Le Stadium, ce fameux « cube » signé Rudy Ricciotti, implanté sur la commune de Vitrolles, va être partiellement réhabilité pour accueillir le festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence. Le début d’une renaissance pour le site abandonné depuis 1998 ?
1,2 M€. Dans quelques mois, le Stadium de Vitrolles va faire l’objet d’une réhabilitation partielle, en vue d’accueillir des représentations du festival d’Art lyrique d’Aix-en-Provence, repoussé en 2022-2023.
Ce projet – comme une douzaine d’autres – entre dans le cadre du protocole d’accord Etat-Région, signé samedi 24 octobre, actant une mobilisation totale de 64 M€. « Ce n’est pas une réhabilitation complète dans son état initial, précise le maire (PS) de Vitrolles, Loïc Gachon. On remet l’eau et l’électricité, on va faire les travaux nécessaires pour pouvoir recevoir du public et permettre un accès au site ».
Les gradins ne seront pas utilisés, comme à la grande époque de ce lieu, mais devraient servir d’arrière-scène. L’option de tribunes amovibles est envisagée pour l’instant.
Ces premiers travaux pourraient bien marquer la première étape d’une « réactivation du site », espère Loïc Gachon, avant peut-être une réhabilitation complète de cette salle de concerts et de sports, de 5000 places, « mais sans doute pas ses fonctions initiales ». Même si la municipalité souhaite conserver une vocation « culturelle, on ne peut pas, pour le moment, présager de ce que ce lieu deviendra ».
1990-1998
Cela fait plus de 20 ans que le Stadium de Vitrolles est inerte. Pas d’applaudissements. De rappels. De tirs aux buts. Il est bien loin le temps où IAM, Renaud, Goldman, Bashung, Noir Désir, se produisaient sur cette scène. Bien loin aussi le temps où des joueurs de handball de classe internationale comme Jackson Richardson ou Mirko Bašić faisaient le show. Le « cube », comme il est souvent surnommé, est un édifice à part, au destin qui l’est tout autant.
Dessiné par l’architecte Rudy Ricciotti, en 1990, dans un geste de rupture radicale, le Stadium qui apparaît depuis la RD9, au cœur d’un décor de bauxite, ne laisse jamais indifférent. Aimé. Ou détesté. Qu’importe.
Le parallélépipède de béton, parsemé de points de lumière rouge, visibles à la nuit tombée, ouvre la voie des œuvres de l’architecte marseillais inspirées de l’arte povera. La première pièce du triangle sombre aux formes géométriques complétées par le Pavillon Noir (Aix-en-Provence) et le Mucem (Marseille).
Le Stadium, né sous la mandature du maire socialiste Jean-Jacques Anglade qui inaugure l’équipement en 1994, ne vivra que peu de temps, sous l’ère des Mégret, dans une commune transformée en « laboratoire du Front national ». En 1998, la maire Catherine Mégret refuse de renouveler le contrat de délégation de service public. C’est la fin. L’ovni architectural est mis en sommeil, le 7 novembre 1998, définitivement interdit au public.
Des atouts inexploités
À l’abandon depuis cette date, l’ouvrage restera sous la responsabilité de la Communauté du pays d’Aix (CPA) [avant la création de la Métropole Aix-Marseille Provence, ndlr] jusqu’en 2016, où la Ville de Vitrolles le récupère dans ses compétences communales, avec l’idée de revitaliser cette coquille vide. Car le Stadium présente de nombreux atouts, à commencer par son positionnement central stratégique.
Proche de Marseille, d’Aix-TGV, de l’aéroport Marseille-Provence et des grands axes routiers, cette salle est aussi une réussite sur le plan acoustique « du type 2 secondes de réverbération, c’est-à-dire qu’elle est faite pour de la musique amplifiée, et non pour de l’a cappella », explique son concepteur Rudi Ricciotti [lire encadré].
En termes de capacité, elle s’impose comme la 5e plus grande salle de la métropole Aix-Marseille, derrière la halle de Martigues et ses 9000 places, le Dôme (8500), la grande halle du parc Chanot (8000) et le palais des sports de Marseille (7600).
Il y a quelques années, le maire de Vitrolles avait imaginé la création d’un grand parc à thème ludo-pédagogique, mêlant différents écosystèmes, et destiné à un public familial. Une étude stratégique avait même été lancée par la municipalité « validant le positionnement du Stadium dans sa vocation culturelle », confie le maire.
Des propositions de reconversion du site ont atterri sur son bureau. Un temps, il était même question de l’installation d’une base européenne du Cirque de Soleil, mais le mystérieux carré noir sur fond rouge n’a toujours pas trouvé « d’opérateurs solides » pour envisager un partenariat avec la Ville « de longue durée », assure l’édile. L’utilisation par le festival d’Art lyrique peut ouvrir la voie « vers une autre utilisation du bâtiment et du terrain, dont le périmètre reste encore à déterminer ».
Le Stadium, un enjeu métropolitain
L’édile compte sur les retombées techniques et le retour d’images pour travailler sur de nouvelles perspectives, des opportunités. « Cela peut permettre d’envisager de multiples usages, ça peut être, pourquoi pas, un musée, je ne suis fermé à rien », assure l’élu, qui a toujours revendiqué la dimension métropolitaine du Stadium.
« J’ai gardé la compétence tout en ayant conscience de l’enjeu », assume-t-il, mais jusqu’alors il ne voulait pas qu’il soit récupéré par la Métropole « comme un meuble. Je veux avoir un œil sur la vocation de ce site et y travailler. Sans doute un jour, il faudra envisager de le transférer en compétence métropolitaine ».
L’œuvre de Ricciotti fait « partie intégrante du patrimoine de la métropole Aix-Marseille », insiste d’ailleurs Enzo Rosada. L’architecte a lancé en 2015 une association baptisée « La Renaissance du Stadium », pour défendre cette arena « qui possède des caractéristiques techniques importantes, témoins d’un événement fort dans la production architecturale du XXe siècle. Le Stadium est une réponse de projet pertinente sur le plan économique, politique, culturel et contextuel », estime-t-il.
La culture comme levier de reconversion du site
L’association s’est donné pour mission d’informer, diffuser et fédérer autour de ce lieu qui « possède un potentiel de reconversion immense », qui plus est payé par le contribuable. Cette quête est marquée par une exposition photographique qui sillonne la France.
Déjà présentée aux Docks Village à Marseille à l’hiver 2018, et actuellement visible au centre d’architecture arc en rêve à Bordeaux, elle retrace l’histoire de ce bâtiment, de sa genèse à son abandon, en revenant sur sa conception et sa réalisation.
Parallèlement, l’association œuvre aussi pour une réhabilitation « qui doit être accompagnée par un projet aux usages cohérents » plaide le jeune architecte. Lui, porte un projet culturel. Danse, théâtre, cinéma, art visuel… une saison temporaire d’un an pour redonner vie au site. Il a déjà rencontré la Ville pour présenter cette idée, et tape à la porte des institutions régulièrement.
La réhabilitation partielle suscite donc un intérêt sérieux pour la suite. Un premier pas pour redonner vie à cette œuvre labellisée, en 2018, « Architecture contemporaine Remarquable » par le ministère de la Culture.