dit si c’était possible. Mais juste on veut le faire, on va le faire », raconte-t-il, habité par la détermination des débuts.
Alors, comment convaincre ? Les coups de fil pleuvent pour parler « de ce projet un peu fou. Ce qui l’est plus encore, c’est que ceux qui se sont lancés dès les premières minutes sont toujours là aujourd’hui. Ça montre la solidité de leur engagement ».
Les investisseurs de la première heure de Synergie Family répondent aussi immédiatement présents, consolidant ainsi l’offre présentée à Ricard. « Il a fallu fabriquer le récit de ce qu’allait devenir l’Épopée sans venir sur site. Beaucoup de gens ont travaillé sur le projet, l’histoire, la vision sans mettre un pied ici et à distance durant toute la période du premier confinement pour présenter un projet qui soit suffisamment solide pour faire en sorte que Ricard accepte », raconte Laurent Choukroun. Et quelques jours avant les fêtes, comme un cadeau de Noël, ils scellent la vente, ouvrant le premier chapitre de cette étonnante épopée.
Le premier hub Ed-Tech de la région
Laurent Choukroun continue de dérouler l’histoire comme un conte, jusqu’au second bâtiment. Il abritera un espace de co-working ESS (éco-mobilier, éco-conception de bureaux du futur, récupération, déco-green), un incubateur destiné à des start-ups à impact…
D’ailleurs, c’est ici que le premier hub Ed-Tech (la Tech appliquée au monde de l’éducation) de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur en partenariat avec Ed-Tech France verra le jour. « Souvent, lorsque l’on parle d’innovation éducative, ça exclut ceux qui en ont le plus besoin, pour des questions de coût. Nous voulons permettre à ces publics de bénéficier du meilleur de la recherche en sciences de l’éducation, en sciences cognitives, en pédagogie », reprend Laurent Choukroun.
Sa structure touche 10 000 jeunes à Marseille et dans la région. « Cet espace va nous permettre de réunir tout l’écosystème de ceux qui innovent, qui entreprennent, de ceux qui inventent, de ceux qui créent au service de l’innovation éducative… », à l’image de Crocos Go Digital.
Créer un réseau connecté pour un champ de possibilités
Son dirigeant et fondateur, Vincent Berge, partenaire de l’Épopée, a développé des outils numériques qui permettent de remédier aux dysfonctionnements cognitifs. « Mettre toutes ces personnes en réseau, ça permet d’avoir une capacité d’ancrage de technologie ultra-puissante, de repérer les meilleures innovations éducatives de la région et les booster à travers un programme et un projet connecté ».
Ici, les fondateurs misent aussi sur les rencontres à la machine à café pour ouvrir des perspectives et sur les espaces agréables et qualitatifs pour qu’un jeune se sente à sa place. « Le langage « projet » est universel. Du coup, ici, il va trouver un ensemble de possibilités et de solutions. On veut redonner le droit de rêver et le pouvoir d’agir. On est dans une société qui nous enlève ça très tôt », note le co-fondateur en grimpant aux étages.
Une école alternative dans un établissement scolaire désaffecté
Depuis le toit-terrasse, Laurent Choukroune continue de dérouler l’histoire. La vue est imprenable sur tout le quartier de Sainte-Marthe. En contrebas, une école désaffectée. Là, Synergie Family y verrait bien l’installation d’une école alternative de l’Épopée, mixant les activités péri et extra-scolaires.
Les discussions avec la Ville de Marseille sont en cours pour imaginer la seconde vie de cet établissement. « À Synergie, on considère qu’on ne sait jamais quels sont les rêves des gens, il y autant d’individus que de rêves, que de talents, que de potentiels… Notre seul job, c’est de créer des expériences pour faire que tout un chacun trouve ce qu’il aime, dans quel domaine il peut exceller, dans la musique, la cuisine, le sport, les arts… Pour ça, il faut créer des expériences ».
Pour tous les goûts
C’est la deuxième vocation de l’Épopée : faire vivre des expériences grâce à un programme éducatif, ludique et événementiel pour révéler les talents. Plusieurs espaces seront investis pour répondre à cette mission.
À cette « faim », le restaurant d’entreprise va se transformer en cantine familiale. Ouvert sur le quartier et plus largement sur la ville, les familles pourront s’y restaurer, tout en vivant des moments conviviaux en soirée ou le week-end, avec au cœur cette notion d’apprentissage ludique.
