Quel avenir pour la Villa-Valmer ? La Ville a entrepris de renégocier le projet initial d’hôtel 5 étoiles avec le promoteur immobilier. La bâtisse, construite dans la deuxième moitié du XIXe siècle, pourrait finalement accueillir un café, guinguette, résidence d’artistes, lieu d’exposition… Tout en laissant libre accès à son parc.
La Villa-Valmer. C’est un épineux dossier dont a hérité la nouvelle municipalité qui compte dans ses rangs de fervents opposants à la « privation-privatisation » de cette bâtisse de 23 911 m2, construite dans la deuxième moitié du 19ème siècle.
Entérinée sous la mandature Gaudin, par un paraphe au bas du permis de construire le 14 août 2019, le programme s’est lancé, malgré les pétitions, mobilisations citoyennes et les recours devant la justice, contre le bail emphytéotique de 60 ans, accordé aux investisseurs Pierre Mozziconacci et Didier Germain.
Le programme immobilier dessiné par l’agence d’architecture marseillaise “331 Corniche” prévoyait 40 chambres, avec restaurants, spa, salle de fitness, salle de séminaire, ou encore piscine extérieure sous laquelle un parking enterré d’une vingtaine de places devait prendre place. Sur deux hectares et demi du parc, 30 % devaient être privatisés. Un investissement de 14 millions d’euros pour une redevance annuelle évaluée à 660 000 euros (330 000 euros de part fixe, et une part variable indexée au chiffre d’affaires d’au moins 330 000 euros).
Pour l’ancienne majorité, il s’agissait de favoriser la dynamique économique et touristique de Marseille et passer d’un « bâtiment qui coûte et se dégrade à un bâtiment qui rapporte ». Quand pour l’opposition, c’était sacrifier un joyau patrimonial et avec son poumon vert, au détriment des Marseillais.
Une fois aux manettes, le Printemps Marseillais s’est donc emparé du sujet. « Notre mandat est clair. Permettre à chacune et chacun, demain, de profiter de ce parc, de cette vue, de ce promontoire, sur la Méditerranée. Nous avons refusé de nous résigner à la signature d’un bail emphytéotique d’une durée de 60 ans, en faveur d’un investisseur privé », déclare Mathilde Chaboche, adjointe à l’urbanisme. Dans les faits, et comme l’indique clairement la délibération, la nouvelle majorité a ouvert une concertation avec les promoteurs immobiliers. « Une nouvelle page s’est ouverte : celle de la reconquête de notre patrimoine commun architectural comme naturel. Alors, c’est en concertation avec l’ensemble des parties prenantes que nous travaillons désormais à l’élaboration d’un nouveau projet », assure l’élue.
« Je suis là pour travailler utilement avec la mairie »
Depuis cet été, des discussions ont été engagées avec les porteurs du projet. La Ville a mis en avant deux options. La première : la voie de la justice, dont l’issue après des années de bataille juridique, leur serait « favorable », juge la Ville.
La municipalité s’appuie entre autres sur le bail « signé dans la précipitation à la veille du second tour des élections municipales par une équipe en fin de règne. Ce bail présentait les marques de l’urgence, dans laquelle il avait été probablement préparé. Autant de failles pouvant le rendre caduc juridiquement », explique l’adjointe à l’urbanisme. Deuxième offre : trouver un terrain d’entente ; et voir « comment le promoteur peut avoir une place dans ce projet, qui puisse incorporer nos attentes, d’autant qu’il a réalisé toutes les études », poursuit Mathilde Chaboche, en marge du conseil.
Le promoteur Pierre Mozziconnaci est dans une démarche constructive. « Je suis là pour travailler utilement avec la mairie », nous confie-t-il, soulignant que les quelques relations, « y compris avec madame Chaboche, ont été de qualité ».
Depuis ces échanges, il a mis le projet en stand-by, alors que des travaux ont déjà commencé dans le cadre légal du permis de construire. « On ne s’en rend pas compte de l’extérieur, mais une partie du bâtiment est à nu », explique-t-il, insistant sur le caractère d’urgence : « Cela fragilise la bâtisse. Je sais que la municipalité doit imprimer sa marque, et a hérité de cette situation, mais aujourd’hui, nous ne sommes plus à la phase de projet, mais de réalisation ». D’autant, dit-il, qu’outre son investissement initial de 15 millions d’euros, il « paye la taxe foncière, architecturale et même archéologique. On ne peut pas attendre ».
Concernant l’accès au parc, et à l’espace, il n’est pas opposé à revoir l’emprise du bail. Une manière même de rassurer les Marseillais. « Je porte un projet. Je discute avec tout le monde pour que les choses se fassent avec la Ville de Marseille. Je suis certain que l’on va avancer. Tant qu’il ne retire pas le BAE (bail emphytéotique), la discussion reste ouverte. Le retirer, c’est remettre en cause la totalité du projet. Je pense que ce n’est pas la volonté de la Ville », estime le promoteur.
Inventer un concept original d’équipement public
Pour Mathilde Chaboche, l’objectif est désormais d’inventer « avec nous », un nouvel objet tourné dans l’intérêt général. Élaborer un nouveau projet « public et unique : qui sera ouvert à toutes et tous en excluant une privatisation complète. Face à tel joyau, il nous faut être créatifs, en inventant un concept original d’équipement public où les usages pourront se croiser, les publics se mélanger et la beauté se savourer ».
La Ville travaille sur différentes pistes. L’idée de Benoît Payan, à l’époque, était de « faire quelque chose de partagé comme une résidence d’artistes à l’instar de la Villa-Médicis sans tomber dans le même élitisme. Ça aurait du sens à cet endroit-là, car on n’en a pas en Méditerranée et on en aurait besoin. Ça aurait du sens pour la ville ». C’est dans ce sens que la municipalité entend orienter son nouveau projet.
Bien loin des 5 étoiles, la Villa-Valmer pourrait devenir un lieu de mixité, avec bistrot guinguette, espace pour aller prendre un café, un lieu d’exposition, mais aussi une résidence d’artistes, avec une petite partie hôtelière.
Quant au parc, la messe est dite. Le Printemps Marseillais « a fait le choix de la préservation de la nature, celui de la concertation avec tous les acteurs de ce dossier, celui du maintien du caractère public et gratuit de ce site exceptionnel », ajoute Nassera Benmarnia, adjointe en charge du retour de la nature en ville, des parcs et jardins, et espaces verts. « En application de ces principes et sans préjuger du travail de concertation en cours, au nom de la majorité », l’élue « réaffirme avec force que, quoi qu’il advienne, le parc Valmer ne sera pas réservé à quelques privilégiés, mais restera à la disposition de tous nos concitoyens : les jeunes mariés, les randonneurs, les sportifs, les riverains, les familles, les amoureux de la nature pourront continuer à profiter de ce joyau naturel. De plus, nous ferons tous les efforts nécessaires afin que ce parc maintienne son statut de parc d’excellence ».
Désormais, c’est un tout autre destin qui attend la Villa-Valmer.