La 5G débarque à Marseille ce jeudi 3 décembre. Expérimentée depuis deux ans dans la cité phocéenne par Orange, cette nouvelle génération de réseau mobile promet des prouesses sans précédent. Reste que son déploiement sur le territoire est source d’inquiétudes d’un point de vue sanitaire et environnemental.
À partir de ce jeudi 3 décembre, la 5G, dernière génération de réseau mobile, va faire partie de notre quotidien. Marseille est l’une des 5 premières villes de France à ouvrir son réseau à cette nouvelle technologie, avec Nice, Le Mans, Angers et Clermont-Ferrand. Depuis 2018, Orange expérimente la 5G, faisant de la cité phocéenne une ville pilote en la matière.
L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Acerp) a délivré le 12 novembre 2020 à chacune des sociétés éligibles, à savoir Orange, SFR, Free et Bouygues une autorisation d’utilisation de fréquences dans la bande 3,4 à 3,8 GHz, mettant ainsi fin à la procédure d’attribution.
Le 1er octobre dernier, lors des enchères, Orange a remporté la plus grande part des blocs de fréquences en jeu, avec 90 MHz de spectre, contre 80 MHz à SFR et 70 MHz à Bouygues et Free. Le réseau Orange à Marseille est opérationnel avec 200 antennes déployées sur 70 sites.
Une technologie de rupture
Rapidité, ultra-connectivité, réactivité en temps réel… Conçue pour répondre à la très grande croissance des données et à la connectivité de la société moderne, cette nouvelle génération de réseau mobile va bien plus loin et promet de nouvelles possibilités.
Grâce à l’usage de nouvelles fréquences, les débits seront fortement améliorés. « Les débits de la 5G seront dix fois plus rapides par rapport à la 4G. Au lancement, nous serons plutôt à 3-4 fois supérieur, avec une augmentation progressive. Cela offre plus de fluidité », explique Fabien Finucci, délégué régional d’Orange.
Deuxième rupture, « encore plus profonde », des temps de latence beaucoup plus faibles qui permettent d’envoyer et de recevoir de nombreuses données : « Aujourd’hui, le temps de réponse de la 4G est de 30 millisecondes, celui de la 5G est de l’ordre de la milliseconde, plus rapide que l’être humain ».
Avec l’arrivée de la 5G, les objets connectés vont également connaître une véritable révolution. Le monde de l’IoT (Internet of Things, l’internet des objets) va voir son marché exploser. « On sait que des milliards d’objets vont être connectés aussi bien dans le cadre industriel que pour le grand public. La 5G a été prévue à cet effet, car elle permettra de connecter un million d’objets au km2. Ce qui est considérable ».
Un levier de compétitivité
Dans un contexte de compétition internationale, ces caractéristiques sans précédent ouvrent le champ à de nouveaux usages dans différents secteurs d’activités : l’industrie 4.0 (usines hyper-connectées, robots commandés à distance), véhicules autonomes, jeux vidéo, réalité virtuelle et augmentée, gestion des villes intelligentes ou encore de la télémédecine/téléchirurgie.
En 2019, en Chine, une opération du cerveau a été effectuée à distance grâce à la 5G. Le chirurgien et son patient étaient à 3 000 km l’un de l’autre. « Quand on commande un robot à distance pour une intervention chirurgicale de cette nature, il faut que ça réponde immédiatement. Dans la télémédecine, le débit peut aussi servir, si on veut transmettre des images très haute définition », poursuit Fabien Finucci. Et il reste des usages à inventer ».
Une manière également pour les opérateurs de faire face à l’augmentation croissante du trafic, de l’ordre de +40%/an, renforcée par la crise de la Covid-19, et qui nécessite l’adaptation permanente de leurs réseaux. Sans compter qu’à court terme, dans certains centres urbains, comme Marseille, « la 4G va arriver à saturation et la 5G s’impose comme la solution ».
Pourtant, cette promesse de paradis numérique ne fait pas l’unanimité. Les oppositions à la 5G émanant du monde scientifique et politique s’appuient sur deux points : les effets éventuels sur la santé et les conséquences sur l’environnement. Parmi les motifs avancés : la multiplication des antennes et des fréquences utilisées.
Quels effets sur la santé ?
Plus de 20 000 études ont déjà été menées autour des effets des rayonnements non ionisants sur la santé. Avec le degré de connaissance actuelle, toutes aboutissent à la même conclusion : « il n’y a pas d’impact démontré en-dessous des normes sanitaires. Les niveaux d’exposition en France sont en moyenne 200 fois inférieurs à ces normes», a récemment affirmé Cédric O, secrétaire d’État au numérique dans un entretien au JDD, paru le 29 novembre. Pour répondre aux interrogations, il a assuré que les contrôles sur les niveaux d’exposition allaient tripler en 2021.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) encadre les seuils d’exposition de 0 à 300 GHz. Pour la 5G, le seuil est fixé à 39 V/m à 700 MHz et de 61 V/m à 3,5 GHz et 26GHz. L’OMS a conclu que l’exposition liée aux réseaux sans fil et à leurs usages n’engendre pas d’effets nocifs avérés pour la santé du public si cette exposition est en dessous des limites recommandées.