Aux fourneaux, le traiteur engagé « Meet My Mama ». Il débarque à Marseille avec son école de formation révélatrice de talents culinaires du monde entier. « C’est projet d’inclusion sociale avant tout. Ils vont partir à la rencontre de mamas de Marseille, les former pour développer leurs compétences pour passer de la cuisine fait-maison en cuisine-traiteur ». Un voyage culinaire qu’elles vivront sur place et où les circuits courts seront privilégiés.
« Réussir à faire de l’inclusion sans ghettoïser »
A deux pas, le parking. Les 500 m2 d’espaces extérieurs vont se métamorphoser en aire de jeux inclusifs, avec accès pour les personnes à mobilité réduite, espaces verts et foodtrucks. « On veut de la couleur, de la vie, de la musique… La magie opère à partir du moment où l’on crée un prétexte à la rencontre. Toute l’idée de l’Épopée, c’est de permettre à des gens qui ne se rencontrent jamais de le faire. De réussir à faire de l’inclusion sans ghettoïser », reprend Laurent Choukroun, fidèle à cette phrase chère à Paul Ricard :« Chaque jour fais toi un nouvel ami ». Jusqu’à 1 500 personnes pourront être accueillies sur site dont 200 talents en permanence.
Et dans la lignée de l’école alternative, une micro-crèche devrait ouvrir ses portes, un espace e-sport et numérique ou encore un studio de production audiovisuelle. « On aspire à créer un système qui va permettre de lever les freins périphériques, faire avancer des personnes qui ont pu être blessées pas la vie pour apporter des solutions et avancer », poursuit Laurent Choukroun, dont la tête fourmille d’idées.
La visite se poursuit. De l’autre côté de la rue Berthelot, les effluves d’anis imprègnent encore l’usine de production Ricard, qui elle aussi fait partie désormais partie intégrante du projet l’Épopée. Dans un premier temps, elle servira de lieu d’occupation temporaire pour des structures artistiques et de recyclerie dédiée à l’artisanat.
Faire de l’Epopée un « phare » de l’innovation à Marseille
Par la suite, l’usine pourrait être transformée en logements sociaux ouverts aux jeunes entrepreneurs, aux étudiants et potentiellement aux femmes seules isolées, et en hébergement professionnel pour les jeunes de toute la France qui viendront se former au village.
Hébergement encore pour les délégations étrangères en visite à Marseille. Une immersion directe au cœur de l’Épopée, « pour comprendre l’innovation éducative et que ça devienne aussi un lieu qui rende fiers nos quartiers, nos habitants et qui contribue à faire rayonner Marseille », espère Laurent Choukroun, qui entend faire de l’Épopée un « phare » de l’innovation dans la deuxième de France.
C’est dans cette usine riche d’histoire que deux autres projets novateurs ont germé. L’ambition de Synergie Family est de créer la première aire indoor ludo-éducative de France. « Quand on va dans un parc d’attractions, tu sais que tu vas vivre des sensations fortes ludiques et émotionnelles. On veut recréer ça et permettre en même temps un apprentissage tout en s’amusant, développer une compétence, apprendre quelque chose sur soi au travers de cette expérience », sourit-il, même si pour l’heure, l’emplacement n’a pas encore été déterminé.
Apporter plus de sens et de sensations au spectacle vivant
Parallèlement, les équipent planchent sur la création d’une salle de spectacle et de conférences immersive. « On veut amener davantage de sens et de sensations au spectacle vivant », poursuit Pierre-François Duwat, le nouveau directeur de l’Épopée, qui a pris ses fonctions le 18 janvier. Ça n’existe pas. Ça va être innovant. C’est à mi-chemin entre les différents arts et techniquement ça sera une performance. L’ingénierie du projet va se faire ici et le projet probablement dans la métropole », ajoute l’ancien directeur du cinéma La Joliette et du centre commercial Grand Littoral, enthousiaste.
Pour ce spécialiste de l’animation, le défi est de réussir à « transformer cette idée géniale qui est née dans les quartiers Nord, et faire de l’Épopée « LE » lieu de l’inclusion, du solidaire et toutes les actions sociales ».
En décrochant ce poste, Pierre-François Duwat concrétise un rêve. « Ça vient agréger toutes mes expériences extra-professionnelles passées, ça donne du sens », confie-t-il. avec les yeux qui pétillent. C’est ce qu’il aimerait voir dans les yeux de toutes celles et ceux qui pousseront la porte de l’Épopée, dans quelques semaines, pour faire de leurs rêves, une réalité. « Faire que dans ce village, chacun devienne un héros ».