En Provence, les parfumeries artisanales font partie des couleurs locales et favorisent l’appartenance culturelle de toute une région, au travers de leurs créations. Tour d’horizon de ces entreprises qui militent pour l’artisanat sur le territoire.
Lavande, olive, citron… L’évocation de ces simples noms communs fait figure de madeleines de Proust en Provence, où les parfumeurs artisanaux continuent de jouir des atouts naturels qu’offre un tel environnement. Ils sont désormais nombreux à créer des fragrances locales, parfois sur des générations, et à faire rayonner le patrimoine naturel de la région par leurs créations.
Sur l’avenue de Toulon (6e), à Marseille, émanent d’ailleurs d’une nouvelle boutique de subtiles essences, entre celles des fioles, des huiles ou encore des savons disposés ça et là, dans les quelque 75 m2 de surface d’exposition. La devanture, tel un tableau noir, encadre la vitrine et fait ressortir les lettres grand format, aux couleurs noblement dorées : Parfumerie Artisanale VP.
Dix ans d’âge pour l’entreprise, dirigée par René Montano, qui revient avec nous sur l’histoire d’une « passion ». « J’ai toujours apprécié la découverte des senteurs, des odeurs, se remémore-t-il. Avec l’évolution de l’entreprise, je suis allé à Grasse qui nous fournissait les matières premières, je découvrais des parfums que nous avons dû nous approprier en laboratoire. L’univers s’est agrandi pour nous grâce à nos relations avec les professionnels du secteur. Aujourd’hui, nous pouvons dire que nous maîtrisons 500 voire 600 essences parfaitement et qui nous permettent de faire des créations originales ».
A ses côtés, Dominique et Virginie s’activent pour préparer au mieux l’inauguration de la boutique flambant neuve le 7 novembre prochain, dont le projet est sur les rails depuis maintenant un an. Car ici, « on prend tout le temps qu’il faut pour faire les choses de la bonne manière, on n’est pas pressé », conclut le gérant, qui met un point d’honneur à accueillir sa clientèle en bonne et due forme.
Laquelle retrouvera en vitrine non seulement une cinquantaine de parfums, mais aussi des cosmétiques, des laits pour le corps ou encore des savons, l’équipe travaillant aux côtés de la savonnerie marseillaise du Fer à Cheval et de Fourfour, basée à Aubagne.
Un savoir-faire perpétué
A quelques centaines de kilomètres de la cité phocéenne se dresse sur la Côte-d’Azur Grasse, proclamée capitale du parfum. Champs de roses, jasmins et verveine s’étendent dans ce panorama champêtre et participent à la renommée de la ville, reconnue depuis deux siècles pour son savoir-faire et ses laboratoires, où sont élaborées les fragrances.
Fiers de leur artisanat et de leurs traditions, les parfumeurs locaux y organisent des visites, en détaillant aux curieux les différentes manières d’extraire les arômes et les subtilités du métier de « nez ». Des connaissances que s’approprient les parfumeries artisanales de Marseille. C’est le cas de Corinne Orsini, qui tient l’une des plus vieilles enseignes de parfumerie dans la cité phocéenne, nichée rue de la Palud (1er) : Alchimie Parfumeur. Depuis 1988, elle y propose une cinquantaines de ses créations.
Mais ce qui la démarque surtout des autres parfumeurs est son concept de personnalisation. « Je fais de l’artisanat pur et dur, en m’associant à un laboratoire de Grasse et un autre sur Marseille. L’esprit de la boutique est de créer des parfums selon les préférences des gens et de leur humeur, nous explique-t-elle. Ce sont eux qui me guident ; par exemple, s’ils aiment la fleur d’oranger, je vais m’en servir comme base puis adapter selon la saisonnalité et le ton que l’on va y apporter : des notes chaudes ou boisées l’hiver, aérées en été. J’ai aussi mis en place des ateliers, car l’idée principale est de suivre l’envie des clients. Je leur apprends à créer, à découvrir les essences, à les guider dans leurs dosages et je garde les recettes attitrées comme ça ils peuvent me les redemander ».
Des produits artisanaux qui participent au dynamisme territorial
Malheureusement, comme dans bon nombre de secteurs, Corinne est touchée de plein fouet par la crise liée à la Covid-19, ajoutant un fossé supplémentaire à celui creusé pendant les manifestations des gilets jaunes.
Malgré ces aléas mettant à mal l’industrie régionale, il semblerait que le secteur attire de plus en plus de start-up. C’est en tout cas ce que constate la Chambre des Métiers et de l’Artisanat Provence-Alpes-Côte-d’Azur (CMAR), comme en atteste le nombre d’immatriculations qu’elle a enregistré sur les trois dernières années : En 2018, 27 entreprises spécialisées entraient sur le marché, tandis que cette année, ces nouvelles parfumeries artisanales sont au nombre de 36. Et si les plus vieilles enseignes, comme Diffusions Aromatiques, à Saint-Cézaire-sur-Siagne, sont encore nombreuses à prospérer sur le marché (51 entreprises de plus de 15 ans d’ancienneté), 80 enseignes de moins de 3 ans d’existence ont pris le pas sur la tendance.
Dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, 237 entreprises artisanales sont ainsi répertoriées dans la catégorie « Fabrication de parfums et de produits pour la toilette ». Dans les Bouches-du-Rhône, elles sont 42 à s’être implantées, permettant au Département de conserver la deuxième position derrière les Alpes-Maritimes, qui en comptent 108, soit 46% sur la région. Un aperçu prometteur, dont les campagnes de valorisation du patrimoine local contribuent à promouvoir.