Néanmoins, le débat reste ouvert sur les probables conséquences sur le long terme. Face à ces inquiétudes, les opérateurs affûtent aussi leurs arguments. « Les opérateurs respectent les seuils en France, d’autant plus que lorsqu’on fait des mesures concrètes sur le terrain, on est en moyenne 50 à 60 fois en deçà de ces seuils de protection », souligne Fabien Finucci.
Des antennes dites intelligentes
Parallèlement, l’Agence nationale des fréquences radio (ANFR, qui donne les autorisations d’émettre) veille au respect des valeurs limites d’exposition du public aux ondes électromagnétiques, avec la mise en place de trois dispositifs de mesures d’antennes de 2G à 5G. « On est entre 0,8 et 1,2 volt par mètre sachant que le seuil défini par l’ANFR est à 61 V/m (téléphonie mobile bande 2 600 Mhz) », ajoute le délégué régional d’Orange.
Le 28 novembre 2020, l’ANFR a publié la synthèse des premières antennes 5G autorisées de France. Actuellement, l’organisme a autorisé un total de 15 901 sites 5G répartis dans les grandes métropoles du pays.
Autre argument : l’utilisation de nouvelles bandes de fréquences très voisines de la 4G. « En 5G, on est à 3,5 GHz et en 4G on est à 2,8 ». Par la suite, deux nouvelles bandes de fréquences, autour de 26 GHz, puis au-delà de 60 GHz pour des liaisons courtes distances, seront exploitées. « Il faut savoir aussi que les antennes 5G sont dites intelligentes, c’est-à-dire qu’elles n’émettent que lorsque c’est nécessaire, alors que la 4G émet en permanence », précise Fabien Finucci.
Le moratoire et la consommation énergétique
Le 12 septembre dernier, 70 élus pour la plupart écologistes, dont la maire de Marseille Michèle Rubirola, ont appelé à un moratoire et à un débat démocratique sur le sujet. La décision du gouvernement d’attribuer les fréquences dès septembre « intervient sans étude d’impact climatique et environnemental ni aucune consultation publique préalable », déplorent les signataires. « Nous demandons pour les communes le droit à la subsidiarité concernant l’application du principe de précaution. Nous demandons que la priorité soit donnée à la réduction de la fracture numérique, à travers le développement de la fibre en zone rurale en finalisant le déploiement de la 4G », écrivaient-ils en conclusion.
D’un point de vue environnemental, conformément au cahier des charges, la 5G a été conçue pour être plus sobre sur le plan énergétique. « Même s’il faut des ajustements, au lancement, la consommation énergétique de la 5G par rapport à la 4G sera divisé par 2, pour un même volume. En 2025, lorsque le réseau sera pleinement opérationnel et avec les progrès technologiques, on sait que cette consommation sera divisée par 10, et certains experts pensent qu’à l’horizon 2030, ce sera par 20. Je dirais même heureusement qu’il y a la 5G, quand on voit la croissance de l’utilisation de leurs smartphones sous le réseau 4G, là, la consommation exploserait ».
Une charte entre les opérateurs et la Ville de Marseille
Du côté de la Ville de Marseille, les élus restent attentifs au déploiement. Sur la base du principe de précaution, va débuter une phase de concertation avec l’ensemble des opérateurs. Au menu des échanges : « le problème de la fracture numérique, car il y a encore des endroits où la couverture n’est pas acceptable », explique Christine Juste, adjointe déléguée à l’environnement, la santé, la lutte contre les pollutions, et la propreté de l’espace public.
Alors que l’attribution des fréquences a déjà été effectuée entre les quatre principaux opérateurs français, dans son cahier de doléances, « pourquoi ne pas plutôt accélérer la fibre plutôt que la 5G », souligne l’élue.
La Ville souhaite mettre en place une charte « élaborée avec les opérateurs » pour les années à venir « pour plus de transparence sur les implantations des antennes », reprend Christine Juste, qui met aussi en avant une « sorte d’obsolescence programmée des téléphones mobiles qui pousse à la consommation et donc pose des problèmes de recyclage de matériel électronique ».
Comme à chaque changement de technologie, l’utilisation de la 5G devrait entraîner un remplacement massif des smartphones. « Les Français changent de téléphone tous les deux ans. Au fur et à mesure, les gens passeront à la 5G, assure Fabien Finucci. Mais la 4G a encore un avenir ».
D’ailleurs dans les zones moins denses, le programme, « New deal », par exemple, signé avec le gouvernement, permet à des collectivités locales d’émettre des demandes de couverture dans des endroits déterminés, qu’ensuite les opérateurs couvrent en 4G.