La start-up VH93 présente au CES de Las Vegas digitalisé, ses hydroliennes fabriquées à partir de matériaux biosourcés et recyclables, capables d’extraire l’énergie des cours d’eau, des courants des marées et même des vagues. L’entreprise aixoise a aussi su ces derniers mois tirer son épingle du jeu, en réinventant son activité grâce au recyclage des masques chirurgicaux.
« Utilisez la nature, cette immense auxiliaire dédaignée. Faîtes travailler pour vous toutes les chutes d’eau, réfléchissez au mouvement des vagues, au va−et−vient des marées ». C’est de cette phrase poétique de Victor Hugo, tirée de son livre Quatrevingt-treize (1873), que s’est inspiré Stéphan Guignard pour lancer sa start-up VH93.
Lancée à la Ciotat avant de rejoindre la pépinière Cleantech du Techopôle de l’Arbois, VH93 produit des hydroliennes houlomotrices (qui utilisent l’énergie contenue dans le mouvement de la houle) « résilientes, responsables et durables », explique le fondateur. Fabriquées avec de la matière biosourcée, d’aiguilles de pin et de fibre de lin notamment, elles sont capables d’extraire l’énergie des mouvements de l’eau : des rivières, des courants des marées, mais aussi des vagues.
Destinées à produire entre 350 et 400 Watts, elles devraient atteindre à terme une capacité de 500 Watts. Pour la conception, Stéphan Guignard utilise le rotor Savanius 1924. Il s’agit d’une éolienne à axe vertical, à laquelle il ajoute un système innovant, permettant son adaptation à différents sites grâce à sa modularité.
Compatible avec le milieu aquatique, il s’inscrit aussi dans une démarche de développement durable sur tout le cycle de vie du produit. « Nous sommes ainsi capables de produire une électricité vraiment propre, car sa production ne va pas mettre en danger les conditions de vie des générations futures. On veut les préserver », explique Stéphan Guignard.
La transition écologique dans l’ADN de la start-up
Et c’est clairement inscrit dans l’ADN de la société. « La motivation extrêmement forte de l’équipe de VH93 est de contribuer à la transition énergétique et à un modèle durable, essentiellement parce qu’on a tous des enfants » poursuit cet ancien enseignant-chercheur à Aix-Marseille Université, devenu entrepreneur.
Lorsqu’il s’est lancé, il était déjà persuadé que l’économie circulaire constituait un vaste champ de solutions pour répondre aux enjeux de demain. La pandémie de la Covid-19, qui a fragilisé le système économique en général, n’a fait que conforter sa conviction. Une vision de l’économie de demain qu’il a su transformer en (ré)action concrète.
Amputé d’un tiers de son effectif, durant le premier confinement, Stéphan Guignard, alors seul, en profite pour se pencher sur l’industrialisation et la mécanisation du processus de fabrication de matériaux biosourcés. Une idée qui germait déjà depuis un moment pour faire face à la quantité de travail manuel et pas très agréable « lorsque l’on manipule de la résine ».
Le recyclage de masques chirurgicaux, levier d’insdustrialisation
Mais comment la mettre en œuvre ? Et avec quelle matière première ? Le déclic vient alors qu’il se promène sur l’Île des Embiez (Var). Il constate avec désarrois que des masques chirurgicaux flottent dans l’eau et sur les plages. « Je me suis dit que nous étions en train de passer un cap et que cet objet censé nous protéger allait aussi nous nuire ».
Le chef d’entreprise fait le parallèle avec « les moustiquaires anti-malaria (paludisme) déployées par l’OMS (Organisation mondiale de la Santé) dans toute l’Afrique pour lutter contre cette épidémie, et qui ont ensuite été dispersées sur le continent africain, sans penser à leur recyclage ».
Les masques jetables de protection contre la Covid-19 deviennent ainsi source de recherches. Après analyse, le scientifique découvre qu’il « n’y a pas un gramme de papier là-dedans, que du plastique [le polypropylène] », explique-t-il. Son équipe se lance dans les premiers essais de réutilisation de cette « ressource » et trouve le moyen de l’injecter dans son composite de fabrication, grâce à l’utilisation d’imprimante 3D.
« Et on reste dans l’économie circulaire. Pour nous, c’est très important, parce que c’est à mon sens l’histoire de l’industrie qui arrive. L’industrie probablement super high-tech, 5.0 capable d’utiliser des déchets, de fabriquer des objets avec, et ensuite de les réutiliser. C’est pour moi la base de la réussite de la transition énergétique, écologique et solidaire ».
Des marqueurs d’espoir
Quant à la collecte, VH93 n’a rencontré aucune difficulté. Commerces, pharmacies ou encore particuliers ont joué le jeu en conservant leurs masques pour le recyclage. Des réponses porteuses d’espoir pour l’entrepreneur qui a constaté avec surprise « que beaucoup de gens veulent entrer dans une démarche de recyclage ».
VH93 a obtenu de la BPI 100 000 euros d’aide à l’industrialisation. Dans le cadre du CES, Stéphan Guignard entend « trouver de nouveaux clients ». Pour ce patron enthousiaste, cette version digitale est porteuse d’opportunités. « Je pense que nous toucherons pas seulement une clientèle américaine, cela ira bien au-delà. Cela peut nous ouvrir d’autres horizons. Les échanges seront différents et nous n’aurons pas ce contact humain que nous aurions pu avoir sur place, mais nous avons intérêt à ce que les démarches commerciales se fassent de plus en plus de manière digitale, parce que nous ne sommes pas sortis de la pandémie et c’est aussi un bien pour la planète ».