À Marseille et dans sa région, la crise sanitaire a obligé les professionnels de l’immobilier à s’adapter, mais le marché est resté dynamique. La cité phocéenne attire toujours plus d’acheteurs. En l’espace d’un an, les hausses de prix et de la demande n’ont cessé d’évoluer. Coup d’oeil sur les tendances 2020 et les perspectives pour 2021.
« Dans un contexte de crise sanitaire inédite, l’économie régionale a enregistré un recul historique de son activité suivi d’un rebond et pour finir actuellement par un aplanissement en profil « d’aile d’oiseau » ». Le constat, dressé ces derniers mois par l’Observatoire Immobilier de Provence (OIP), loge l’ensemble des entreprises à la même enseigne : après un choc sans précédent dû à l’arrêt total du premier confinement, puis la reprise lors de la saison estivale, un rythme de croisière semble avoir été trouvé.
Si la crise sanitaire a eu un impact sur de nombreux secteurs d’activités, celui de l’immobilier en a lui aussi subi les contre-coups. Et pas des plus négatifs, notamment pour la cité phocéenne. Il semblerait même que le marché marseillais soit resté dynamique en dépit des retards accumulés en début d’année.
Augmentation du volume des ventes, critères de recherche plus précis, hausse des prix du marché… La tendance est à l’achat, et, ce, malgré la crise économique. Si en 2015 Marseille subissait une tendance récessive de ses prix en dépit de sa taille et de son patrimoine immobilier, elle a connu en 5 ans une hausse de 18%, dont 7,3% en un an. Le prix médian pour les appartements anciens atteint aujourd’hui les 3 277 €/m2. 6 quartiers en particulier ont vu leurs prix s’envoler : le 8e (+13,3%), le 4e (+13,3%), le 6e (+12,6%), le 9e (+12,2%), le 1er (+10,8%) et le 2e (+9,2%).
La pierre comme valeur refuge
Selon l’étude réalisée par SeLoger à la fin de l’année 2020, les candidats à l’achat restaient sur le qui-vive pour trouver le bien idéal. Ils étaient d’ailleurs 40% à estimer que le moment pour investir était opportun, malgré la période de crise sanitaire. Un taux pourtant bien inférieur à celui obtenu avant le premier confinement : en février 2020, ils étaient 73% à le décréter, contre 43% en septembre 2020.
Dans les Bouches-du-Rhône, les chiffres attestent d’un dynamisme du marché immobilier au cours de l’année 2020, avec une augmentation du volume des ventes. « La pierre reste une valeur refuge, souligne Cyril Cartagena, Président de l’OIP. Dans une période comme celle-là, il y a une tendance des investisseurs à se tourner vers l’achat d’un bien. C’est une tendance de fonds. Mis à part un retournement du marché au niveau des prêts immobiliers, cela ne devrait pas changer cette année ».
Et la cité phocéenne se place en tête de liste avec plus de 13 000 ventes (soit 47% des ventes dans les Bouches-du-Rhône), devant Aix-en-Provence avec 2 243 transactions, selon le bilan 2020 établi par la FNAIM.
Ces dernières porteraient majoritairement sur des appartements de type 2/3 d’une superficie de 40/60m². Un point sur lequel revient avec nous Cyril Cartagena. « Nous avons bien sûr remarqué que la recherche se tournait désormais vers les biens avec extérieurs, notamment en périphérie des villes. Le 11e arrondissement a ainsi tiré son épingle du jeu, ainsi que les villes comme Carnoux-en-Provence, Aubagne ou encore Gémenos qui sont aujourd’hui bien desservies. Or, les biens sont prisés et ne sont pas légion ».
Marseille : Une attractivité qui influe sur les prix
Et les volumes de ventes n’ont pas été les seuls à augmenter : sur l’ensemble des Bouches-du-Rhône au premier semestre 2020, comme l’indique l’OIP, « le prix médian au mètre carré a augmenté de 5,2% pour les appartements anciens et de 6,7% pour les appartements neufs, alors qu’il est de 4% pour les maisons anciennes ».
« Le niveau de la demande est toujours élevé et il manque de biens sur le marché, ce pourquoi les prix augmentent, continue le président. Il y a notamment eu une faible délivrance de permis de construire pour les promoteurs, donc le stock de biens dits « neufs » est en baisse, et cela provoque un transfert vers l’immobilier ancien. Il est urgent de débloquer les permis de construire auprès des institutions pour éviter les tensions économiques ».
Il n’empêche qu’à Marseille, les demandes affluent, et même plus qu’ailleurs. La ville concentre la moitié des ventes et a vu son prix médian augmenter de 7,3% en un an (environ 2 700 €), bien que la fracture entre le Sud et le Nord soit toujours bien marquée. Des écarts de prix sont aussi notables au sein d’un même quartier : pour exemples, dans le 13e arrondissement, la valeur d’un bien est de 2 700 euros/m2 à Château Gombert, tandis qu’elle est de 1 670 à La Rose ; Dans le 1er arrondissement, à l’Opéra, le prix médian est estimé à 2 920 €/m2, alors qu’il est de 1 960 à Noailles.
Des statistiques qui se confirment par les dernières données que nous transmet Maître Agnès Banoun, déléguée à la communication pour la chambre des notaires. « Au 31 octobre 2020, le prix médian des appartements anciens à Marseille est de 2 560 euros au m2, il était à 2 330 euros en 2019. Le quartier le plus cher est Endoume, dans le 7e arrondissement, dont le prix au m2 est de 4 170 alors qu’il était de 3 940 en 2019. Cela ne veut pas forcément dire que c’est le quartier le plus cher, car il y a beaucoup de petites surfaces vendues donc cela fait monter le prix au m2. Quant au quartier le moins cher, il s’agit du Canet dans le 14e arrondissement, pour 1 070 euros au m2. En 2019, le moins cher était celui de la Belle-de-Mai ».
Dans le département en revanche, c’est bien à Cassis que les prix sont les plus hauts, avec 5 900 euros au m2, devant Sausset, avec 5 700 euros au m2 et Aix, dont le prix médian est de 4 180 euros au m2 et allant jusqu’à 5 110 dans le centre-ville. En cause notamment : des taux d’intérêts historiquement bas.
Réinventer les services, le boom du digital
Sur le terrain, le même constat est établi par les professionnels. Victoire Omiros, gérante de l’agence Immo Pacaflo, travaille sur un large territoire, de Cassis à Marseille, en passant par Aubagne ou Nice. « Lors du premier confinement, nous ne savions pas trop à quelle sauce nous allions être mangés. Nous avons eu trois mois d’arrêt total de notre activité. Mais en juin, on est entré dans une « bulle immobilière », le marché était énorme. C’est d’ailleurs parlant : nos chiffres de vente ont doublé sur l’année 2020, principalement parce qu’il y a eu un engouement pour le territoire après le confinement, cela s’est ressenti ».
Et si cette période de trouble était donc l’opportunité de se réinventer ? C’est en tout cas sur cette alternative qu’ont misé bon nombre d’agences, multipliant les outils digitaux pour faire évoluer leurs services. « Beaucoup de professionnels se sont mis à lancer les visites virtuelles, avec des plans en 3D qui permettent aux potentiels acheteurs de mieux se projeter dans le bien proposé. Notre agence s’est aussi dotée de drones pour réaliser des vidéos « parcours » dans les grandes villas. Ce sont des outils essentiels à notre activité aujourd’hui, mais qui ne remplaceront bien sûr jamais les visites en réel, les clients ont besoin de s’approprier le bien ».
Car la recherche est maintenant avant tout qualitative : le besoin d’extérieur et d’espace après des confinements mal vécus se fait ressentir, le cadre de vie, en-dehors des tumultes du centre-ville, est privilégié.
L’effet papillon du secteur immobilier
Autant de dérives qui ont aujourd’hui un impact sur d’autres secteurs d’activité, intimement liés à la dynamique immobilière. Depuis une dizaine d’années, Marseille voit fleurir des espaces de coworking et reste à ce jour l’une des villes les plus dotées en France. Pendant la crise, ces lieux, qui misent sur le partage et la convivialité, ont dû revoir leur copie pour s’adapter à une situation inédite.
Aujourd’hui, leurs dirigeants font face à un changement des pratiques de travail, impulsé par une hausse du télétravail. Dans le 2e arrondissement de Marseille, au coeur du quartier de la Joliette, Guillaume Pellegrin, Président du Club de l’Immobilier Marseille Provence, est à la tête de Newton Offices, dont les services connaissent aujourd’hui un rayonnement sur le territoire national avec des implantations dans de nombreuses villes.
Loin de les craindre, il perçoit ces changements comme un nouveau « challenge ». « Quand on lit les conclusions sur l’expérience du télétravail, le gros point négatif est l’isolement. C’est quelque chose qui est pensé depuis plusieurs années chez nous, avec des espaces suffisamment grands pour respecter les distanciations sociales tout en privilégiant la convivialité. Selon les sondages, les salariés souhaiteraient majoritairement intégrer un à deux jours de télétravail par semaine. Je constate que beaucoup plus d’entreprises se tournent vers nos solutions pour leurs salariés car elles cherchent de la flexibilité. Nous sommes confiants et préférons voir la crise comme une opportunité de parfaire notre proposition, voire, de se réinventer, plutôt que comme un danger ».
L’adaptation est donc de mise face à des pratiques émergentes, confortées par les prescriptions du gouvernement. « En réalité, le télétravail avec la Covid-19 aura plus été subi qu’autre chose, mais la situation fait que la tendance s’est développée, conclut Cyril Cartagena. Il faut voir s’il s’agit d’un phénomène de passage ou s’il dure à plus long terme. Si c’est passager, cela n’engendrera pas de modification. Sinon, il y aura des questions à se poser sur les aménagements des bureaux ».
Autant de préoccupations qui trouveront des réponses dans les mois à venir.